L’écrivaine et traductrice algérienne Inaam Beyoud, lauréate du grand prix littéraire Assia Djebbar pour son roman en langue arabe Houaria qui raconte le quotidien d’une femme d’une ville de l’ouest du pays est au centre d’une grande controverse sur les réseaux sociaux.
Certains reprochent à la romancière d’avoir porté atteinte aux bonnes mœurs et aux valeurs morales de la société en raison du caractère « vulgaire et licencieux » de certains passages de son récit. Ils sont même allés jusqu’à réclamer le retrait du prix qui lui a été décerné par le jury. Rien que ça.
D’autres demandent la censure pure et simple du roman dont ils exigent l’interdiction de sa publication. Ah l’Algérie n’est pas avare de courageux procureurs de bonnes moeurs. Quant aux défenseurs de liberté de pensée et d’agir, il faut les chercher à la lumière d’une bougie.
Quel courage que de s’attaquer à une romancière au moment où l’arbitraire le plus vil orchestré par le pouvoir s’en prend à des innocents ! De minables scribouillards qu’effarouche la création se découvrent une mission de gardiens de la bonne société. Des larbins en service commandé d’une idéologie d’un autre âge se prennent en redresseurs de torts de création. Pourtant la réalité n’est jamais loin dans le texte de la romancière.
En même temps, personne ne dit rien non plus sur la saleté qui court les rues, la corruption qui gangrène le pays… Il y a mille autres raisons pour s’indigner en Algérie, mais motus et bouche cousue.
Cette cabale contre l’universitaire et romancière Inaam Bayoud a néanmoins suscité la réaction de nombreux internautes qui lui ont exprimée leur solidarité. Ils ont défendu la liberté de création de l’écrivaine qui, disent-ils, est attaquée par ceux qui se sont érigés en « gardiens de la vertu », estimant que le roman relate « des situations inspirées du vécu social ».
Dans une pétition diffusée sur le la plateforme mesopinions.com, des écrivains intellectuels et journalistes ont apporté leur soutien à Inaam Bayoud, Assia Ali Moyssa, directrice de MIM Edition et aux membres du jury du prix Assia Djebbar.
« A la suite de la cabale contre la romancière et traductrice Inaam Bayoud et son roman «Houaria» couronné par le prix Assia Djebar 2024 et à la décision de la maison d’édition Mim de mettre fin à son activité sous la pression suscitée par les ennemis de l’art et de la culture, nous, écrivains, éditeurs, libraires, artistes, journalistes, universitaires, intellectuels et citoyens amoureux de l’art et de la culture, déclarons ce qui suit :
Dénonçons avec la plus grande fermeté les attaques indignes et les menaces à peine voilées ou assumés contre eux.
Condamnons les atteintes à la liberté de créer, d’éditer, de publier et de diffuser des œuvres de l’esprit d’où qu’elles viennent.
Apportons notre soutien total à l’auteure, son éditrice et les membres du jury et les assurons de notre entière solidarité.
Demandons à la directrice de Mim édition de revenir sur sa décision de fermer sa maison suite aux pressions subies et l’assurons de notre soutien et de notre solidarité.
Alger, le 16 juillet 2024
Premiers signataires :
Lazhari LABTER, écrivain
Waciny LARED, écrivain
H’mida AYACHI, écrivain
Amin ZAOUI, écrivain
Nacer DJABI, sociologue
Sofia DJAMA, auteure réalisatrice
Arezki METREF, écrivain
Ahmed BENKAMLA, réalisateur
Mohamed ELKEURTI, écrivain
Aziz MOUATS, auteur mémoriel
Maissa BEY, écrivaine
Abdelkader Bouzida, universitaire
Sana BOUZIDA, universitaire
Chahra Bouzida, universitaire
Mourad PREURE, économiste
Meriem GUEMACHE, écrivaine
Lounes BERCHICHE, retraité
Safia BELHOCINE ZEMIRLI, écrivaine
Youcef AIT TAHAR, journaliste