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Caricaturalement, un islamiste c’est qui ?

REGARD

Caricaturalement, un islamiste c’est qui ?

Qui l’est ? Qui ne l’est pas ? Telle est la question peut-être. Dans le fatras du préjugé et des concepts à tout va, comment peut-on distinguer l’islamiste du simple musulman ? Sur le thermomètre de la ferveur idéologique, à partir de quel degré est-on islamiste ou au-dessous duquel on ne l’est pas ?  

Bien sûr, essentialiser, c’est déjà caricaturer, mais la question mérite plus que jamais d’être posée et pour cause, même un islamiste jure tous ses dieux qu’islamiste, tant s’en faut, il ne l’est pas. 

Au commencement de la propagation doctrinaire décuplée, après la révolution iranienne notamment, des signes apparurent et firent bientôt qu’on pût distinguer entre le musulman fanatique et le musulman tiède ou tolérant, entre le croyant dont la vérité est taillé dans le fer rouillé de la certitude et celui dont la croyance est de la vie, une dimension du sens, une explication pour raisonner le mystère et expliquer l’infini. 

Dans les années 80, le voile était visible, ostentatoire, un outil que nous savions de pénétration idéologique, un étendard évident de l’islam religion et État (Dinn wa dawla ). Et puis, des pays wahhabites puissants, à l’instar de l’Arabie Saoudite et du Qatar, les caisses gonflées par le pétrodollar, passent à une étape supérieure dans leur stratégie de la redéfinition du sens ou de la reprogrammation du musulman. Ils sèment écoles, universités, médersas ; ils saupoudrent ça et là projets, investissements ; proposent aides et soutiens, se font passer pour les chantres de la solidarité ; ils échafaudent un tissu politique, économique; étirent une toile médiatique aux quatre coins du globe. Aliénation accélérée. C’est le heurt des vérités. Le choc des identités. La redéfinition des altérités. Est-on humain d’abord ou d’abord et avant tout musulman ? Oui, parce que dans la tête de l’islamiste ce n’est pas si évident, la primauté de l’islamité sur l’humanité. 

Des guerres civiles éclatent. Des organisations terroristes sont financées. Des endoctrineurs payés des fortunes sont sur toutes les officines. Éclosent les guérillas, les guerres fratricides. Toutes ont une origine, la même : la vérité transmise, clouée dans les têtes, celle que les islamistes pensent indiscutable et indiscutée. 

Au nom de la vérité donc, des centaines de milliers de gens sont assassinés. Pendus. Violés et violentés. Lapidés. Exclus. Exilés. Une partie de l’humanité se sent investie du droit d’ôter des vies à la place de son créateur. Pour une caricature. Un dessin. Un livre. Un article. Un texte. Une différence. Un film. Une chanson. Une critique. Un geste. Un poème. Une danse. Une ballade dans la forêt. Un baiser. Une chevelure au vent. Un acte qui ne verse pas dans l’assentiment caractéristique du moutonnement collectif propre à l’idéologie meurtrière. Mais comme les islamistes sont de plus en plus nombreux, voire majoritaires dans certains pays, il devient difficile de distinguer l’islamiste de celui qui ne l’est pas.

La conception de la vérité est pratiquement la même partout et pour tous. Aussi intransigeante, aussi caricaturale. Aussi rationnalisée. Dans bien des contrées, l’islamisme, extrême déjà et radical en soi, se distingue bientôt d’autres islamismes. Il en découle des bizarreries du genre un islamiste ou une femme voilée se fait passer pour une laïque, une démocrate, voire une féministe en Occident. Ils dénoncent le meurtre au nom de l’islam, mais ne dénoncent pas le wahabisme, la salafisme, les Frères musulmans et toutes les doctrines légitimatrices de la disparition et de l’abolition de l’Autre.

Mais alors qu’est-ce qu’un islamiste aujourd’hui ? Qui sont tous ces gens qui s’empressent de dénoncer la caricature, mais n’ont aucune compassion pour l’enseignant décapité ? Qui sont toutes ces légions qui crient à l’islamophobie au lieu de se dire que l’islam, oui et sérieusement, est malade de l’islamisme. Son enfant légitime. Sa maladie aussi. Car, oui, évidement, l’islam est malade de son islamisme. 

Voici donc quelques caricatures… 

Un islamiste, même s’il fait la discussion, c’est quelqu’un dont la vérité n’accepte aucune discussion. Au fond, l’argument, la preuve ou la rationalité glisse sur son cerveau comme l’eau sur le plumage d’un canard. Il a beau donner à voir  qu’il débat, il connait la vérité avant d’aboutir à quoi que ce soit. Exemple : le miracle coranique. L’islamiste prétend à la scientificité du texte coranique, mais est incapable d’en débattre. Pire, il menace toute personne qui remet en question sa vérité. 

