L’histoire de Jesse Owens, un Noir, descendant d’Afrique, avait secoué toute l’Amérique, son pays, et le reste du monde en remportant quatre médailles d’or aux Jeux olympiques de Berlin, en 1936, une première !
En guise de remerciements, les États-Unis d’Amérique avaient failli l’envoyer en prison pour des motifs insignifiants.
Au nom des “Pères Fondateurs de la Constitution américaine”, grâce à la conscience de certains justiciers et à l’enquêteur présent au procès, le verdict fut sans équivoque : Jesse Owens est libre. Désormais, il fait partie de l’Histoire et de la fierté du pays.
Chérif aimait sa culture. Il fait partie intégrante de ces personnes qui ont juré de la défendre avec détermination, comme tous les peuples sur terre qui sont allés aussi loin dans le sacrifice.
Chérif Mellal a choisi de l’exprimer en représentant les couleurs de son équipe préférée, la JSK (Jeunesse Sportive de Kabylie). Les résultats ont été plus que satisfaisants puisque les trophées n’en finissaient plus de s’accumuler.
Cette culture qu’il chérit tant est celle qui secoue les esprits d’aujourd’hui, car sa référence est millénaire.
Celle-là même qui constitue un joyau, source de fierté pour toute l’Afrique du Nord, après avoir survécu aux diverses invasions.
Aucune d’entre elles n’avait abouti à son anéantissement, contrairement à certaines autres vieilles cultures désormais disparues.
Elle est sa raison de vivre, son oxygène, sa dignité, son honneur et son mode d’expression.
Chérif est sorti du mutisme que la conjoncture impose, au demeurant.
Un éveil qui ressemble étrangement à celui pour lequel mon père a donné son sang.
En 1956, en réponse à un interlocuteur qui le suppliait de cesser ses activités d’engagement à défendre le pays pour des raisons familiales, il se leva et jura :
“Djema Liman à Cheikh ar jusqu’au bout”.
Le 5 mai 1960, la bombe de l’ennemi lui ôta la vie. En 1963, nous l’avons réenterré sans une partie de son crâne.
La promesse faite avant sa mort, devant ses compagnons : “Que les survivants de la guerre se doivent de prendre soin de notre progéniture et que l’injustice soit chassée de notre terre”.
Il est parti dans l’au-delà et, quelques années plus tard, l’exil m’a permis d’offrir un logis décent à ma mère, l’épargnant ainsi, presque, de l’itinérance.
Si défendre sa culture devenait un crime et que la grève de la faim et les conséquences qui en découlaient restaient l’ultime défense, alors la justice du survivant d’après-guerre aurait failli aux volontés de ceux qui ont arrosé de leur sang cette terre aux mille histoires.
Que la colère du moment ne calque en rien celle de la noirceur de la guerre et que le sacrifice d’hier efface à jamais les souffrances du jour.
La liberté de Chérif Mellal devient imminente au regard du danger qui guette sa santé.
La raison doit l’emporter sur toute autre considération, car sa grève de la faim ressemble délibérément à celles vécues sous les geôles de l’Hexagone.
Chérif Mellal n’a jamais fait la démonstration d’actes de violence qui mettraient en péril la paisibilité de l’ordre public.
À cet effet, son pacifisme le place à un niveau des plus remarquables, au point d’être chéri à travers tout le territoire national pour tous les honneurs qui ont fait briller sa carrière.
Les cicatrices de l’irréparable émergeront à chaque événement et l’Histoire fera son chemin…
Achour Berkaine
Montréal, le 28 mars 2025