Un historien géographe avait décrit l’Algérie comme un « gros ventre et une petite tête ». Le gros ventre est l’immense poche saharienne. La petite tête est la bande côtière (1 200 km) qui donne sur la Méditerranée.
L’élite au pouvoir issue en partie du mouvement de libération nationale, a su faire sienne la pensée du chinois Laozi qui disait « pour qu’un Etat soit bien gouverné, il fallait que le peuple ait la tête vide et le ventre plein ». Dans ce sens, le pays a été très bien gouverné de 1962 à nos jours.
Le pouvoir a compris très tôt que le peuple algérien, longtemps sevré, humilié et spolié par la colonisation a plus besoin de pain que de savoir, de protection que d’émancipation, de pain que de prières, de subventions que de taxes, de distractions que de travail, de revenus que d’emplois, de sommeil que d’activité. C’est là le secret de la longévité du régime politique algérien. Mais cette longévité a un prix ; la dignité d’un peuple et le défaut d’une élite. On ne parle pas avec la bouche pleine.
Le verbe « manger » se conjugue en politique à tous les temps à la première personne du singulier. D’où cette injonction populaire majeure et permanente : « Pourquoi ne fais-tu pas de la politique pour manger comme tout le monde ? ». C’est quoi cette politique du ventre ? C’est une politique dans laquelle le soin à apporter au tube digestif et à l’accumulation des fortunes est primordial. Elle éloigne ses pratiquants de toute conviction, il n’y a que le ventre qui compte. « On marche sur son ventre ».
La plupart des Algériens n’aiment pas aller au paradis le ventre creux, ils préfèrent partir à l’enfer le ventre plein pour se nourrir du contenu de leurs entrailles. Le ventre est l’épicentre de tous les courants politiques islamistes ou laïcs qu’ils agissent au nom de la religion, de l’Etat ou des droits de l’homme. Ils sont tous animés par la volonté de faire fortune ou de se remplir le ventre sans investir et sans produire.
Cette politique ne s’accommode pas de la présence d’économistes, ceux sont des troubles fêtes, il faut s’en débarrasser on leur préfère de loin les « gargantuas».
L’appétit venant en mangeant et la réussite matérielle en rampant. C’est une politique dans laquelle on accepte toutes les compromissions, pourvu que le ventre soit plein. « Qui rentre fait ventre ». Qu’importe si plus tard on fera l’objet de chantage.
Le chantage est une arme redoutable en politique. Personne ne peut y échapper. Le feu n’épargne que les ventres vides. Faut-il faire la grève du ventre pour s’en prémunir ? Qui en a le désir ? Ou plutôt qui a intérêt ? Evidemment personne : « C’est le ventre qui porte les pieds et non le contraire». C’est la poche saharienne qui finance la politique du ventre. « Quand le ventre est plein, il demande à la tête de chanter ». Nos ressources vitales viennent du sous-sol saharien.
Nous sommes esclaves du marché mondial tant pour les exportations que pour les importations. Sur le littoral et les hauts plateaux, nous ne produisons rien ou presque rien ; par contre nous consommons tout ce que les autres peuples éveillés laborieux produisent avec leurs mains et leur intelligence. Toute notre nourriture provient de l’étranger prête à être consommée sans fournir aucun effort. Il suffit d’ouvrir la bouche.
Aucune institution économique, politique, sociale ou religieuse n’est épargnée. De la pratique de cette politique, voulue ou subie, on ne peut sortir que rouillés pour ne pas dire souillés. « Celui qui désire du miel doit supporter la piqure des abeilles ». On prend les hommes par le ventre, on les tient par la barbichette. C’est dans et par l’idéologie de l’intérêt général que se réalise le consensus nécessaire au maintien du tissu social dans le monde occidental.
Comme dirait Einstein on ne résout pas les problèmes au même niveau auxquels, ils ont été posés, donc il faut s’élever. Avec internet, on voit de mieux en mieux le merdier dans lequel nous pataugeons sans pouvoir se détacher. Les vieux regardent vers le bas, les jeunes vers le haut, les uns la tombe, les autres la lune.
Les jeunes sont dans le mouvement, le vieux dans l’immobilisme « ô temps suspend ton vol » implorant le ciel enfermés dans leur confort douillet de leur lit funeste. Les jeunes débordent de vivacité envahis par le stress de leurs testerons qui débordent d’énergie rivés sur leur Smartphone jour et nuit. Ils vivent dans un monde virtuel. Ils sont interconnectés. Les vieux sont déconnectés de la réalité. Ils vivent leur solitude dans l’amertume.
Dr A. Boumezrag