La récente publication des résultats du baccalauréat, qui consacre les wilayas de Tizi-Ouzou et de Béjaïa aux première et troisième places au niveau national, a servi de prétexte à un déferlement de propos haineux et diffamatoires sur les réseaux sociaux.
Ces attaques émanent des adeptes de la mouvance dite « Badissia-Novembria », une secte idéologique qui gagne en influence dans l’espace public algérien. Sous couvert de patriotisme et de fidélité aux idéaux de Novembre 1954, elle mène une entreprise de stigmatisation, de révisionnisme et d’exclusion ciblée, menaçant dangereusement la cohésion nationale. Son obsession : délégitimer toutes les voix dissonantes, en particulier celles issues de la Kabylie et de ses élites – qu’elles soient politiques, économiques ou culturelles.
Dans un paysage politique algérien déjà marqué par des décennies de crises, d’instrumentalisation et de ruptures, émerge un courant idéologique aux slogans simplistes, dissimulant une redoutable capacité de nuisance : les partisans de la ligne dite « Badissia-Novembria ».
Cette mouvance, sécrétion tardive et illégitime de l’absolutisme militaire, trouve son origine dans l’ère du général Ahmed Gaïd Salah — figure autoritaire dont l’héritage politique se résume à une domination brutale de l’appareil d’État, dépourvue de vision stratégique et révélatrice d’un appauvrissement intellectuel préoccupant.
Détournant les symboles fondateurs de la nation – les idéaux de Novembre 1954, ou encore les références religieuses adossées à l’héritage de Benbadis– ce courant opère comme une véritable entreprise de polarisation sociale, agitant les spectres de la trahison, de l’athéisme ou de l’anti-nationalisme pour exclure, stigmatiser et diaboliser.
Loin d’être un projet de rassemblement ou de refondation nationale, cette mouvance s’illustre par un usage obsessionnel de la mémoire historique comme arme idéologique. Elle impose une vision étroite, orthodoxe, quasi-sacralisée du récit national, niant la pluralité des engagements, des identités culturelles et des aspirations politiques qui ont façonné l’Algérie.
Le cœur de cible de leur rhétorique haineuse reste la Kabylie – et plus particulièrement la wilaya de Tizi-Ouzou – en tant que région porteuse de valeurs d’ouverture, de pluralisme et d’engagement républicain. Les élites politiques issues de cette région, qu’elles exercent dans l’autonomie militante ou au sein des institutions de l’État (ministres, cadres et hauts fonctionnaires de l’administration), sont systématiquement stigmatisées.
De même, les figures du pouvoir économique comme l’industriel Issad Rebrab, ou encore des personnalités culturelles et institutionnelles telles que Salah Belaïd, président du Haut conseil de la langue arabe, Hachemi Assad, secrétaire général du HCA, et même l’obséquieux ministre de la Communication, Mohamed Meziane
–dont le tort est d’être tous les trois originaires de Kabylie –n’échappent pas à la vindicte de ces sectaires autoproclamés gardiens exclusifs de l’arabité. Ils les rangent tous sous l’étiquette infamante « franco-berbéristes » (détournement du qualificatif de « berbéro-communistes », quolibet politique lancé durant les années 1940, par les partisans de Messali Hadj pour discréditer les berbéristes du mouvement national), dans une stratégie visant à délégitimer leur présence dans l’espace public et à nourrir le soupçon permanent autour de leur loyauté nationale.
La République minée de l’intérieur
Le danger ne réside pas uniquement dans les discours mais dans les actes. En criminalisant toute critique ou proposition alternative comme une « attaque contre la nation », ces entrepreneurs de la haine fabriquent des clivages artificiels, désignent des ennemis imaginaires et instaurent un climat de suspicion permanent. Ils sapent ainsi les fondements mêmes de l’unité nationale au nom d’une pureté idéologique illusoire.
Et pendant que la fabrique de la haine tourne à plein régime, la promesse d’une Algérie unie, pluraliste et réconciliée, elle, s’éloigne.
Car dans « la nouvelle Algérie » de Tebboune, ces entrepreneurs de la haine ne sont plus en marge : ils sont désormais intégrés — ou infiltrés — au sein même des institutions, où leur idéologie divise, exclut et fragilise le lien national. Ainsi se creuse, lentement mais sûrement, une fracture aux accents institutionnels.
Cette logique de division ne pourra être endiguée que par une réappropriation lucide et apaisée de notre histoire, un travail de mémoire pluraliste et la construction d’un projet de société véritablement inclusif, fondé sur la justice, la liberté et la dignité.
L’Algérie ne se résume pas à un slogan. Elle est une promesse encore inachevée, qui appartient à tous ses enfants, sans exclusive.
La rédaction