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Cherif Hamani : un artiste incomparable

Cherif Hamani

Au printemps 1956, des youyous retentissent dans le village montagneux de Tagragra (la roche) dans la commune d’Aït Mahmoud, à At Douala.

La famille Hamani accueille la naissance de Cherif (le seigneur) dans une joie contenue. Contenue parce que la guerre d’indépendance en est à sa 3e année dans cette contrée éternellement rebelle, une contrée qui a sacrifié beaucoup de ses fils et donné des noms célèbres à  la culture algérienne : Mouloud Feraoun, Matoub Lounes, Cheikh El Hasnaoui et des dizaines d’autres.

20 ans plus tard, le nom du petit garçon, devenu adulte, raisonne glorieusement dans toute la région et c’est désormais celui d’un grand poète chanteur qui aura éprouvé tous les soubresauts de l’Algérie de la seconde moitié du XXe siècle.

L’immense Cherif Hamani s’est éteint

C’est en 1974 qu’il se révèle pour la première au grand public en participant à  l’émission de Mohamed Belhanafi et Acherouf Yidir consacrée aux chanteurs amateurs et aux jeunes talents sur la chaîne kabyle de la radio d’Alger.

C’est que Cherif, ardent musicien et poète précoce, a compris tout de suite les voies qui mènent au succès. En 1972-73, il fréquente assidument le Conservatoire de la capitale qui lui sert de tremplin pour rencontrer tous les grands noms de la chanson kabyle et kabylo-chaâbi.

Il puise dans l’esthétique traditionnelle, et ses inflexions de voix nous font entrer dans une poésie née des profondeurs multiples. Chérif Hamani nous fait partager des bonheurs d’expressions multiples dans une langue maternelle qu’il maîtrise à  la perfection et des mélodies qui pénètrent tous nos sens.

Dans la relation qui unit l’artiste à la société, à la nature et à lui-même, on décèle la conduite originelle de sa création : l’humilité, l’écoute, les valeurs fondamentales de la société kabyle.

Ses poèmes, il les lie comme des gerbes de fleurs dans une cohérence exemplaire. Il chante l’amour inconsolable, aspire à  l’idéal comme il rêve à l’être perdu : la mère (yemma), Matoub Lounès auquel il rend un hommage appuyé (Amek), tous deux disparus et auprès desquels il chercher à  exhumer un sens enseveli susceptible d’aiguillonner la cité (tadert) accablée par des tragédies effroyables et ininterrompues.

Par son témoignage, sa modestie, sa grande culture ancestrale, Chérif Hamani est le témoin privilégié qui dénonce l’imposture, la concussion, le crime organisé et collectif. C’est du fond de cet abîme qu’il lance son cri pour en appeler à la conscience de chacun et de tous, seul sursaut possible pour détourner l’Algérie du gouffre.

Ecoutez le poète chanter et vous comprendrez que ces quelques lignes ne peuvent révéler qu’un aspect très modeste d’une œuvre magique autrement plus vaste.

Hacène Hirèche

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