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Conflit Est-Ouest : une guerre qui n’est pas la nôtre ?

Dictatures africaines
La majorité des régimes africains sont des dictatures inféodées à des puissances étrangères.

Le grand succès des ennemis de l’Afrique c’est d’avoir corrompu les Africains eux-mêmes», Frantz Fanon

En imposant un schéma institutionnel dont la logique de fonctionnement était radicalement opposée à celle de la société indigène, et un modèle économique  étranger aux réalités locales des populations, le colonisateur préparait en fait la société postcoloniale à l’échec de la modernisation politique et au développement économique.

Pour la France, la stabilité des régimes garantit la pérennité de ses intérêts en Afrique. La décolonisation de l’Afrique a donné naissance à des entités étatiques artificielles dominées par des régimes politiques autocratiques et despotiques sans légitimité historique ou démocratique qu’ils soient monarchiques, militaires, ou policier veillant jalousement sur leurs frontières c’est-à-dire leur espace de domination politique, économique et culturelle.

La colonisation a émietté le continent pour en faire la propriété des Etats qui vont en faire une propriété privée. Les Etats africains dans leur configuration actuelle sont les produits de la décolonisation opposant des monarchies aux républiques, des dictatures militaires aux régimes laïcs, des Berbères aux Arabes, les Marocains aux Algériens, des Tunisiens aux Libyens. Les Etats sont secoués de l’intérieur et menacés par l’extérieur.

L’histoire est un éternel recommencement et la géographie une source intarissable de conflits. La découverte d’importants gisements pétroliers et gaziers dans la région suscite des convoitises. Enjeu pétrolier et gazier, l’Afrique prend la forme d’un champ de bataille. Un pétrole de bonne qualité avec des coûts d’exploitation compétitifs et l’exploitation du gaz de schiste à vol d’oiseau. La Lybie est devenue un espace de rivalité entre la Turquie et les monarchies du Golfe. Mais aussi entre les Etats-Unis, la Russie et la Chine, les pays européens restant dans l’expectative.

Evidemment, «quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui est écrasée ». Ce sont les peuples qui en pâtissent et paient le prix fort. « Quand des frères se battent jusqu’à la mort, un étranger hérite des biens de leur père » Le pétrole est un instrument redoutable de domestication des peuples et d’aliénation des élites. « Une nation qui fait appel au concours d’autres nations pour résoudre un problème qui lui est propre montre sa faiblesse et méconnait son indépendance » nous dit Samuel Ferdinand-Lopes.

Après des siècles d’engourdissement, les peuples africains reprennent conscience de leur passé glorieux, de leur aliénation présente, et de leurs forces potentielles futures. Les difficultés économiques, le malaise social, l’impasse politique, le règne de l’immoralité ne sont pas étrangers à ce réveil des peuples africains.

Ce qui frappe d’emblée l’observateur, c’est la jeunesse des mouvements contestataires dans la quasi-totalité des pays où la démocratie est absente. Le phénomène contestataire contemporain est le produit de toutes les tensions, les traumatismes et les frustrations accumulées durant ces dernières décennies. Les mouvements de protestation traduisent le désarroi d’une population privée d’idéal et de perspectives d’avenir dans un contexte de crise politique et de contradictions économiques.

Partout dans le monde les jeunes aspirent à participer plus activement à la gestion des affaires politiques et économiques. Cependant dans la plupart des pays africains, les systèmes sont sclérosés empêchant le renouvellement des élites et la renaissance des idées. La jeunesse arabe et musulmane ne veut plus d’un Etat comme un legs du colonialisme ou comme un instrument hégémonique occidental.

Ce qu’elle désire par-dessus tout c’est d’un Etat de droit ouvert sur le monde fondé sur une morale et animé par des dirigeants honnêtes et compétents élus en toute liberté sur la base d’un programme clair et d’un échéancier précis et sur la base duquel ils seront appelés à être jugés.

Dans les sociétés traditionnelles, les dirigeants africains étaient soit des chefs de tribus, soit des chefs de clans jouissant de la même autorité que les rois et une obéissance totale leur étaient due en temps de guerre comme en temps de paix.

Les chefs de tribus s’arrogeaient une part considérable du butin. Les tribus arabes furent constamment jalonnés de troubles et de désordres. Les guerres intestines incessantes firent des peuples africains des proies faciles pour des invasions étrangères. Alors que le mur opposant des idéologies s’est effondré en 1989, de nombreux murs séparant des peuples se sont élevés depuis en Amérique, en Russie, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord. Dilemme : se combattre ou s’entre-aider ? se faire tuer par l’autre ou s’allier à l’autre ? Echange de balles (la guerre) ou échange de sœurs (la paix) entre Africains vivant sur un même espace géographique depuis des millénaires envoûtés par le miroir aux alouettes que représente l’Europe.

Chacun veille à sa petite épicerie en empêchant l’implantation d’un super marché salutaire pour l’ensemble des peuples de la région par l’ouverture des frontières, la diminution drastique des dépenses militaires, la construction d’une économie complémentaire, la constitution d’un front uni contre la politique de division des puissances étrangère qui a fait ses preuves depuis l’effondrement de l’empire ottoman. Le passage de la soumission aux autres au contrôle de soi-même et de la domination à l’autonomie est une œuvre de longue haleine qui exige patience et persévérance. Aujourd’hui, l’occident domine le monde africain grâce entre autres à sa haute technologie de pointe et à ses armes sophistiques de destruction des masses que les dictatures arabes et africaines s’arrachent à prix d’or au détriment du bienêtre de leurs populations affamées et meurtries. Des armes qui visent à impressionner les peuples voire à les réprimer, finissent généralement par être rouillées sans avoir servi. Le temps est une arme redoutable contre les tyrans. Les despotes  finissent par succomber à l’usure du temps.

