Site icon Le Matin d'Algérie

Complexité et simplicité : qu’en est-il du système Bouteflika ?

DEBAT

Complexité et simplicité : qu’en est-il du système Bouteflika ?

Les lois de la Nature, la biologie à son stade avancé actuel et la médecine avec sa machinerie des plus sophistiquées ne peuvent parrainer un acte contre nature aussi phénoménal que le dépôt de dossier de candidature de Bouteflika. Tout le monde le sait et en est convaincu.

Même Dieu, créateur de l’univers visible et invisible, s’il pouvait en être témoin, il nous enverrait un messager pour nous en persuader et  par la même occasion confondra Bouchareb et son blasphème de comparer Bouteflika à un prophète. Qu’importe ! Le Conseil Constitutionnel, suprême institution, en est la validation.

Pendant que les étudiants dans tout le pays s’essayaient à se frayer un chemin entre des blindés à jets d’eau, des casques et des matraques, la voie leur a été indiquée dans le convoi de « six » millions de soutien, dans le nouvel habit d’un directeur de campagne assigné à convertir les travaux publics en basses besognes qu’un plateau de télévision tournera en boucle jusqu’aux coins les plus reculés du monde sans Bouteflika.

Deux jours avant, un peuple des plus anciens s’est mis en branle toute une journée pour dire « Non à un cinquième mandat ». Lui aussi est contraint de croire au miracle.

S’il ne s’agit pas d’un phénomène, s’il n’est pas envoyé par Dieu version FLN et s’il n’a pas été remis sur pied, alors qui ? Qui est derrière tout ce déroulé d’un Plan préétabli et exécuté dans ses détails en dépit de quelques incidents types Sellal, Ouyahia et d’autres qui ne tarderont pas d’être mis aux rebuts ?

Pourquoi tant de précipitation à balancer tout en même temps ? Qui a voulu submerger l’Algérien de tant de promesses ? Révision de la constitution, débat national, changement du système, et même une présidentielle anticipée comme s’il y a déjà une date d’enterrement ? Qui fourbit ces balais d’apprentis sorciers ?

Que signifient ces sollicitations d’apaisement ? « J’ai écouté et entendu les cris de cœur des manifestants et en particulier des milliers de jeunes… » ? Qui a écrit ces mots ? Qui a tendu l’oreille de Bouteflika ? Comment peut-il entendre de son lit d’hôpital en Suisse, un pays connu pour son silence sidéral et sa détestation des bruits de foule ? Même le dernier souffle d’un Benkhedda, mort piétiné lors de la manifestation du vendredi 1er mars ne peut pas lui parvenir…

Quel crédit donner à cet appel du « devoir » : «J’ai le devoir et la volonté d’apaiser les cœurs et les esprits de mes compatriotes » ? Le devoir implique une capacité juridique qu’il n’a pas et une volonté suppose une surabondance de vie et non une mort programmée. Ce n’est pas avec un cœur à bout de souffle et un esprit déconnecté des réalités qu’il soulagera les cœurs et les esprits des Algériens.

Toutes ces supplications conjuguées à la théâtralisation du dépôt de candidature n’ont aucun sens si elles ne sont pas individualisées, authentifiées et rendues audibles par le candidat lui-même. Toute procuration dans ce cas précis est un faux et usage de faux et aucune présomption d’innocence de la personne, du groupe, de la clique qui l’ont actée ne peut leur être accordée car tous sont coupables de parjures et de crime contre leur peuple.

Tous les Algériens se posent les mêmes questions et ils sont tous interpellés de leur trouver une réponse. A chacun sa voie, sa piste et sa voix dont une peut être partagée, enrichie ou éliminée pour en fournir d’autres qui serviront de guide aux manifestants des jours qui suivent.

Il n’est pas bon temps d’écouter les experts et les analystes de tous bords d’ici et d’ailleurs. Leurs mots : « le pouvoir algérien est complexe », « c’est un système opaque », « un cabinet noir », « le frère du Président est le nouveau maître », « Gaïd Salah est fidèle aux Boutef »,… ne sont que du bavardage et ne produisent pas du sens. Il est urgent de revenir au bon sens qui indique qu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’une bande, une organisation plus proche d’un système mafieux que d’un modèle de gestion d’entreprise ou de gouvernement.

