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Ce qu’il a refusé hier, Bouteflika l’accepte aujourd’hui (II)

DECRYPTAGE

Ce qu’il a refusé hier, Bouteflika l’accepte aujourd’hui (II)

Les pays principaux partenaires économiques de l’Algérie n’ont pris aucune position particulière pour ce cinquième mandat qui se profile. Leur opinion publique semble complètement désintéressée d’un problème algéro-algérien.

Si les médias lourds et la presse française ont font tout un plat c’est uniquement pour leur audimat auprès de la communauté algérienne très nombreuse dans ce pays.

1- L’appel d’El Mouwatana est un grand test pour l’opposition

Les Etats-Unis par exemple, leurs multinationales ont fait une percée considérable depuis l’arrivée de Bouteflika qui leur a réservé sa première visite, préparée soigneusement par son ami Chakib Khelil. Depuis leurs experts sont là à chaque grande occasion notamment la loi sur les hydrocarbures.

Les manœuvres que certains ambassadeurs qui étaient présents en Algérie pour recevoir les leaders de l’opposition comme Sid Ahmed Ghozali ou Ali Benflis n’est qu’une forme de pression pour accélérer le traitement de certains dossiers en instance que le pouvoir a bien compris. Pour les pays européens, ils font dans leur majorité confiance à la France qui connaît très bien l’Algérie en tant qu’ancienne colonie.

Les politologues aguerris qui ne peuvent se fier au jugement de la jeunesse macronienne en état d’euphorie mais de la France profonde imprégnée des réalités de la relation historique France /Algérie, telle que détaillée par Frantz Fanon dans son livre «Les Damnés de la terre», pensent que Bouteflika est le seul qui est capable de tenir tête à l’armée et mettre au pas les anciens combattants qui confisquent le pouvoir au nom de la légitimité révolutionnaire.

Dans son temps, Bernard Kouchner a créé un incident diplomatique en répondant à la question des journaliste lors la visite de Sarkozy « que va-t-on trouver en Algérie ? Il dira « la génération de l’indépendance est encore au pouvoir, après ce sera peut être plus simple ». Aujourd’hui, lui et nombreux sont les socialistes qui sont impressionnés de voir mettre cinq généraux majors d’un seul coup en prison alors qu’il suivit depuis l’indépendance la puissance de l’armée dans le pouvoir.

Bouteflika se soigne chez eux, Boumedienne a préféré la Russie, Chadli Bendjedid, la Belgique, quant à Liamine Zeroual, il se soigne toujours comme le petit peuple en Algérie. A ce dernier certaines sources  lui collent un check up en Espagne mais reste invraisemblable de par le patriotisme de l’intéressé, éduqué dans une famille révolutionnaire père chahid et la majorité des frères dans l’armée.

Cette histoire de l’approche Macron de vouloir dépassionner la relation France/Algérie en regardant l’avenir « et oublier le passé sans l’enterrer » n’est que pure utopie et dénote une exaltation de jeunesse qui s’éloigne du pragmatisme et de la réalité. Même si avec les autres pays, la mondialisation est seulement économique, celle des anciennes colonies restera encore sociale pour plusieurs générations. Peut-être qu’Abdelaziz Bouteflika, de par son parcours politique et le nombre important de dirigeants avec qui il a eu affaire, est le seul à avoir compris cette situation et donc s’impose même diminué de ses capacités.

Le seul problème qui reste posé à sa candidature est strictement interne en fonction de l’ampleur de ce  « non au cinquième mandat » dans les réseaux sociaux et surtout cet appel de la coordination de la Mouwatana à la journée du 24 février qui coïnciderait justement avec la sortie de Bouteflika pour inaugurer le nouvel aéroport international voire peut-être la grande mosquée.

2- Bouteflika n’est pas Nicolas Maduro

La légitimité révolutionnaire n’est pas une idéologie mais un mode de gouvernance en vigueur depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962. Il y a une frange importante de la population qui continue à croire que ceux qui ont participé activement à la révolution du premier novembre ne peuvent trahir les chouhadas pour mettre en péril leurs acquis et rendre vain leur sacrifice.

En 2019, plus de 40% de la population algérienne à moins de 25 ans et n’ont connu avec Bouteflika que le chômage, la hogra et la harga. Ont-ils fait l’objet d’une fertilisation de ce patriotisme de la part de  leurs aînés ? Ce n’est pas si sûr et le test de ce cinquième mandat nous le dira. Mais ce qui est certain, dans le cas où deux franges importantes de la population s’affrontent dans la rue pour le « oui » et le « non » à la continuité, Bouteflika, dans la position qui est la sienne, ne s’imposera pas même à la minorité et donc se retire carrément de la course présidentielle.

Pourquoi ? Parce que de sources concordantes et crédibles, ni lui ni sa famille n’ont désiré ce cinquième mandat qui leur a été contraint par défaut. Pour la première de ces 57 ans de carrière politique de l’Algérie indépendante, cet homme vaniteux et fier se montre dans sa lettre de candidature conscient de sa faiblesse maladive, dévoué à l’appel qui lui a été lancé par les ailes du pouvoir et reconnait  « ne pas concrétisé la totalité de ses engagements envers d’autres, ni encore moins satisfait toutes ses attentes et ses ambitions qui sont grandes ».

