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Comment Koukou éditions a été bannie du Salon du livre amazigh des Ouacifs 

Koukou Editions

Le Salon du livre amazigh d’At Wasif, prévu du 30 avril au 3 mai, devait être l’ultime espace de libre expression culturelle en Kabylie. Or, le 30 avril 2025, le couperet est tombé : Koukou Éditions a appris par simple courrier électronique qu’elle était exclue, comme l’indique son communiqué.

Cette décision intervient après plusieurs semaines de tergiversations administratives : l’événement, d’abord validé par le ministère de la Culture, a dû repasser « par le filtre du wali », selon nos sources, avant de recevoir l’aval final.

Mais, derrière ces autorisations successives, se cache un compromis tacite : pour obtenir leur inscription, les organisateurs auraient été sommés de faire « retenir certains titres figurant sur le catalogue de l’éditeur qui ne sont pas du goût du comité de lecture ministériel ». Faute de retrait des ouvrages ciblés, la sanction est tombée : exclusion pure et simple.

Koukou Éditions – déjà écarté du SILA et des salons régionaux de Bougie et de Tizi Ouzou par la Commission de censure du ministère de la culture et des arts présidée par M. Tidjani Tama – dénonce une « nouvelle agression » contre une maison « qui active dans la légalité, et dont les publications sont disponibles dans les plus grandes librairies du pays ».

L’éditeur rappelle que sa plainte pour  pour ‘’attentat contre les libertés, abus et usurpation de fonction’’ contre le fonctionnaire-militant qui avait autorisé, en 2023, les éructations de Hitler, de Mussolini et d’Eric Zemmour, est en cours d’instruction devant le Tribunal correctionnel de Hussein Dey ».

Au-delà de la seule Koukou Éditions, ce sont des intellectuels de renom – de Tassadit Yacine à Salem Chaker, en passant par Mouloud Feraoun ou Mohamed Harbi – qui se voient privés de participation. Pour Arezki Aït Larbi, directeur de Koukou, « le Salon du livre amazigh d’At Wasif reste le dernier espace du libre-débat encore toléré dans la région » et mérite d’être « protégé » face au « culturicide programmé ».

Alors que la région vit sous un « état d’urgence de fait accompli », Koukou Éditions appelle à la solidarité : soutenir les organisateurs bénévoles « qui ont réalisé un travail remarquable malgré un environnement hostile et d’intolérables pressions », encourager les auteurs et éditeurs présents par l’acquisition de leurs livres, et participer aux conférences-débats pour « dénoncer les provocations récurrentes qui, au nom d’une “unité nationale” frelatée, ont soumis la Kabylie à un verrouillage idéologique ».

Dans un contexte où chaque participation culturelle semble soumise à un filtre invisible, l’affaire Koukou éditions pose une question essentielle : jusqu’à quel point la liberté de conscience et d’expression peut-elle encore s’exercer sans compromission ?

Samia Naït Iqbal

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