Vendredi 25 octobre 2019
Cauchemar de la France : une transition pacifique réussie !
Crédit photo : Zinedine Zebar.
Un dictateur n’a pas de concurrent à sa taille tant que le peuple ne relève pas le défi » François Mitterrand.
Dans les bouleversements qu’a connus la société algérienne colonisée puis décolonisée, on insiste toujours sur les conséquences de la colonisation rarement sur la phase de décolonisation. L’Algérie et la France vivent le passé au présent, elles en sont malades, d’une maladie qui semble incurable. Ni l’Algérie, ni la France ne veulent regarder ce passé ensemble. Il s’agit de sortir de la prison du passé et d’engager les relations sur la route de l’avenir. Un avenir hors de tous réseaux occultes dont les jeunes font les frais. Les Algériens au milieu de la méditerranée, les français dans les rangs du terrorisme international produit des oligarchies financières qui avancent masquées dans un monde sans état d’âme où l’argent sale coule à flots’.
En fait, il s’agissait pour la France d’imposer à l’Algérie indépendante un ordre politique et juridique qui garantisse la prééminence de ses intérêts stratégiques. C’est pourquoi, le rapport entre contestation et répression, domination et émancipation est récurrent en Algérie. Dans la tourmente qui enfante de nouvelles sociétés ou qui les étouffe dans l’œuf, les situations semblables créent des jugements semblables. L’obstination de la France coloniale a produit le FLN,
l’intransigeance du FLN au pouvoir a donné naissance au FIS. L’islam est un refuge pour les déshérités, un instrument de mobilisation des masses pour les révolutionnaires et une menace permanente pour l’hégémonie occidentale. Pour les dirigeants nationalistes algériens, une fois l’indépendance acquise, l’islam devait céder la place au socialisme « matérialiste » tout en décrétant l’islam religion de l’Etat et les frais de fonctionnement des mosquées prises en charge par l’Etat. Hier, le colonisateur proposait aux musulmans la citoyenneté française contre le renoncement à l’islam.
Aujourd’hui, le pouvoir algérien suggère implicitement aux « islamistes » de participer au gouvernement contre une mise en sourdine de la « charia ». Autrement dit l’obéissance à l’Etat au lieu et place de la soumission à Dieu. En traitant les « autochtones » de « bougnols », des « moins que rien », (fainéants-nés, des voleurs-nés, des criminels-nés, des menteurs-nés), la France a fait de l’humiliation et de la soumission des techniques de maintien de l’ordre colonial. Le régime politique algérien n’va-t-il pas institué le mépris et l’arrogance comme mode de gouvernance ? Sur un autre plan, la disproportion des moyens de répression mobilisés ne vise telle pas qu’à humilier et à soumettre une population de plus en plus rebelle à l’ordre établi. L’histoire se répète, les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets.
« L’histoire est terrible avec les hommes et d’abord elle leur bande les yeux en leur faisant croire que le pire n’est pas pour eux ». La colonisation française a débuté avec le pillage du Trésor d’Alger (La Régence), l’indépendance a commencé avec la disparition des fonds et des bijoux collectés au titre de la Caisse de solidarité nationale sous prétexte de renflouer le trésor public pour finir par la dilapidation et le détournement de mille milliards de revenus pétroliers et gaziers par les gouvernants condamnant leur propre peuple à une pauvreté certaine. L’ordre colonial français fût une occupation du territoire par « l’épée et la charrue » ; l’ordre étatique algérien serait une appropriation privative du sol et du sous-sol algériens par les «textes et le fusil». Si la violence exercée par la colonisation était légitimée par la mission « civilisatrice » de la France, la violence légale de l’Etat algérien s’effectue au nom du « développement ».
La révolution algérienne qui a démarré avec la mort d’un instituteur français tué par le FLN dans les Aurès s’est terminée avec l’assassinat d’un instituteur algérien par l’OAS en Kabylie. C’est là tout un symbole. Les régimes déclinants résistent à la critique verbale. « La force de l’histoire contre la force des armes ». L’enjeu des pouvoirs colonial et post colonial n’est en vérité que la soumission de l’homme à l’ordre établi c’est-à-dire l’acceptation de son statut de sujet par le « bâton » (la répression) et/ou la « carotte » (la corruption). Les dirigeants, dans leurs délires, se déclarant être « l’incarnation du peuple » ; considèrent l’Algérie décolonisée comme un « butin de guerre » à se partager et la population comme un troupeau de moutons à qui on a confié la garde. Tantôt, le berger les amène à l’abattoir, tantôt aux pâturages selon les circonstances du moment et les vœux du propriétaire. Ils gèrent les ressources du pays comme conquérants alors qu’ils se proclament ses libérateurs.