Un islamiste, même avocat, l’un des métiers les plus nobles de l’humanité, croit qu’il y a des gens qu’il peut défendre et d’autres non. Les pécheurs par exemple, ceux qui critiquent sa religion… Pareillement, quand il est médecin, il ne sait plus c’est quoi le serment d’Hippocrate. Rien ne vaut sa vérité, sa croyance indiscutable. Il est incapable d’appréhender un corps en dehors du binaire halal et haram. Pour lui, il y a des gens à soigner, d’autres non.  

Un islamiste est comme n’importe qui. La religion n’en fait pas un être fourbe ou honnête. Un hétérosexuel ou non. Un adultère ou un cocu. Un chasseur de trous ou un ascète. Mais son apparence est centrale. Elle est le fondement de son être. La prochaine prière suffit au reste pour que le compteur de mauvaises actions se remette à zéro.   

Un islamiste croit que seuls les musulmans ont le droit au paradis. Que les juifs vont être chassés, pourchassés, avilis à la fin des temps. Qu’ils seraient dénoncés même par l’arbre au pied duquel ils seront dissimulés. Que les mécréants méritent tous de mourir d’une manière ou d’une autre. Les plus intrépides le veulent tout de suite, les moins fanatiques, ou même certains tolérants d’entre eux, croient qu’ils sont voués pour un feu inextinguible et éternel. Ce qui est un peu la même chose, puisque le souhait du mal et de la souffrance de l’Autre est le même. 

Un islamiste ne peut même pas imaginer c’est quoi la différence entre une réalité historique, mythique ou mytho-historique. Débattre par exemple comme en Europe de l’historicité du prophète, des textes, est une ligne rouge derrière laquelle guette une corde au nœud coulant. La minorité doit lui être inférieure et, quand il a la puissance, lui payer la jiziya, une sorte d’impôt pour avoir le droit d’exister. 

Un islamiste, du moins en Occident, dit haut qu’il est démocrate, humaniste, universaliste, mais il n’imagine même pas qu’une université ou école de son pays puisse avoir le droit d’enseigner la bible ou la torah, ou que l’on ait le droit chez lui d’avoir des églises ou des synagogues. Bien mieux, en pays qu’il dit pourtant impies, il se dit laïc. Laïc positif ! 

Un islamiste dit partout que le voile est un choix. Enfin en  Occident surtout. Mais dès qu’une femme musulmane s’en défait, elle est vouée à toutes les gémonies. Une femme qui se défait de son voile définitivement, un islamiste le vit comme une défaite idéologique. Une bataille perdue sur la route menant à la oumma mondialisée. Une goutte de doute susceptible de souiller les eaux uniformes de la foi caractéristique. Ostentatoirement ou non, il vit un malaise. C’est un acte osé qui égratigne «la sacralité» du tissu originaire du ciel. 

Pour un islamiste, le doute, encore qu’il n’y ait aucun être humain sur terre qui ne doute pas, est inexistant. N’a aucune place en société. Publiquement ou non. Pour les besoins de son argumentation, il peut lire Nietzche, recourir à un athée comme Naom Chomsky, citer Michel Onfray à tout va, utiliser un savant ou philosophe de renom et marcher ensuite dans la rue pour ne plus enseigner la philosophie, interdire le blasphème, bannir la liberté de conscience et de religion… 

Un islamiste dira que le caricaturiste l’a offensé, que le dessin attente aux musulmans, et dira en cachette que les occidentaux sont des cochons, bannis par Allah et son prophète, des chiens, des gens impropres… 

Un islamiste au lieu de dénoncer Daech, les talibans et autres organisations terroristes, même s’il dit que ce n’est pas l’islam, dira que c’est un coup monté, que les gens n’y comprennent rien, que c’est après tous les impérialistes qui ont commencé, que c’est eux d’ailleurs les plus grands violeurs et assassins. 

Un islamiste peut avoir tout de l’Occident, son pantalon, chaussures, voitures, télé, absolument tout, Internet, une espérance de vie multipliée, mais il ne se posera jamais la question du climat à l’origine de toutes ces inventions et trouvailles. Il veut et adore le résultat de sa pensée, mais il ne veut pas de sa manière de penser. Il est incapable de comprendre que sa définition de la vérité est à l’origine de son arriération.  

Un islamiste dira que l’assassinat d’un penseur laïc comme Farag Fouda, d’un journaliste écrivain comme Tahar Djaout est voulu par eux : ils ont choisi la confrontation. Ils sont incapables de voir la nuance qu’eux ils les ont confrontés par la plume et la parole  alors qu’eux ils les ont tués. Autrement dit, pour eux, l’intolérant est le caricaturiste qui a dessiné et non le terroriste qui a tué le dessinateur. Au royaume aux murailles insurmontables du fanatisme, le sens a horreur de la raison.  