Le carburant principal de ce groupe est l’argent, l’argent de la rente et sa capitalisation dans les affaires de leurs progénitures et leurs amis. Cet argent a une qualité première, il est facile. Il se compose de dollars principalement commissionnés dans les marchés internationaux, de dinars recyclés dans l’informel et reconvertis en euros sur le marché parallèle le plus prospère du monde.

Il se réinvestit avec des leviers bancaires complaisants qui complètent les investissements réalisés ici et là pour s’assurer les dépenses domestiques. Il est également affecté à fournir privilèges et services de tous genres notamment des villas, des résidences surveillées, des voitures de luxes, des réceptions d’honneur et de virginité retrouvée. L’accumulation aidant, ce même argent est placée dans la propagande de la continuité en s’offrant des médias, presses écrites et télévisions.

Grâce à tous ces avantages, ils accumulent les carnets d’adresses, voyagent en passeport diplomatique sans contrainte de visas, s’envolent avec Air Algérie parce que c’est gratuit et se pavanent dans les plus belles capitales du monde sans oublier leur pied à terre.

A tout prendre, quel est l’imbécile qui va lâcher toute cette fortune et ce ne seront pas quelques milliers de lambda de manifestants d’un vendredi qui lui fera abandonner une telle richesse sans cause et sans talent.

Semblable à la mafia, l’organisation de ce groupe de dirigeants n’a rien de complexe, elle est la plus simple et la plus efficace. Elle ne se soucie ni de la mort de l’un de ses membres, ni de la prison à vie d’un de ses malfaiteurs pris la main dans le sac, ni de morale, ni d’éthique. Elle réunit ses membres qui se consultent mutuellement et prennent une décision qu’ils exécutent sans état d’âme. La théorie du « ne rompez jamais les rangs » leur convient parfaitement, quitter les rangs peut s’avérer une politique suicidaire. Il y a donc un énorme avantage à vivre en bande. Toute sa puissance est aussi dans son renouvellement.

La continuité est un concept, un slogan, une démarche parfaitement adaptée à la situation et aux intérêts des pays les plus influents : France, Chine, USA, Russie et à petites tailles mais à sacrée malfaisance : l’Arabie Saoudite, Qatar, Iran…

La continuité assure l’impunité qui est sa stratégie de riposte à chaque fois qu’elle sent une menace s’approcher de ses intérêts.

Les « infiltrés » vous diront qu’un quarteron de décideurs est en « réunion perpétuelle » pour décider des mesures à prendre et vous feront allécher toute une nuit ou vingt ans, qu’importe l’écoulement du temps, pour des annonces importantes. D’autres plus prédictifs, jouant les pronostiqueurs aguerris, vous martèlent l’inénarrable fin de partie, les carottes sont cuites. Les retardataires, débranchés de la rente depuis peu, épuisés par leur énième reniement, se retirent pour cacher leurs échecs, se disent boycotteurs, feignent de rejoindre la foule appelée à faire le boulot à leur place.

Mais comprendre n’est pas répondre. Quelle riposte peut-on opposer à ce groupe, à ces décideurs, à ce système? Quelles que soient l’intelligence et la variété de connaissance de ce système, la vraie question qui compte : que faire ? Mieux : que veut-on faire ? Il s’agit bien de volonté et non de pouvoir. La volonté d’exister libres et dignes vaut bien une puissance de vivre invulnérable face à tous les pouvoirs de nos quelques dirigeants.

La difficulté d’une riposte gagnante est due au manque de repères. Chaque Algérien désire trouver des guides où les solutions seraient mises en cartes, mais l’orientation manque et c’est l’un des désarrois de notre temps présent. Disons qu’il y a là un champ en jachère et qu’il attend de nous tous de nouveaux labours.

Auteur
Dahmane Chadli

 




Quitter la version mobile