Selon Henri Kissinger, homme politique américain, prix Nobel de la paix en 1973, « le pouvoir est l’aphrodisiaque suprême ». L’homme au pouvoir estime que rien ni personne ne peut lui résister. Des dirigeants arabes et africains, pris en otage par les puissances du moment, classés amis ou ennemis en fonction de leurs intérêts, exploitant sans vergogne les frustrations des populations arabes et africaines, ces autocrates,  enivrés par le pouvoir, infantilisés par l’occident, corrompus par l’argent et emportés par leurs délires mènent à tambour battant leurs peuples respectifs, les yeux bandés, à l’abattoir sous le regard moqueur de l’occident triomphant. Le malheur, c’est qu’ils n’en ont même pas conscience, ils sont sur un nuage.

Comme le souligne à juste titre le jeune président noir américain Obama « l’Afrique a plus besoin d’institutions fortes que d’hommes forts ». Il est vrai que l’histoire ne peut se faire que par une alternance de sagesse et de brutalité puisque de toute façon, les régimes déclinants résistent à la critique verbale. Le pouvoir compris comme un contrôle plus accru des hommes et des consciences par une sorte de bureaucratisation et d’asservissement des individus et de la société ne s’est accompagné d’aucune efficacité réelle sur la technologie, du savoir, de la science, du progrès technique et spirituel. C’est pourquoi, la société africaine semble évoluer dans des directions inattendues, opprimantes et désespérées qui accentuent quotidiennement l’impression générale d’irresponsabilité, de passivité et d’impuissance. Les élites qu’elles soient pro occidental ou oriental ayant a vendu leur âme au diable l’orée du pouvoir n’ont plus de crédibilité.

Elles sont des naufragés. Elles mènent des batailles d’arrière-garde au crépuscule de leur vie. A l’aube de ce troisième millénaire, aucun n’est dupe, personne ne croit au père Noël. L’avènement des revenus pétroliers a permis la concentration des ressources financières et la centralisation du pouvoir de décision entre les mains d’une seule personne. Les monarchies comme le tribalisme ont survécu au nationalisme arabe et aux poussées islamistes grâce au marché pétrolier dominé par les américains.

Les régimes claniques et monarchiques sont confrontés à deux problèmes majeurs : l’impossibilité de comprimer les dépenses publiques sans perdre leur légitimité et l’incapacité de répondre positivement aux cris de révolte de leurs jeunesses les mettant devant leurs responsabilités. L’organisation socio-politique apparaît comme le moteur essentiel dans la détermination de l’attitude d’une nation. « …la souveraineté nationale qui implique un principe d’indépendance s’évanouit si économiquement, les gouvernants ne peuvent pas choisir une fonction d’objectifs et favoriser pour la mettre en œuvre un agencement des moyens à la disposition des nationaux et de l’Etat ».

L’Etat africain n’est pas seulement un Etat dépendant mais un Etat minimal qui porte les stigmates de toutes les crises qui l’ont secoué : décolonisation ratée, intégration inachevée, extrême vulnérabilité aux ingérences et intérêts étrangers, autant d’indices d’incapacité étatique. A ce stade la remise en cause de la relation de dépendance devient problématique. Les crises sociales affaiblissent les structures de l’Etat et le rendent de plus en plus attributaire des opérations de sauvetage financière ou militaires des puissances étrangères.

La précarité de l’Etat est telle que toute tentative de développement autocentré qui dépasse les exigences de profit des élites au pouvoir est généralement perçue par celles-ci comme un manque à gagner ou une menace. Ce qui compte avant tout c’est le maintien du statut quo même si cette situation engendre les germes de sa propre destruction.

Il est admis que le mouvement nationaliste a commis deux graves erreurs aux conséquences incalculables : la première c’était de croire que l’aliénation historique, économique et culturelle disparaissait automatiquement avec le départ de l’occupant étranger ; la seconde était de penser qu’il suffisait d’accaparer l’appareil de l’Etat, de promulguer des lois et des règlements, de se doter d’une armée pour maîtriser le processus de modernité, de développement et de l’émancipation « L’histoire des peuples est l’histoire de la trahison de l’unité ». L’union bâtit une maison, la discorde la détruit nous apprennent les allemands qui ont détruit le mur de Berlin et construit l’Union européenne. Ils ont compris très vite qu’un mur ne suffit pas pour bâtir une maison, il en faut quatre avec au-dessus une toiture commune.

Les élites politiques au pouvoir ou dans l’opposition doivent changer de mode de pensée et se hisser au diapason des ambitions de leurs jeunesses qui affrontent les mêmes difficultés et partagent les mêmes aspirations.

Le logiciel des Etats date des années 60, le logiciel des peuples est de la dernière génération. L’un vit sur son passé, l’autre se projette dans le futur. La jeunesse a déjà un pied dans le futur, la vieillesse un pied dans la tombe. L’une regarde la lune, l’autre les ténèbres. Les ténèbres qui font froid dans le dos.

La question est de savoir à quelle sauce, nous allons être mangés à la sauce américaine, européenne, russe ou chinoise. Pourquoi pas à la sauce africaine. Il y a de la chair fraîche rejetée par les vagues de la Méditerranée. Les poissons n’en veulent plus. Ils sont gavés.

Dr A. Boumezrag

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