Un islamiste veut un État laïc, démocrate et égalitaire pour lui et ses enfants, mais un État chariatique pour les siens, ses compatriotes, ses coreligionnaires. Bien sûr, pour étancher la marmite d’un éventuel sursaut de conscience, il se montrera intransigeant en Occident dans sa définition de l’islam. Il fera du bruit à l’école ou à la garderie de son enfant autour du halal de la nourriture, du bannissement des bonbons à gélatine. Il marchera dans la rue dès qu’il y a un appel pour contrer l’islamophobie. Il se postera derrière un coreligionnaire pour lui rappeler que les yaourts qu’il vient de mettre dans son panier sont à gélatine. L’islamophobie, tiens ! Un cheval de bataille conceptuel inventé par les islamistes pour taire toute critique, tout débat, toute différence.  Et s’approprier de nouveaux espaces. 

Un islamiste vantera le savoir occidental, sa justice, les vertus du vivre-ensemble à l’origine de sa paix sociale, de la dignité des hommes et des femmes ; il rêvera tant et tant de ces pays, mais ne voudra jamais admettre que la qualité de vie de ces pays puise dans les libertés individuelles, dans les droits et devoirs de chacun.

Exemple : Le Hirak voulait changer le système algérien, avoir un État démocratique, fonder une 2e république, mais dès qu’il est entré dans le détail du possible pays démocratique à venir, il a compris que la démocratie c’est d’abord la conjugaison des libertés individuelles, l’égalité, le droit des minorités, l’Algérien musulman ou non… Cafouillage donc. Les islamistes entrent en scène. L’islamité de l’État est quasi-intouchable !  Aux oubliettes donc les libertés individuelles. 

Une islamiste, qu’il dise ou non que le voile est une obligation islamique, a un tissu dans sa tête, inconsciemment ou sciemment, qui fait la différence entre une femme «pudique» qui arbore le voile et une autre «impudique» qui a les cheveux au vent. Il ne dira jamais que des millions de femmes sont obligées de le porter et qu’elles peuvent mourir si elles ne le portent pas. Il n’expliquera jamais que l’obligation sociale est davantage qu’une obligation. 

Un islamiste même dit modéré, aussi modéré qu’il peut se taper «une salope», considère que Benazir Bhutto méritait de mourir : elle est laïque, me dit un jour un homme que je ne soupçonnais même pas d’être islamiste, d’autant plus que ses yeux revenaient d’une séance de «zyeutage» de plusieurs minutes, passée sur les fesses d’une passante occidentale.     

Un islamiste est incapable de discuter de la théorie de l’évolution, de considérer que Dieu est une question et non une réponse, de se défaire de l’idée que tout homosexuel est un malade à soigner par le fouet, la flagellation ou la pendaison. Si ailleurs, on dit que le doute est de la foi; pour lui, le doute est de la mécréance.  

Un islamiste, même lui-même adultère, défendra la lapidation. Et pour la justifier, il dira que c’est pour rétablir la morale, venir à bout de la dislocation et destruction familiale. Es-tu islamiste ? Non. Un adultère mérite-t-il de mourir inhumé sous des monceaux de pierres ? Oui. 

Un musulman tolérant est celui simplement qui n’applique pas la totalité des textes. Ou ne les croit pas en tout cas applicables. Il dira généralement que le terroriste de Daech n’est pas un musulman. C’est faux, bien évidemment. C’est un musulman. Lui, il a seulement appliqué à la lettre.  

Un islamiste, naturellement, est un complotiste. Pourquoi ? C’est une attitude qui le dispense de la preuve. De la raison. De l’explication rationnelle. Comme tout religieux fanatique, la construction de l’ennemi lui est essentielle. Il lui faut inventer tout le temps des ennemis pour justifier ses défaites, ses bondieuseries, ses déraisons. L’Occident prévaricateur. Le sioniste comploteur. La franc-maçonnerie. L’alliance judéo-chrétienne. Les croisés qui n’ont de cesse d’inventer et de réinventer des stratagèmes contre l’islam et les musulmans. 

Un islamiste, tu lui construis une bibliothèque dans son quartier. Tu la lui remplis de tous les livres du monde. Il suffit qu’il y ait une deuxième personne comme lui et il va construire une opinion en défaveur de la bibliothèque pour convaincre les gens que c’est un plan d’acculturation, que c’est un complot ourdi par l’ennemi pour éloigner les musulmans de leur religion et pervertir leur foi. La bibliothèque devient une sorte d’école coranique ou alors elle est brulée. La preuve : l’un des califes adulés des islamistes et Omar Ibn Al Khattab. Celui qui a donné l’ordre de bruler la merveilleuse bibliothèque d’Alexandrie. 

