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Censure, terreur… pourquoi un projet de loi sur l’information ?

Censure
La censure et la peur de la répression sévissent dans les médias.

Comme si la presse n’était pas déjà assez muselée, voilà qu’un projet de loi sur l’information en Algérie renforçant l’encadrement du travail des journalistes est examiné par le Sénat.

Ce projet de loi introduit de nouvelles sanctions en cas d’infraction. Il a été examiné lundi par la chambre haute du Parlement en vue de son adoption. Mais c’est à se demander pourquoi un projet de loi sur l’information puisqu’il n’y a plus aucun média libre en Algérie. A coups de menaces, de poursuites judiciaires, de procès,… les autorités ont eu raison de l’impertinence et la liberté de ton qui caractérisaient la presse algérienne dans les années 2000.

Une loi pour une information muselée !

Le régime ne veut pas d’une presse libre ni de journalistes libres. Il attend que les médias relaient sa vulgate sans ciller. Ni se poser de question. Il ne veut pas de journalistes mais des communicants, des soldats de l’information que ne répugnent pas la manipulation, l’autocensure, voire le mensonge. La preuve ? L’un des secteurs que Tebboune et ses soutiens se sont employés à domestiquer est bien celui des médias. Depuis 2019, la presse est devenue le cimetière des libertés.

Pour autant, pour faire semblant, le projet de loi est entre les mains du patron des sénateurs, le très fringant Salah Goudjil (91 ans au compteur !) et ses ouailles. Déjà approuvé par la très servile APN le 28 mars, ce projet de loi organique, comprend 55 articles. Il sera soumis jeudi au vote du Conseil de la nation qui bien évidemment avalisera l’ensemble des lois sans moufter. A ce niveau de responsabilité, on applaudit la bouche pleine. Alors on ne crache pas sur la soupe.

Parmi les principales dispositions du texte figure notamment une interdiction aux médias algériens de bénéficier de tout « financement » ou « aide matérielle directe et indirecte de toute partie étrangère » sous peine de « sanctions pénales prévues par la loi ». Une amende particulièrement lourde est prévue. Pour autant, le gouvernement, voire certains ministères, peuvent recevoir des financements extérieurs, comme de l’Union européenne, sans que la loi ne le leur interdise. Légal pour les uns, interdit pour les autres.

Si le texte stipule que « le secret professionnel constitue un droit pour le journaliste conformément à la législation et à la réglementation en vigueur », il précise que le journaliste est tenu de révéler ses sources à la justice si elle l’exige. Voilà un exemple d’article qui viole allègrement le droit au secret des sources.

Par ailleurs, la nouvelle loi exclut de facto les binationaux du droit de détenir ou d’être actionnaires dans un média en Algérie.

Cet article a fait débat entre les sénateurs, certains soulignant le paradoxe entre le fait que les binationaux sont courtisés pour les élections ou encore l’investissement en Algérie mais empêchés d’accéder au capital des médias. Donc on peut par exemple être joueur en équipe nationale avec une double nationalité mais pas avoir un organe de presse !

Plusieurs sénateurs ont en outre déploré l’absence de textes d’application devant accompagner ce projet de loi.

Le président du conseil de la nation, Salah Goudjil, a lui-même noté, en français, selon l’AFP que « le diable est dans les détails », en évoquant l’absence des textes d’application. En vieux serviteurs du système, il sait de quoi il parle.

Le projet réitère l’obligation déjà existante pour les journalistes d’obtenir une « accréditation » pour travailler en Algérie pour des médias étrangers, en l’assortissant d’une amende pouvant aller jusqu’à un million de dinars (près de 7 000 euros) pour « toute personne exerçant l’activité en Algérie pour le compte d’un média de droit étranger sans l’accréditation ».

Une fois approuvé, le projet de loi sera le premier texte réglementant le travail des médias à être adopté sous le règne policier d’Abdelmadjid Tebboune depuis son arrivée au pouvoir en décembre 2019.

L’Algérie figure à la peu enviable 134e place sur 180 pays au classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans Frontières (RSF) en 2022. Plus aucun média ni journaliste n’émet la moindre critique du régime. Tebboune et ses hommes sont devenus intouchables.

Le 2 avril, le journaliste et directeur de Radio M. Ihsane El Kadi, poursuivi pour « financement étranger » de son entreprise, a été condamné à cinq ans de prison dont trois ferme. Le rédacteur en chef du Provincial Mustapha Bendjamaa est placé sous mandat de dépôt. Les Algériens le savent, il n’y a rien à attendre de cette mandature en matière de liberté de la presse, comme de la relance des investissements…

Yacine K.

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