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« C’est cadouk ! » avait lancé Yasser Arafat

Gaza bombardée
Des centaines de morts sous les bombes israéliennes à Gaza.

En lançant au monde cette petite phrase avec son accent inimitable, Yasser Arafat avait ouvert la porte aussi large qu’il avait été possible de l’ouvrir. La charte palestinienne abrogeait le projet de destruction d’Israël. Pourtant la solution des deux États n’a jamais été acceptée par Israël qui s’enfonce dans une impasse qui risque de lui coûter l’existence, un jour ou l’autre.

Les événements actuels sont atroces et les images insoutenables. L’offensive d’Israël est d’une monstruosité innommable par un massacre dans une cage dans laquelle ont été parqués les Palestiniens au mépris de toutes les règles humanitaires.

Israël a été touché par un massacre tout aussi sanglant, c’est sans aucun doute une réalité. Mais ce pays a-t-il le droit de se lancer dans une pareille boucherie envers la majorité des Palestiniens qui n’ont de tort que l’expression de leur colère face à une injustice notoire ?

Bien entendu que des familles Israéliennes ont perdu des proches dans des conditions atroces. Aucun humaniste ne peut cautionner un tel massacre car il est en dehors des règles de la guerre en s’en prenant aux civils. N’est-ce pas ce que fait Israël à Gaza et depuis toujours ?

Quelle que soit l’excuse que j’aurais pu accorder à Israël de revendiquer une peine douloureuse, ce pays s’est mis dans cette impasse depuis si longtemps en refusant obstinément la solution des deux États, pourtant bien entérinée par ce fameux « cadouk » et en réalité bien avant.

Si l’étape ouverte par ce mot était importante, il ne faut jamais oublier que l’existence d’un Etat Palestinien est niée depuis plus d’un siècle alors que la promesse en avait été faite depuis le début.

Un siècle de colonisation, d’exils et d’accords trahis

On ne compte plus le nombre de « processus de paix » tant ils sont nombreux et ont tous été remis en cause. L’Etat palestinien ne verra jamais le jour alors que le conflit dure depuis un siècle.

Reprenons les principales dates sans être exhaustif, juste un résumé chronologique.

1916 : Les accords Sykes-Picot qui sont à la racine du mal. Les Britanniques et les français, par un accord secret ont « partagé » les restes territoriaux de l’Empire ottoman. Un accord entériné par la conférence de San Remo en 1920.

Nous voici dans la genèse du drame, un partage colonial au mépris des réalités des communautés concernées.

1917 : la très célèbre déclaration de Lord Arthur Balfour, ministre des affaires étrangères britannique qui informe Lord Lionel Rothschild, financier du mouvement sioniste, que le gouvernement « autorise » l’établissement d’un foyer national juif en Palestine. Et nous voilà dans la suite de la racine du mal mais qui cette fois-ci inaugure la véritable colonisation envers la Palestine dont le droit n’avait pourtant pas été remis en cause par le traité de 1916.

Des colonies juives existaient déjà depuis 1880, elles reçoivent par cette décision les clés d’une colonisation effective.

1919 : Accords Fayçal-Weizmann. Ils ont été conclus à la Conférence de paix de Paris par Haïm Weizmann, chef de la délégation sioniste, et Fayçal ibn Hussein, chef de la délégation arabe. Cet accord signé par le roi Fayçal envisageait la consolidation des communautés juives sur le territoire en contrepartie d’une coopération économique avec l’ensemble de la région.

Ce fut la seconde trahison des signatures car elles resteront sans suite effective lors de la Conférence du Caire en 1922.

1937 : C’est la première fois qu’est déclarée la proposition de l’existence de deux États par la commission Peel (Commission royale britannique pour la Palestine). Puis il a été envisagé en 1939 par le livre blanc de Malcolm MacDonald un gouvernement mixte arabo-juif avec une stricte attribution des terres. Ces propositions ont été rejetées. Nous voilà encore une fois dans la trahison de la promesse de la création de deux États.

1947 : Les implantations juives depuis 1880 ont définitivement été proclamées dépositaires d’un Etat reconnu par l’ONU par sa résolution 181 en même temps qu’une partie territoriale qui revenait à la « partie arabe du territoire mandataire ».

Ce fut un refus ferme des pays arabes voisins. Jusqu’à nos jours les Israéliens ont toujours mis en avant que ce sont les « arabes » qui ont refusé la terre qui leur avait été accordée. Ils oublient que c’est au prix d’une colonisation de plus en plus massive que les deux grandes puissances avaient permise.

L’indépendance de l’État d’Israël fut déclarée en 1948. Le conflit devenait maintenant frontal avec un État identifié et non plus seulement une communauté.

