Lors du dernier Conseil des ministres, le chef de l’État Abdelmadjid Tebboune s’est vanté que le projet de loi de finances 2025 ne comporterait aucune augmentation d’impôts.
Cette décision, prise dans un contexte économique tendu, peut paraître rassurante pour une population éprouvée par la hausse des prix et la baisse du pouvoir d’achat.
- Toutefois, derrière ce statu quo se cache une absence de vision à long terme pour les finances publiques algériennes.
Ce choix risque de maintenir l’Algérie dans une impasse économique. Le choix de ne pas modifier les impôts est certes protecteur à court terme pour les ménages.
Avec un taux de chômage des jeunes de 15 % et une inflation avoisinant les 10 %, toute hausse aurait pu aggraver la situation. Mais ce statu quo n’offre aucune incitation fiscale pour relancer l’investissement ou stimuler la consommation, créant ainsi une stagnation qui risque de perdurer. Des pays ont réformé leur fiscalité pour encourager l’investissement privé tout en maintenant un certain équilibre social.
Un exemple dans le continent africain est celui de l’Égypte qui a notamment introduit une TVA unifiée et des réformes pour attirer les investisseurs, ce qui a contribué à la croissance de secteurs comme les énergies renouvelables.
En Algérie, l’absence de mesures similaires freine l’adaptation aux défis économiques. L’Algérie continue de dépendre des hydrocarbures, qui représentent 70 % des recettes fiscales et 90 % des exportations en 2022.
Ce modèle, fortement exposé aux fluctuations des cours mondiaux, est de plus en plus vulnérable. Le choc pétrolier de 2020, causé par la pandémie de Covid-19, a réduit les recettes de 33 milliards à moins de 20 milliards de dollars.
Alors que des pays comme l’Arabie saoudite se diversifient grâce à des réformes ambitieuses (plan Vision 2030), l’Algérie reste figée dans un modèle économique risqué à long terme. Le secteur informel représente environ 50 % de l’économie algérienne, selon la Banque d’Algérie, mais échappe largement à l’impôt.
Ce secteur non régulé prive l’État de ressources importantes et fragilise la base fiscale. Introduire des régimes fiscaux simplifiés et une meilleure inclusion financière pourraient renforcer les recettes fiscales tout en soutenant les petites entreprises.
Par ailleurs, en 2022, l’Algérie n’a attiré que 1,5 milliard de dollars d’investissements directs étrangers (IDE), un montant qui reste très faible. Le cadre fiscal rigide et peu attractif en Algérie freine l’essor de secteurs comme les technologies numériques et les énergies renouvelables, pourtant essentiels pour diversifier l’économie.
Sur le plan monétaire, la dépréciation continue du dinar complique la situation.
Depuis 2014, la monnaie algérienne a perdu plus de 50 % de sa valeur par rapport au dollar, entraînant une hausse des prix des produits importés et alimentant l’inflation. La Banque d’Algérie, malgré ses efforts, peine à enrayer cette chute en raison de la baisse des réserves de change, qui sont passées de 200 milliards à moins de 50 milliards de dollars entre 2014 et 2023.
Pour stabiliser la monnaie, l’Algérie pourrait réduire la masse monétaire en circulation en augmentant les taux d’intérêt, comme l’ont fait des pays comme le Brésil ou l’Argentine. Toutefois, cette mesure, bien que nécessaire pour freiner l’inflation, doit être accompagnée d’une politique d’encouragement à la production nationale afin de réduire la dépendance aux importations. Soutenir les industries locales permettrait de diminuer la pression sur la balance commerciale et, à terme, de stabiliser le dinar.
Le statu quo fiscal, présenté comme un exploit, ne résout pas les problèmes structurels de l’économie algérienne. En refusant d’ajuster la fiscalité, le gouvernement repousse les réformes nécessaires à la modernisation de l’économie et à la diversification des sources de revenus.
Des réformes fiscales audacieuses, combinées à des mesures pour stabiliser le dinar, sont indispensables pour sortir de cette inertie et préparer l’Algérie aux défis économiques futurs.
Le temps presse, et l’illusion d’une stabilité fiscale ne suffira pas à prévenir une prochaine crise économique.
Mohcine Belabbas, ancien président du RCD