Magie des rencontres. Qu’elles soient physiques, radiophoniques, livresques ou télévisuelles les rencontres faites au hasard et par hasard sont souvent les plus intéressantes. C’est celles qui peuvent vous chambouler et vous atteindre.
Bruissement matinal
La grande boucherie en terre de Palestine et l’insoutenable silence arabe, l’ouverture de l’année judiciaire d’une justice pas très juste, l’annonce par ce mystérieux Premier ministre d’un énième effacement de la dette des entreprises publiques, la morosité du climat en général c’est-à-dire la perception d’un tragique dramatique et irrémédiable amoncellement d’échecs et de défaites économico-politico-socio-
C’est ainsi, comme par miracle, d’un coup de baguette magique, soudainement, tout à coup, vers 5h15 du matin que vous tombez sur l’émission « Chapitre » présentée par Samira et diffusée par la Chaîne 3. Vous ne connaissez pas ! Vous n’avez jamais eu la chance et le plaisir d’écouter. Et pour cause ! Ça passe à 5h du matin ! Le livre, la culture ce n’est pas très captif en ces moments de crise dans cette région du monde !
Lamis Saïdi, l’invitée de l’émission vous ne connaissez pas non plus. Puis au fur et à mesure vous découvrez ces deux personnages.
Au fil des minutes vous vous attachez à elles. Elles vous plongent en quelques centaines de secondes dans cette Algérie que vous pensiez disparue et perdue à jamais,
En vous lisant, ensemble, dans les deux langues, l’arabe et le français, ce splendide poème que vous ne connaissiez pas, « Algérie, capitale Alger » d’Anna Gréki, elles vous propulsent dans cette Alger la blanche, lumineuse et éclatante, celle de la victoire.
Elles vous parlent du cursus celui d’Anna, des camps de concentration de Béni Messous par lesquelles votre mère est déjà passée. Elles vous décrivent également le cursus de l’invitée, Lamis Saïdi, voguant entre l’informatique, la poésie, l’écriture et la traduction en passant par la banque.
Oui, la technologie de la traduction disent-elles. La traduction, vous connaissez. C’est même un univers dans lequel vous baignez et évoluez puisque votre père était traducteur «Terdjman » en arabe au tribunal d’Alger dans les années 1950.
Vous avez même un grand projet vieux, d’une trentaine d’années, de la traduction d’une œuvre monumentale que vous n’avez pas encore entamé.
Un cursus atypique dit Samira, la présentatrice est séduite par le chemin parcouru par son invitée. Mais en réalité, pas aussi atypique qu’il n’y parait. De manières diverses, l’atypisme des cursus est le lot de plusieurs générations victimes d’absences de perspectives professionnelles.
L’invité vous parle de son père, jadis militant puis homme de lettres. Elle vous remémore le vôtre.
Elle cite le devoir de mémoire et le multilinguisme en vous éclairant sur la multitude de langues dans lesquelles ses ouvrages sont traduits.
Les deux compères papotent et citent Luc Chauvin des éditions Terrasses. Est-ce un parent à Madame Chauvin, professeur de physique dans les années 80 au lycée Emir Abdelkader de Bab El Oued ? Vous demandez vous. Bien sûr, on cite Jean Sénac puisque la maison d’édition tient son nom du premier numéro de la revue littéraire, Terrasses, dirigée par Jean Sénac et paru en 1953.
L’invitée, très prolifique en information vous parle également de Yamina Mechakra dont elle a traduit le livre Arris avec chadda tonne-t-elle.
En définitive elle vous plonge dans une Algérie positive, créatrice, novatrice, du progrès, de la culture, bigarrée, multilingue dans laquelle vous avez grandi et que vous pensiez emportée par le vent.
Ne sachant comment remercier ces grandes dames pour cet instant de volupté, vous vous plongez, comme elles ont coutume de le faire, sur votre Smartphone et leur écrivez ce grand merci…
Djalal Larabi