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CAN-2019: grande fierté et pointe de ressentiment chez les Français d’origine algérienne

FOOT

CAN-2019: grande fierté et pointe de ressentiment chez les Français d’origine algérienne

Le parcours exceptionnel de l’équipe algérienne de foot, qui dispute vendredi la finale de la CAN-2019 face au Sénégal, a été fêté dans la liesse par les Français d’origine algérienne qui y voient « un symbole de la révolution » en cours en Algérie, explique Karim Amellal, enseignant à Sciences Po.

Mais les incidents qui ont émaillé certaines manifestations témoignent aussi d’un « ressentiment » envers la France qu’il « faut entendre », estime cet écrivain, auteur de « Dernières heures avant l’aurore » (Editions de l’aube).

QUESTION: Comment expliquez-vous la ferveur des supporters de l’Algérie en France ?

REPONSE: Il y a une raison qui est sportive, qui est liée au parcours exceptionnel de cette équipe dans une coupe d’Afrique des nations. C’est la première fois depuis 30 ans que l’Algérie arrive à ce stade de la compétition.

Il y a ensuite une raison politique, fondamentale, c’est bien sûr ce qui se passe en Algérie. L’équipe d’Algérie est davantage l’équipe du « Hirak », du mouvement, de la révolution, que l’équipe nationale au sens équipe du pouvoir. C’est vraiment une équipe qui incarne ce qui se passe dans les rues en Algérie depuis le 22 février.

C’est un peu l’équipe de la révolution et ce n’est pas anodin en Algérie parce que ça fait référence à la fameuse équipe du FLN (Front de libération national, au pouvoir depuis l’indépendance, NDLR) qui a contribué grandement, en particulier à l’étranger, à faire rayonner le mouvement national et ce qu’on appelait à l’époque la révolution.

Q: Rien à voir avec l’identité ?

R: Ce n’est pas propre aux Algériens, aux Franco-Algériens et aux personnes d’origine algérienne en France. C’est une fierté de l’origine, une volonté d’affirmer une identité souvent amoindrie dans les débats nationaux, une identité plurielle, binationale.

Même si on n’a finalement plus trop de liens matériels avec le pays d’origine, il y a une volonté de porter haut, à travers le drapeau notamment, l’histoire des parents, de ne pas l’oublier. C’est un renversement du stigmate: faire de quelque chose, perçu comme un stigmate, l’étendard d’une fierté individuelle et collective.

Q: Pourquoi la fête a-t-elle parfois dégénéré en violences ? Pourquoi s’en prendre au drapeau français ?

R: Il y a toujours dans ce genre de manifestation sportive des bandes de voyous qui viennent profiter de l’événement pour semer le chaos. Mais aussi, peut-être, une volonté d’affirmation poussée à l’excès qui peut parfois pousser à la violence. Il ne faut pas exagérer ces violences: elles sont réelles et portent atteinte aux Franco-Algériens en France et aux Algériens. Mais ce sont des voyous, des bandes qui trouvent là un exutoire pour exprimer une forme de nihilisme.

Cette histoire de drapeau, c’est une colère, un ressentiment. Il y a toujours, en particulier pour les Français d’origine algérienne, ce sentiment de ghettoïsation, d’une histoire oubliée et cette idée qu’il faut s’affirmer. L’utilisation de l’identité du pays d’origine – qu’ils ne connaissent absolument pas – devient une arme d’affirmation massive.

On se souvient du match France-Algérie de 2001 où les supporters avaient sifflé La Marseillaise et envahi le terrain. C’est inexcusable mais il faut l’entendre et ça doit nous alerter tous, alerter les responsables politiques sur la nécessité de créer un sentiment national, un récit national et de s’occuper de ces quartiers là (les banlieues, NDLR).

Auteur
Avec AFP

 




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