Lorsqu’il rappelle et, ceci vient sans aucun doute de lui-même que ses difficultés physiques  « liées aux ennuis de santé auxquels chacun peut être un jour confronté », il fait allusion aux caricatures humiliantes que la presse nationale et internationale font de lui et qui le blesse ainsi qu’à toute sa famille. Qu’est-ce qui oblige quelqu’un aussi charismatique de continuer cette mascarade si ce n’est pour la bonne cause et une sollicitude sincère «  pour poursuivre ma mission au service de la patrie ». Mais un « non » populaire va certainement l’abaisser à la fin de sa carrière politique.  

3- Pourquoi sa lettre de candidature ne contient aucun programme

Il est sur le point de briguer un cinquième mandat mais continue d’étaler ses trois premiers qui l’éloignent de la réalité de 2019. La concorde civile et la réconciliation nationale, le remboursement par anticipation de la dette extérieure, la constitution du fonds de régulations et son opposition, dit-on à la création d’un fonds souverain, ont certes beaucoup aidé le pays du point de vue sécuritaire mais n’ont pas réussi à obtenir un consensus social pour mettre en place des réformes audacieuses prévu dans son quatrième mandat, lequel mandat a vu son bilan totalement zappé.

Toutes les ONG proposent sur le plan économique des réformes de fond qui ne sont pas très différentes de celles que recommandait le Fonds monétaire International (FMI). Ces dernières demandent une audace managériale, très impopulaire mais pas que cela. Elles exigent du système de renoncer au pilier qui le cimente : la paix sociale qui pourrait se rompre à tout moment avec toutes les conséquences qui en découlent, octobre 1988 est la preuve irréfutable.

La réalité est que voilà depuis maintenant quatre ans, l’Algérie voit ses réserves de change fondre. La faute à un prix du baril de pétrole trop bas pour couvrir les dépenses de l’Etat soucieux de maintenir la paix sociale dans le pays. Les temps fastes semblent désormais révolus. Les hydrocarbures représentent aujourd’hui près de 30% de la richesse du pays. Ils comptent pour 98% des exportations, et rapportent environ 70% des rentrées fiscales de l’Etat.

Le niveau de vie des Algériens et la santé économique du pays se calquent aujourd’hui sur les prix du baril de pétrole dont la tendance n’est pas rassurante.

900 000 nouvelles bouches viennent chaque année. Les finances de l’Etat pourraient être à sec d’ici à 24 mois si la démarche ne changerait pas de trajectoire. Faire tourner la planche à billets, favorise l’inflation qui mènera droit vers le chaos vénézuélien. Le pouvoir actuel se retrouve donc devant un choix difficile, presque impossible. Le gouvernement veut assurer la pérennité financière de l’Etat et aimerait changer de politique budgétaire et mettre fin aux subventions publiques. Mais le risque d’un embrasement social est grand. Les mouvements sociaux de 2016-2017 ont freiné les plans de rigueur. Il faudrait que le baril de pétrole puisse remonter à près de 100 dollars pour résoudre à court terme les difficultés budgétaires sans déclencher des mouvements sociaux durs. Mais cela ne risque pas d’arriver.

4- Que propose Bouteflika ?

Deux chantiers l’un en amont et un autre en aval, la révision de la constitution et une conférence nationale « de toutes les forces politiques, économiques et sociales de la Nation pour la concrétisation d’un consensus sur les réformes et les changements que notre pays devra engager en vue d’aller plus loin dans la construction de son devenir et de permettre à nos concitoyens de continuer à vivre ensemble, de mieux en mieux, dans la paix et la prospérité ». Qu’est-ce qu’il l’aurait empêché de les faire il y a une année ou toutes les années précédentes ? Ou  aujourd’hui n’est-il pas encore président légitime ?

Que rapporterait à l’économie voire à la stabilité politique une révision de la constitution sinon un salaire supplémentaire d’un vice-président qui attendrait paisiblement la mort de Bouteflika pour sa succession ? Les forces politiques ne sont-elles pas présentes dans les deux chambres haute et basse? Pourquoi n’ont pas donné leur avis sur ces réformes qui vont dans le 5éme mandant booster l’économie nationale ?

Ces jeunes qui vont y  participer, que vont-ils proposer ? S’ils avaient un brin de solution, ils ne s’aventureraient pas pour rester dans le fond de la mer Méditerranée ? Comment peut-on encore croire à des réformes sans « dogmatisme » et ne peuvent avoir un effet négatifs « sur les simples citoyens » lorsqu’on sait que l’informel oligarchique dirige le circuit économique dans son ensemble ?

Qu’est devenu le modèle économique qu’on a changé du temps d’Abdelmalek Sellal et qu’on souhaite le revoir encore une fois durant ce 5e mandat ? (Fin)                                                  

Auteur
Rabah Reghis

 




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