En publiant un long article explicatif après la levée de la réserve algérienne sur l’article 15 de la CEDAW, l’APS ne s’est pas limitée à livrer les faits. L’agence officielle a choisi d’encadrer le débat : rappeler qu’il s’agit d’un simple ajustement technique, insister sur l’absence de toute révision du Code de la famille et, ce faisant, adresser un message rassurant aux courants islamistes, pour qui ce texte demeure un bastion idéologique. L’honneur des islamistes est donc sauf. Ils peuvent rentrer leur colère.
Une réserve devenue obsolète
Lors de son adhésion à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) en 1996, l’Algérie avait formulé cinq réserves pour incompatibilité avec son droit interne, notamment le Code de la famille. Celle concernant l’article 15, paragraphe 4 — qui garantit aux femmes l’égalité en matière de liberté de circulation et de choix du domicile — reposait sur l’article 37 du Code de la famille. Mais cette disposition a été abrogée en 2005, rendant la réserve sans objet. Sa levée n’est donc pas une concession idéologique, mais la conséquence logique d’une réforme juridique déjà actée.
La méthode algérienne
Face au barouf des islamistes, le pouvoir déploie donc ses médias pour rassurer son aile islamiste. Du moins ceux qui grenouille dans les couloirs du pouvoir en attendant la curée. Le barouf des barbus fait donc toujours peur la fameuse « Qouwa el dhariba » !
Courageusement, l’APS insiste sur un point : l’Algérie procède toujours dans le même sens. Elle modifie d’abord ses lois, puis retire les réserves internationales devenues caduques. Autrement dit, la levée d’une réserve n’annonce pas de changement législatif à venir. Cette méthode, revendiquée comme une « spécificité nationale », permet d’éviter la confrontation entre engagements internationaux et droit interne, tout en écartant l’idée de céder à des pressions extérieures.
Un enjeu d’image internationale
En toile de fond, la décision répond aussi à une logique diplomatique. Le maintien de la réserve servait d’argument aux critiques de l’Algérie auprès d’organisations internationales, qui dénonçaient un « statut discriminatoire » imposé aux femmes. Sa suppression ôte un prétexte aux détracteurs et renforce la crédibilité du pays dans les enceintes internationales. Sans plus toutefois. Car combien de conventions ratifiée par l’Algérie mais jamais respectées. Donc pas d’emballement !
Entre droit et politique
La polémique actuelle révèle surtout une fracture persistante. Les courants islamistes, à l’image du MSP, dénoncent un « recul » face à des normes jugées étrangères aux valeurs nationales. D’autres voix, comme au RND, y voient au contraire une décision souveraine conforme à la Constitution et à l’esprit de la charia, présentée comme compatible avec l’égalité des droits.
Une dépêche comme un gage d’assurance
En définitive, la dépêche de l’APS a valeur de cadrage politique. En affirmant que la levée de la réserve ne modifie en rien le Code de la famille, l’agence officielle désamorce la polémique, rassure les islamistes et rappelle que le président n’entend pas rouvrir ce chantier explosif. L’épisode illustre, une fois encore, la fonction régulatrice de l’APS : non seulement informer, mais aussi contenir le débat dans un registre maîtrisé par le pouvoir.
Sofiane Ayache