On peut dire cependant en étant juste que de nombreux Palestiniens, malgré les déclarations hostiles de certains leaders, ont souffert de ce refus. C’était une opportunité d’obtenir un territoire souverain même s’ils avaient fait concession à l’injustice d’avoir été privés de leur territoire initial avant les installations massives des colons juifs.

S’en est suivi un départ massif pour échapper à l’humiliation coloniale. Certains sont restés sur le territoire israélien alors que d’autres se sont exilés à jamais, la possibilité du retour leur étant refusée.

Dans le même temps des centaines de milliers de juifs furent expulsés des pays arabes. Cette décision n’a pas arrangé les choses car la plupart se sont réfugiés en Israël créant de nouvelles communautés. Et il fallait bien supposer la haine qu’ils avaient emmenée en bagages.

À la fin de la guerre, l’Egypte prit le contrôle de Gaza alors que la Jordanie annexa la Cisjordanie. Il ne faut jamais avoirs la mémoire courte, ces deux pays n’ont pas eu un seul instant l’idée de créer un État palestinien.

1967 : La guerre des 6 jours et le cycle interminable des « processus de paix avortés ». Pas la peine de s’étendre sur cette partie, elle a été et reste vécue par ma génération et les jeunes l’ont également beaucoup entendu sinon vécue.

Nous voici donc aujourd’hui devant un massacre qu’il est impossible de ne pas imputer à Israël au vu d’un tragique passé imposé aux Palestiniens.

L’impasse Netanyahu et des extrémistes

L’arrivée de Netanyahu inaugure une autre étape désastreuse par l’installation d’un gouvernement extrémiste de droite. L’accord de coalition avec les pires extrémistes, religieux et nationalistes, sonne comme une fin tragique à tout accord, du moins pour un bon moment.

La colonisation depuis la fin du dix-neuvième siècle s’est étalée progressivement jusqu’à obtenir un État sur le dos de la souffrance du peuple palestinien. Malgré deux résolutions déclarant le droit aux palestiniens à un État souverain, Netanyahu a permis la colonisation, encore et encore plus envahissante afin de créer un fait accompli territorial.

Rien de bon ne peut laisser espoir au peuple palestinien pour une paix négociée définitive. Paradoxalement c’est Israël qui signe sa disparition car ce pays ne pourra jamais continuer comme cela à long terme, encerclé par des pays arabes dont la croissance démographique est sa principale menace.

Plus Netanyahu accentue sa démarche extrémiste, d’ailleurs à l’intérieur de son pays également, plus les conflits armés se développent et plus la gauche pacifique israélienne tombe dans le piège du sursaut national. La survie du gouvernement Netanyahu se régénère ainsi par le maintien de la politique de colonisation et des massacres.

Deux lignes rouges pour mon soutien

Elle est tout d’abord la manifestation perpétuelle d’un racisme anti-juif qui ne date pas du conflit même si celui-ci n’arrange certainement pas les choses.

Il est aussi détestable que la politique d’extrême droite d’Israël et surtout lui donne des excuses qui légitimeraient sa défense contre une haine qui voudrait éliminer l’Etat d’Israël.

Beaucoup trop de manifestants et d’opposants à la colonisation israélienne font un amalgame abject entre les juifs et l’État d’Israël. C’est en fait une couverture à bon compte d’un racisme intolérable. Là est ma limite, je ne la franchirai jamais.

La seconde ligne rouge est le choix de beaucoup de Palestiniens à se réfugier bras ouverts à ce que l’Algérie a combattu férocement pendant la décennie noire. Il ne faut pas qu’ils l’oublient.

Certes le combat des Palestiniens justifie la colère jusqu’à la prise des armes mais je n’irai jamais à me convaincre de leur bon choix à rejoindre deux mouvements radicaux des plus détestables.

En conclusion, j’affirmerai deux choses. La première est que la politique européenne de l’époque avait voulu à bon compte se débarrasser des juifs par leur haine séculaire tout autant que ces derniers voulaient échapper à une marginalisation humiliante par la création d’un État souverain sur un territoire qu’ils considéraient comme historiquement le leur (ce qui n’est le fait que d’une partie de cette communauté).

La seconde est que cette même politique a voulu par la suite acheter une bonne conscience à bon prix en voulant faire oublier l’atroce holocauste et les mouvements racistes précédents des années 1930, prix que les Palestiniens ont payé au triple.

Mais malgré tout, je rêve que ces deux communautés puissent un jour, en se débarrassant des extrêmes, créer un magnifique pôle de coopération et de développement régional.

Bon sang, quand le monde va-t-il enfin imposer ce Cadouk aux Israéliens qui détruisent la vie des Palestiniens et empoissonnent celle du monde par ses retombées indirectes depuis un siècle ?

Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant retraité

 

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