Commerçant, un islamiste peut voler ses clients par toutes sortes de subterfuges et être le premier à fermer à l’appel du muezzin à la prière. Il peut stationner sa voiture en plein autoroute, afficher sur son parebrise l’indication que c’est l’heure de la prière. Passe pour les malades les peuvent mourir sur la route, les femmes qui doivent atteindre la maternité d’urgence… Son acte justifie dans sa tête l’effacement du monde. 

En Occident, au nom de la liberté, un islamiste demande un cimetière musulman dans un village où il n’y a que 20 musulmans, un lieu de prière dans une école ou université, de la nourriture hallal partout et pour tous. Il encouragera et soutiendra les écoles coraniques tout en étant scandalisé qu’il y ait des écoles catholiques, judaïques ou autres.  

Un islamiste est convaincu que «Dieu a maudit dix personnes qui traitent avec l’alcool »; celui qui le distille, celui par qui il est distillé, celui qui le boit, celui qui le transporte, celui où il est transporté,  celui qui le sert, qui le vend, qui profite de l’argent de sa vente, qui l’achète pour soi, qui l’achète pour un autre. Un petit bémol cependant : aucun islamiste, mais alors aucun, aussi fanatique, intransigeant, aussi pieux, savant ou profane soit-il, alem ou autre, ne te dira que l’argent qu’il reçoit de l’État, ne serait-ce que parce son pays a mis l’argent dans des banques occidentales, est illicite.

A-t-on jamais entendu Quaradaoui dire que l’argent de son salaire provient de celui mis aux USA et donc souillé par l’usure ? A-t-on jamais entendu un imam dire à ses compatriotes au Canada, en Belgique, en France que dans les allocations sociales, le chômage ou l’aide qu’il reçoit, il y a un peu de l’argent de l’alcool ? Jamais. Les frontières de la cécité s’arrêtent aux poches !  L’argent n’a ni couleur ni odeur ni encore moins de religion ! 

Un islamiste c’est quelqu’un, après l’assassinat de l’enseignant qui a voulu susciter le débat dans sa classe pour expliquer aux futurs citoyens que vaut mieux être blessé par un dessin ou des mots que d’en venir à la violence et au meurtre, qui au lieu de sortir dans la rue pour dénoncer l’assassinat et se dissocier de l’islamisme, il crie à l’islamophobie et au complot contre sa religion. La victimisation est son arme quand il est minoritaire. Parce que quand il est majoritaire, il ne parle, ni ne débat, ni n’entend, ni n’écoute. Il tue. 

Les caricatures sont quasi-innombrables. Mais si on posait la question à un musulman algérien par exemple, un papa ou grand papa, quelqu’un du genre mon père ou ma mère, sur ce qu’est l’Autre, sa réponse serait aussi limpide que l’eau de roche : c’est quelqu’un comme nous. Le paradis ? Pour tous. Ou alors la réponse qu’avait souvent les miens, aussi croyants soient-ils : personne n’en est revenu ! Même musulmans, le doute leur est de la foi. Naguère, il n’outrageait personne.  

J’avais un ami, Jacques. Un collègue de travail converti à l’islam. Un jour, il me raconta les détails de sa conversion. Avant qu’il me dise par qui il a été converti, je lui dis que c’est un intégriste, un islamiste aujourd’hui. Il était étonné de ma déduction hâtive, dérangeante à bien des égards : « Pourquoi dis-tu ça ? ». « Parce que, rétorquai-je, mon père, qui est un musulman tolérant, un soufi, il observe toutes les obligations religieuses, n’aurait jamais essayé de te convertir. Il t’aurait admis, voire aimé, comme tu es. » « Mais comment tu peux dire que c’est un intégriste ?». « Un intégriste est quelqu’un qui pense que sa vérité, je veux dire sa vérité à lui, est la vérité, toute la vérité. Et donc ta vérité est fausse. M

on père aurait dit que pour chacun sa vérité. Peut-être pas en ces mots, mais il t’aurait aimé pour ce que tu es». Mon collègue de travail, un peu outré la première fois, trois mois plus tard, me raconta que c’était en effet un intégriste, un islamiste. Je lui dis que je le savais. Parce que n’importe quel musulman qui n’est pas intégriste t’aurait accueilli pour ce que tu es. Un intégriste, comme un islamiste, ne croit pas qu’il y a la possibilité d’une autre vérité. Sur terre, il n’y en a qu’une seule. La sienne. La vérité, toute la vérité ! Elle lui vient du ciel. Du dieu dont il s’est autoproclamé vicaire. Remplaçant sur terre.    

Auteur
Louenas Hassani

 




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