Une affaire inédite de censure visant le site d’information Mediapart éclabousse l’espace médiatique français depuis quelques jours. Mediapart est empêché par la justice de publier une enquête sur un maire.
Mediapart s’apprêtait à publier, le 21 novembre, de nouvelles révélations sur les pratiques politiques du maire de Saint-Étienne, Gaël Perdriau, quand le tribunal judiciaire de Paris a décidé d’interdire tout net cette publication, via une « ordonnance sur requête ». Le journal en ligne a aussitôt dénoncé une censure sans précédent et demandé l’annulation de cette décision. La réponse est attendue mercredi 30 novembre.
Pourra-t-il publier sa nouvelle enquête sur le maire de Saint-Etienne, interdite depuis 13 jours ? Réponse mercredi, la justice devant décider d’annuler ou non la « censure » inédite dénoncée par le site, soutenu par de nombreux journalistes et défenseurs de la liberté d’expression.
Vendredi dernier, le directeur du média d’investigation, Edwy Plenel, était venu demander au tribunal judiciaire de Paris « de mettre fin au plus vite à une attaque sans précédent contre la liberté de la presse ».
Mais l’affaire a été mise en délibéré, à la déception de Mediapart, soutenu à l’audience par Reporters sans frontières, la Fédération internationale des journalistes (FIJ), des syndicats de la profession, la Ligue des droits de l’homme et les associations de la presse judiciaire et des avocats praticiens du droit de la presse.
Dans leur viseur, une ordonnance, rendue en urgence par le même tribunal le 18 novembre, à la demande du maire de Saint-Etienne, Gaël Perdriau (ex-LR), invoquant une atteinte à la vie privée, sans que Mediapart n’ait pu se défendre.
Cette décision lui interdit de publier de nouvelles informations tirées d’un enregistrement audio de l’élu stéphanois, après une série de révélations sur une affaire de chantage à la vidéo intime, « sous astreinte de 10.000 euros par extrait publié ».
« Intérêt public »
Or l’enquête de Mediapart présente un « intérêt public majeur », a fait valoir Edwy Plenel, relatant comment un maire utilise « le poison de la calomnie » comme « arme politique pour discréditer » un opposant, Laurent Wauquiez, le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Il s’agissait de « tuer dans l’oeuf » une « rumeur calomnieuse gravissime » et « sans aucun fondement de l’aveu même de son propagateur », a ajouté le journaliste.
Surtout, « il n’appartient pas au tribunal de contrôler préalablement une information qui n’a pas été publiée », a insisté l’avocat de Mediapart, Emmanuel Tordjman.
« C’est la gravité de votre décision », a-t-il lancé à la magistrate Violette Baty, lui demandant la rétractation de l’ordonnance rendue par ses soins.
« Catastrophe judiciaire », « hérésie »… les avocats des différents soutiens de Mediapart ont fustigé tour à tour une décision « inédite » qui « pulvérise le droit de la presse » en vigueur depuis 1881, estimant que la juge avait été « trompée ».
Avec AFP