La France est partie mais ses intérêts sont préservés. L’élite dirigeante va reproduire les méthodes du colonisateur et parachever sa politique économique et sociale Cette gestion autocratique, anarchique et irresponsable de la société et des ressources du pays n’est nous semble-t-il pas étrangère à l’influence et l’attraction de la France sur/par les « élites cooptées » du pays, aujourd’hui vieillissantes pour la plupart, maintenue en activité malgré leur âge avancé et pour la plupart finissent presque tous dans un lit d’hôpital parisien entre les bras de « notre mère patrie la France ». Elle s’insère parfaitement dans la stratégie de décolonisation du général De Gaulle, engagée dès 1958 à son retour au pouvoir et parachevée en 1962 par la signature des accords d’Evian dont la partie la plus secrète a été semble-t-il largement exécutée.
Elle a permis à la France d’accéder à la pleine reconnaissance internationale en tant que grande nation (indépendance énergétique), à l’unité nationale retrouvée (menace guerre civile évitée) et au rang de puissance nucléaire (premiers essais concluants au Sahara) et a miné l’Algérie post coloniale par la dépendance économique (viticulture, hydrocarbures, importations), par la division culturelle (langue, religion, ethnie), et par l’émergence d’un régime militaire autoritaire peu soucieux des intérêts de la majorité de la population. En imposant un schéma institutionnel dont la logique de fonctionnement était radicalement opposée à celle de la société indigène, et un modèle économique étranger aux réalités locales des populations, le colonisateur préparait en fait la société postcoloniale à l’échec de la modernisation politique et au développement économique. Les services secrets français ont joué un rôle important. Ce n’est pas un pur hasard que la plupart des ambassadeurs qui sont passés par Alger se retrouvent le plus souvent à la tête de ces services.
Aujourd’hui, la France a-t-elle perdu pied en Algérie pour que son ambassadeur déclare avoir été surpris par le peuple algérien ? Depuis quand le peuple algérien fait partie de l’équation politique de la France ? « En politique, trahison, lâcheté, et hypocrisie sont des religions, c’est pour cela que nous avons de mauvais gouvernants » nous apprend Laurent Denancy Déçu par tant de forfaitures et de trahisons, le peuple a tourné le dos aux élites et a décidé de prendre en charge lui-même son destin en mains. Il se méfie de tout, de tous. il a placé sa confiance en Allah sans passer par des intermédiaires, Allah suffit comme protecteur.
Hier « un seul héros le peuple », aujourd’hui « un seul sauveur le peuple ». N’en déplaise à certains nostalgiques d’un passé révolu immédiat et lointain. Que la France de Mitterrand sache que le peuple algérien relève le défi pacifiquement en combattant la dictature les mains nues et le sourire aux lèvres. Hommes, femmes et enfants battent le pavé réclamant l’indépendance qui leur a été confisquée en 1962. Il a mis fin à vingt ans d’humiliation et de despotisme sans verser une goutte de sang et sans casser une seule lampe. Les années 9O sont présentes dans nos mémoires respectives des deux côtés de la méditerranée. Le peuple algérien n’est pas un peuple guerrier, il n’a envahi aucun territoire, la violence n’est pas inscrite dans ses gênes, c’est un virus que la France coloniale a injecté sur son corps innocent. La syphilis de triste mémoire.
La société autochtone était saine, instruite et pieuse avant l’arrivée des troupes françaises porteuse des gênes de la violence. Qui ignore la guerre de « cent ans ». Certainement pas la France et l’Angleterre. Le peuple algérien est un peuple rebelle mais fier. Ce qui le caractérise à présent, c’est sa patience, son pacifisme, sa fraternisation et son unité : « Selmia, selmia » : « khaoua-khaoua » sont ses mots d’ordre. Une révolution est en marche, Elle est pacifique, tous les peuples sont concernés, tous les Etats sont visés. Un nouveau monde s’annonce. Il est plein d’espoir. Les Etats nations produits de la décolonisation vont-ils survivre à l’unité et au pacifisme des peuples révoltés ? Ce sera l’objet de notre prochaine contribution.
Dr A. B.
PS. Le regard de la France conquérante sur l’Algérie colonisée « nous allons apporter les lumières aux hommes de barbaries ». La mission civilisatrice de la France Nous, nous sommes des hommes des lumières et les autres se sont des hommes des ténèbres qu’il faut éclairer par notre savoir, notre démocratie » Naturellement la France n’est pas venue en Algérie pour la civiliser mais bien pour la militariser. Aujourd’hui la France aide les dictatures militaires parce qu’’elles défendent ses intérêts. « Cachez moi ce sein que je na saurais voir » disait un personnage de Molière.