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CNUAC : la rentrée universitaire ou la normalisation de la médiocrité ?

UNIVERSITE

CNUAC : la rentrée universitaire ou la normalisation de la médiocrité ?

La Coordination Nationale des Universitaires Algériens pour le Changement (CNUAC) a rendu publique la déclaration suivante au sujet de la rentrée universitaire.

L’université algérienne affectée par la pandémie Covid-19 – à l’instar de tous les autres secteurs d’activités –  traverse  une crise structurelle patente en raison d’une gouvernance bureaucratique, d’un autoritarisme administratif et des contraintes imposées par des restrictions budgétaires sévères. Des textes ministériels continuent d’être parachutés sans débat, à l’exemple  du projet de loi d’orientation sur l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique.

Depuis mars 2020, l’université s’est vidée de ses acteurs et l’administration a géré de façon omnipotente la crise sanitaire. La pédagogie d’urgence est configurée via des injonctions de la tutelle, sans aucune consultation préalable des principaux concernés : les enseignants et les étudiants.

L’année universitaire 2019-2020 fut expédiée avec un enseignement à distance bricolé, conjugué à une évaluation des plus dévalorisante, foulant au pied les normes fondamentales de la pédagogie, nonobstant la résistance d’un certain nombre d’enseignants et d’étudiants. La crise sanitaire a été un prétexte de plus, pour  dépouiller davantage les étudiants et les enseignants des droits universellement reconnus

La nouvelle année universitaire 2020-2021 n’échappe pas à cette logique de médiocratie endémique dans la gestion de l’université algérienne. Les procédés sont  les mêmes : dispenser le moins d’enseignement et contrôler de bout en bout le cursus pédagogique en jouant sur la lassitude, l’anxiété et la complicité de certains enseignants et étudiants.

Les volumes horaires sont charcutés de plus de 50% du temps pédagogique, un semestre réduit à moins de 2 mois et un enseignement en présentiel de 3 semaines. Par conséquent les TD et les TP, moments d’appropriation de certains apprentissages spécifiques pour les étudiants, sont bâclés en raison de la réduction du temps imparti. 

L’enseignant se retrouve  avec des volumes horaires intensifs et disparates. Le décrochage de l’étudiant fortement ressenti durant l’année universitaire passée se reproduira inévitablement et affectera la formation et le cursus de l’année en cours.

La fracture numérique « matérielle » en raison des inégalités sociales et territoriales ne permet pas un enseignement en ligne productif et accessible à tous. L’illusion numérique cache mal le bricolage adopté par les politiques publiques et le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique au nom de l’urgence sanitaire.

Les outils technologiques sont politisés pour les besoins du pouvoir politique et de son gouvernement, pour maintenir l’université dans un cadre imposé par des impératifs autoritaires et sécuritaires, à l’image de l’instrumentalisation abusive de la pandémie. L’administration en jouant le rôle de relais du pouvoir a priorisé la domestication des universitaires plutôt que  le savoir scientifique et la valeur académique. 

L’université et l’enseignement supérieur sont dans une courbe de dévalorisation continue, comme en témoigne la tentation permanente de casser la pensée critique et les restrictions budgétaires imposées par le gouvernement. Pour preuves, les dotations allouées aux universités suffisent à peine pour couvrir le salaire du personnel, en passant sous silence les augmentations des effectifs des étudiants et la revalorisation des salaires tant attendue. 

Nous les enseignants et les chercheurs, membres de la CNUAC, refusons de nous résigner à subir l’autoritarisme, le bricolage et la médiocrité. Ces procédés font de l’université un lieu de régression transformant les enseignants et les étudiants en des sujets passifs subissant l’omnipotence de l’administration.

Nous nous projetons, d’une manière résolue, dans une lutte inscrite dans la durée et affirmons que cette dévalorisation programmée de l’université n’est pas une fatalité.

La rupture avec le système revendiquée par le Hirak est aussi une rupture avec une gestion de l’université qui tourne le dos à la pensée critique, la transmission raisonnée du savoir et la culture démocratique.

Le Hirak a redonné de l’espoir aux acteurs universitaires se projettent aujourd’hui dans une université où la liberté d’opinion, les libertés académiques et les franchises universitaires seront garanties. 

Pour une Algérie et une université libres et démocratiques.

Le 3 janvier 2021

 




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