Les ministres des Affaires étrangères d’Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d’Arabie saoudite et du Qatar ont rejeté samedi 1ᵉʳ février, lors d’une réunion au Caire, « tout déplacement forcé » de Palestiniens, selon une déclaration commune.
Cinq pays arabes l’Égypte, Jordanie, Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Qatar ainsi que l’Autorité palestinienne et la Ligue arabe condamnent fermement tout projet visant à déplacer les Palestiniens hors de Gaza et de la Cisjordanie occupée. Le communiqué ne signale pas la présence de l’Algérie à cette réunion.
Ce rejet intervient après les propos du président américain, Donald Trump, qui a suggéré, en décembre dernier, l’idée d’une réinstallation temporaire ou permanente de la population gazaouie, en grande partie déplacée en raison des destructions massives causées par le conflit avec Israël.
Le mot n’est pas utilisé par les Etats arabes, craignant de froisser le président américain, mais la proposition réitérée deux fois par Donald Trump relève bien d’une déportation. Les mots ont un sens. La déportation est, selon le dictionnaire, le transfert forcé de personnes civiles (ou d’autres personnes protégées par les Conventions de Genève) à l’extérieur du territoire où elles ont leur résidence, vers le territoire de la puissance occupante ou tout autre territoire occupé ou non.
La déclaration, en grande partie axée sur la défense de la stabilité régionale et la préservation des droits des Palestiniens, s’oppose à toute tentative de délocalisation des habitants de Gaza, soulignant que de tels projets risquent non seulement d’aggraver le conflit mais aussi de compromettre toute perspective de paix durable dans la région.
La notion d’un « nettoyage » évoquée par Trump rappelle étrangement les milliers de frappes israéliennes à Gaza, qui, pendant plusieurs mois, ont 46 000 morts, des milliers de blessés et démoli 80% des habitations, réduisant les Gazaouis à des conditions de vie dramatiques.
Les propos de Trump – en particulier l’idée de demander à l’Égypte et à la Jordanie d’accueillir la population gazaouie – ont rencontré une forte opposition, notamment en raison des ramifications géopolitiques complexes de tels transferts.
L’Égypte, par exemple, a toujours rejeté l’idée d’un changement de statut de Gaza ou d’un transfert de population vers ses territoires, soulignant qu’une telle mesure ne ferait qu’ajouter à l’instabilité de la région, déjà fragilisée par des conflits prolongés et des tensions politiques intenses.
En parallèle, les dirigeants israéliens, eux aussi, ont évoqué des scénarios similaires au début de la guerre, mais ces idées ont été rapidement désavouées, tant au sein de la communauté internationale qu’auprès des Palestiniens. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a exprimé des préoccupations quant à l’avenir de Gaza, mais ses déclarations semblent marquer une volonté de maintenir un contrôle étroit sur la bande de Gaza, tout en éliminant le Hamas.
Pourtant, aucune solution politique claire ne semble se profiler pour gérer la situation humanitaire désastreuse qui s’y développe.
Ce rejet par les États arabes d’un transfert forcé des Palestiniens s’inscrit donc dans une longue tradition de soutien à la cause palestinienne. Elle serait synonyme d’une énième Nakba. Ces pays rappellent que la solution à la question palestinienne ne peut résider dans des expulsions ou des réinstallations forcées, mais dans une solution politique durable qui passe par la reconnaissance des droits des Palestiniens, notamment leur droit à l’autodétermination, et une fin au blocus et à l’occupation israélienne. La solution à deux États, bien qu’encore floue et difficile à atteindre, reste un objectif clé pour ces nations.
Les déclarations de Netanyahu, qui évoque régulièrement l’éradication du Hamas tout en réaffirmant la nécessité de préserver la sécurité d’Israël, donnent l’impression que la priorité est de maintenir un contrôle militaire sur Gaza, sans envisager de solution politique à long terme pour les habitants de la bande de Gaza. Cela se reflète dans l’absence de discussions substantielles sur la reconstruction de Gaza ou sur la fin du blocus israélien. A l’heure actuelle, aucun plan de reconstruction de cette bande dévastée par l’armée israélienne n’est rendu public. L’Autorité palestinienne qui se débat dans ses problèmes internes avec un président diminué et âgé est manifestement incapable de prendre le relais.
Les inquiétudes exprimées par la Ligue arabe et les pays arabes, comme l’Égypte et la Jordanie, reposent sur la crainte que tout plan de déportation ou d’expulsion aggrave non seulement la situation humanitaire, mais aussi le climat de tensions dans toute la région. L’argument central de la déclaration commune – que ces propositions menacent la stabilité régionale – est fondé sur la conviction que Gaza est indissociable du futur politique et géographique de la Palestine, et qu’aucune solution militaire ne peut offrir de solution à long terme.
La guerre à Gaza et les propos de leaders comme Netanyahu ou Trump illustrent un contexte de plus en plus complexe pour les Palestiniens, pris entre des velléités de réinstallation ou de démantèlement de la région, et la nécessité de préserver leur identité et leurs droits territoriaux. Le président américain montre une proximité certaine avec le premier ministre israélien qu’il a d’ailleurs invité à Washington.
Au-delà des déclarations politiques et des conjectures, la guerre continue de laisser des millions de personnes sans avenir immédiat ni solution tangible. Dans ce cadre, les appels à une solution juste et durable pour Gaza, ainsi que pour toute la Palestine, semblent plus oubliés.
Rabah Aït Abache