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Cahier d’un retour au pays voisin, le Maroc

Tanger
Tanger

« Tanger. Couronné de collines, tourné face à la mer, ce promontoire haut et blanc, qui semble se faire une traîne de toute la côte africaine, est une ville internationale au climat excellent, huit mois sur douze; en gros, de mars à novembre. Des plages magnifiques de sable doux comme du sucre en poudre, et de brisants. » Truman Capote, Impressions de voyages (1990)

Je suis allé une bonne vingtaine de fois au minimum au Maroc et c’est bien la première fois que je me décide d’aller plus au nord que la ville de Kenitra. Arrivé directement à Casablanca que je connais parfaitement, au moins pour le centre-ville qui est très vaste puisque nous avons affaire à la plus grande cité nord-africaine, j’ai vu mon ami Hassan Dabchy que j’ai rencontré un an auparavant à Fès lors du festival des Littératures Itinérantes.

Papotages à n’en plus finir sur le monde comme il va, promenades en voiture et déjeuner à Bouskoura où tajines et tanjias étaient servis à une clientèle bariolée et nombreuse.

J’ai fait part à mon ami de mon désir de visiter Tanger pour la première fois. « Je t’enverrai les coordonnées de mes amis tangérois avec lesquels tu t’entendras magnifiquement bien. »

D’habitude, en pareille circonstance, je dodeline de la tête mais rien n’est suivi d’effet parce que je n’aime pas déranger. Seulement, avant de m’envoyer les numéros de téléphone de ses amis, l’ami Hassan les avait bien évidemment contactés et leur avait confié le mien. Impossible de faire autrement que de leur envoyer un message pour m’annoncer.

Café Hafa

J’ai donc pris le TGV ― eh oui, le Maroc est le seul pays africain à être doté de cet engin de dernière génération quand la plupart des autres pays se trouvent encore dans une situation moyenâgeuse pour ce qui est des moyens de locomotion. De la gare de Casa Voyageurs, me voilà sans coup férir deux heures plus tard arrivé dans cette gare de Tanger ultramoderne que beaucoup de capitales européennes lui envieraient. L’amie Oumaima était là à m’attendre pour me faire déambuler à travers sa si belle ville et me présenter ses principaux trésors.

La cité blanche qui est perchée sur une butte face au port surveille tous azimuts l’Europe face à elle et l’Afrique derrière elle, la mer Méditerranée placée à sa rencontre et l’océan Atlantique sur son flanc. De la terrasse de l’hôtel où je suis descendu, on peut voir, le soir venu, les lumières des villes espagnoles de l’autre côté du détroit. Ville de tous les échanges, premier port du continent, sublime porte d’entrée d’un monde extraordinaire pour des générations d’écrivains en mal d’exotisme et d’inspiration.

Il me plait de citer les noms suivants sans que cela soit exhaustif, loin de là… Truman Capote dont la citation, plus haut, est mise en exergue, Jack Kerouac, Antoine de Saint-Exupéry, Tennessee Williams, Paul Morand, Roland Barthes, Jean Genêt, Marguerite Yourcenar, Paul Bowles, William Burroughs, Allan Ginsberg… et l’ineffable Mohamed Choukri, l’enfant du pays, qui est l’auteur de l’inoubliable Pain nu.

Je n’ai pas oublié les deux contacts fournis par l’ami Hassan. Le premier, Jamal Souissi, réalisateur de cinéma, s’excuse d’être pour l’instant à Marrakech pour le festival international du film. Le lendemain de mon arrivée dans la capitale du nord, rendez-vous a été pris avec mon second contact dans un endroit au nom mystérieux, Dar Dmana, « la maison de confiance ». Une fois arrivé sur place, je me retrouve au milieu d’une immense cour ouverte sur la rue et fermée au niveau de la falaise qui dégringole vers la mer. J’ai remarqué une petite mosquée posée sur le flanc droit et au fond, à gauche, un minuscule cimetière, probablement familial. Et entre les deux, deux immenses portes d’entrée en bois. M’étant avancé dans une aire privée, un homme est venu m’aborder pour me demander ce que je faisais là.

« J’ai rendez-vous » lui ai-je répliqué. « Bienvenue, vous êtes attendu. Je vous ouvre la porte. Rentrez svp » me dit-il en me tendant la main. Une fois à l’intérieur, je me suis retrouvé dans un patio central à l’intérieur d’un magnifique palais. On m’installe dans un bureau et je fais connaissance en sirotant le café avec deux hommes d’une extrême amabilité. Arrive Asmaâ toute souriante et le papotage reprit de plus belle. Faire connaissance est une phrase qui n’a rien à voir avec la réalité des choses : j’avais l’impression de connaître ces gens depuis toujours. Nous nous sommes de nouveau retrouvés en fait pour poursuivre une conversation que nous avions entamée avant de nous rencontrer.

Quand on est au Maroc, parce que nous avons l’Algérie au cœur sans aucun chauvinisme, on ne peut pas s’empêcher de faire le parallèle avec le pays voisin, le « grand cimetière » comme l’appelle un de mes amis. Indubitablement, nous sommes dans une autre dimension. Que ce soit pour la technologie (j’ai parlé de ce magnifique TGV appelé Al Bouraq qui est pour l’instant circonscrit à la ligne Casablanca-Tanger avec arrêts à Rabat et Kenitra en attendant l’ouverture de la ligne Casablanca-Agadir avec arrêt à Marrakech), pour cette merveilleuse gastronomie célèbre dans le monde entier, pour l’immuable hospitalité de ses habitants, le Maroc a véritablement quelques longueurs d’avance.

Bien évidemment que tout n’y est pas rose, loin de là, et je ne suis pas là pour faire le parallèle entre deux pays que tout réunit sauf les pouvoirs en place mais il y a un élément qui m’a indubitablement choqué, c’est le nombre incroyable de mendiants qui traînent leur misère dans les rues des grandes villes.

J’aimerais terminer ce papier par une anecdote vécue à mon départ à l’aéroport de Casablanca. Arrivé au guichet de la police des frontières, à la lecture de mon passeport le policier avait un sourire au coin des lèvres. Et m’a dit : « Vous êtes né à Sétif ? Vous devez être supporter de la grande équipe de football l’Entente sétifienne. »

Étonné qu’il puisse connaître cela, je lui ai répondu que le football était un monde qui m’était totalement étranger, et j’en ai profité pour lui remercier pour cet accueil inouï que le Maroc réservait à ses visiteurs étrangers. Il me répliqua que je n’étais pas un étranger, que je serai toujours le bienvenu et que les gens les plus sympathiques du pays étaient forcément les agents de police. J’ai quitté ce magnifique pays sur ce beau cadeau : ce sourire offert par un policier marocain aux frontières.

Kamel Bencheikh

 

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