Victimes de l’utilisation mondiale des énergies carbonées, les petits États insulaires en développement cherchent désespérément la manière de faire comprendre au reste de la planète que leurs économies et même leurs survies sont en jeux dans la lutte au changement climatique.
Le 20 mai, un gigantesque iceberg de 380 kilomètres carrés appelé A-83 s’est détaché de la banquise en Antarctique. C’est le troisième événement de ce type au cours des quatre dernières années dans cette région. La perte continue de glace en Antarctique est une preuve tangible que le réchauffement climatique entraine l’élévation du niveau de la mer. Les petits États insulaires sont en première ligne de ces impacts dévastateurs.
Ce vêlage mettait donc la table pour la 4e Conférence internationale sur les petits États insulaires en développement (SIDS4), qui s’est tenue à Antigua-et-Barbuda du 27 au 30 mai. Son thème était, « Tracer la voie vers une prospérité résiliente ».
Plus de 4000 participants et une vingtaine de dirigeants et ministres de plus de 100 pays s’y sont ainsi réunis. Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres a dénoncé lors de cette rencontre une situation obscène ou ces petits États insulaires en développement payaient pour la compétition entre les grandes économies et la soif de profits des industries fossiles.
En première ligne des crises mondiales
Il y a une quarantaine de petits États insulaires en développement (PEID) membres des Nations Unies. Une vingtaine d’autres sont associés à des commissions régionales [EN]. Principalement situées dans le Pacifique, l’Atlantique, les Caraïbes, la mer de Chine et l’océan Indien, ils totalisent environ 65 millions d’habitants, sur moins de 0,5 % de la surface du globe.
Bien qu’ils contribuent à moins de 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ils n’en sont pas moins en première ligne des crises mondiales créées par le changement climatique qui menacerait les trois quarts de leurs récifs coralliens.
Non seulement les ouragans, les inondations et les sécheresses les touchent de manière disproportionnée, mais la montée du niveau de la mer pourrait même en faire disparaître plusieurs tels les archipels Tuvalu, de Nauru, des Kiribati, les îles Marshall et les Maldives.
Réduire les émissions de carbone
Le programme d’action adopté à Antigua-et-Barbuda met en lumière que les efforts de ces États insulaires seront vains sans une action urgente pour augmenter le financement climatique et mettre en œuvre l’Accord de Paris.
La présidente des Îles Marshall, Hilda Heine, a déclaré lors de la rencontre qu’il fallait un changement radical dans la volonté politique, en particulier de la part des pays les plus développés du G20, de réduire les émissions de carbone.
« C’est le début d’un sprint de 10 ans et nous espérons qu’il n’y aura pas de frein sur cette voie de la résilience partagée », a mentionné la Vice-secrétaire générale, Amina J. Mohammed, qui a affirmé que les perspectives de développement se sont détériorées ces quatre dernières années pour ces États insulaires. « Sans le soutien total de la communauté internationale, les conséquences pourraient être de très vaste portée pour eux ».
Une situation catastrophique
Non seulement ces pays disparaissent lentement sous les eaux, mais le Secrétaire général des Nations Unies a affirmé lors de cette rencontre que l’architecture financière mondiale actuelle, qui n’est pas à la hauteur des attentes des pays en développement en général, l’est encore moins pour eux.
Croulant sous les dettes, l’économie de plusieurs de ces petits États insulaires tournerait à vide en raison des conséquences du changement climatique. Une partie d’entre eux sont de plus exclus de l’aide internationale et des prêts préférentiels des banques de développement, car classés comme pays à revenu intermédiaire ou supérieur.
La conséquence en est donc qu’ils doivent payer davantage pour le service de leur propre dette qu’ils n’investissent dans leurs soins de santé et l’éducation, nuisant ainsi à leur développement.
Mobiliser la justice internationale ?
Le Tribunal international du droit de la mer a émis le 21 mai dernier un avis consultatif sur le changement climatique et le droit international. Dans cet avis unanime, les membres de ce Tribunal ont confirmé la relation entre la mer et le climat.
C’est la Commission des petits États insulaires sur le changement climatique et le droit international (COSIS 2), qui a soumis cette demande en décembre 2022.
Elle voulait clarifier les obligations des États parties à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) au sujet du changement climatique. Ce tribunal a conclu que les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère constituaient une pollution du milieu marin.
Les États parties à la CNUDM auraient donc des obligations de diligence élevée pour prendre toutes les mesures nécessaires afin de réduire, maîtriser et prévenir la pollution marine due aux émissions de GES. Ceux-ci devraient aussi s’efforcer d’harmoniser leurs politiques à ce sujet.
La Cour européenne des droits de l’homme, avait rendu en avril un jugement contraignant contre la Suisse qui aurait manqué à son obligation de mettre en œuvre des mesures suffisantes pour lutter contre le changement climatique.
Ces cours internationales, et d’autres qui sont actuellement saisies à ce sujet, pourront-elles apporter plus de justice et de protection pour ces petits pays insulaires qu’ils n’en ont eu jusqu’à maintenant?
Michel Gourd