19 avril 2024
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COP27 en Afrique au début de l’ère du Pyrocène ?

Dérèglement climatique

Alors que les changements climatiques pourraient nous avoir propulsés dans l’ère géologique du Pyrocène, beaucoup de décideurs de la planète ont des motivations pour s’impliquer dans la COP27 qui se tient à Charm El-Cheikh en Égypte du 7 au 18 novembre et aider le continent africain.

La note dominante des grandes informations entendues un peu partout autour de la planète cet été et actuellement, pendant que population retourne au travail et aux études, est environnementale et vise principalement les grands incendies. Si on se fie aux travaux de scientifiques et d’écrivains, les feux causés par les changements climatiques pourraient avoir fait entrer la planète dans une nouvelle ère géologique, soit le Pyrocène, l’ère du feu. Des boucles de rétroactions dont nous ne faisons que commencer à identifier le fonctionnement semblent mettre littéralement le feu à la planète.

Un auteur d’Edmonton, Edward Struzik, parlait en 2018 de l’arrivée de la nouvelle ère du Pyrocène pour expliquer l’augmentation en nombre, en taille et en intensité des feux de forêts qu’il y avait en Colombie-Britannique.

En 2019, Jade Lindgaard écrivait dans Mediapart le texte « Les mégafeux, une catastrophe mondiale et totale » citant la philosophe Joëlle Zask, qui considérait que les très grands incendies, maintenant qualifiés de mégafeux, remettaient en cause l’idéologie de la maîtrise de « la nature », une des représentations fondatrices des sociétés contemporaines.

Selon elle, nous avons changé d’ère et somme entrés dans celle du Pyrocène. Stephen J. Pyne un professeur émérite de l’université d’État de l’Arizona expliquait ce concept dans l’édition de septembre 2019 de la revue Natural History. Ce spécialiste des scènes de feu voit venir un Age du feu qui pourrait être comparé en magnitude à l’Age de glace qui a modelé les continents, les montagnes, les sols et la manière dont les humains ont habité la Terre.

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La Terre brûle

Plusieurs indices laissent actuellement croire à l’arrivée de cette nouvelle ère. Sur la période allant de 1980 à 2017 il y aurait eu en moyenne en Europe près d’un demi-million d’hectares de forêts qui auraient été détruites par les feux en Espagne, en Italie, au Portugal, en Grèce et en France. Le pire désastre forestier de son histoire aurait touché le Chili en 2017. Plusieurs millions d’hectares auraient aussi été détruits en Indonésie, en 2019. Ce serait cependant les mégafeux en Australie en début 2020, dans lesquels près de 500 millions d’animaux auraient péri, qui semblent marquer la transition. Les images d’une planète qui brûle s’accumulent depuis, venant de la Grèce, de l’Afrique, des États-Unis, de la Sibérie, du Portugal, de l’Amazonie, du Groenland, de l’Algérie, de la Suède et dans les derniers jours de la France qui subit cet été une vague de chaleur après l’autre. Jusqu’en 2022, la France n’avait encore jamais connu de grands feux incontrôlables comme en Espagne, au Portugal ou en Grèce. L’Ouest américain et canadien a aussi connu ces dernières années des feux de forêt d’une ampleur et d’une intensité exceptionnelles, avec un très net allongement de la saison des incendies. Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), une agence spécialisée de l’ONU, juillet 2022 a été l’un des plus chauds jamais enregistrés dans le monde et le mois le plus sec de l’histoire de la France. Ces « mégafeux » représenteraient 3 % des feux de forêts, mais 90 % des surfaces brulées.

Les scénarios catastrophes non pris en compte

Selon les dernières recherches, les réactions des pays et des pétrolières à la guerre en Ukraine, pourraient amener un réchauffement plus proche des +3 °C que des + 2 °C d’ici la fin du siècle ce qui a le potentiel d’amener deux milliards de personnes en zone de chaleur extrême d’ici 2070. Cette chaleur nuirait largement aux cultures, provoquant des problèmes d’approvisionnement dans le monde entier. Si cela se confirme, deux sites nucléaires et sept laboratoires de haute sécurité abritant les agents pathogènes les plus dangereux au monde pourraient être touchés par ces zones de chaleur extrême affirme Luke Kemp, premier auteur d’une étude publiée en début août par le Centre d’étude du risque existentiel de Cambridge.

Les chercheurs y soulignent l’importance de prendre en compte les scénarios les plus dramatiques de changement climatique dont les conséquences pourraient être actuellement largement sous-estimées. Luke Kemp, crois qu’il faudrait prendre en compte ces scénarios qui pourraient entraîner l’effondrement de la société mondiale ou même l’extinction de l’humanité.

Les chercheurs de ce Centre appellent donc le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) à s’intéresser aux mécanismes conduisant aux scénarios les plus dramatiques pour l’humanité et de consacrer un rapport à ces changements climatiques catastrophiques qui pourraient provoquer des cascades d’événements insoupçonnés.

Pour la professeure de santé publique et de climat à l’Université de Washington. Kristie Ebi, coauteur de l’étude, il serait essentiel de prendre en compte les risques croisés lorsque les organisations scientifiques mondiales évalueraient le changement climatique. Celles-ci n’exploreraient pas en profondeur l’impact de ces phénomènes sur les sociétés humaines et leurs interactions avec les problèmes existants qui pourraient augmenter la gravité des conséquences.

L’Occident doit frapper fort à la COP27

La COP27 prend donc une importance particulière dans de telles circonstances. Cela est d’autant plus vrai qu’elle aura lieu alors que de grands enjeux se jouent sur la planète autour de l’ordre mondial à venir.

L’Occident doit se refaire une crédibilité sous peine d’être déclassé par le nouveau bloc économique se formant autour de la Russie et la Chine. Les promesses non tenues par les occidentaux lors des COP précédentes, l’égoïsme vaccinal dont a fait preuve ses pays durant la présente pandémie de Covid-19, auquel s’est rajouté l’évident deux poids, deux mesures que ses dirigeants ont eus concernant les réfugiés ukrainiens, infiniment mieux traités que ceux venant des continents africain et asiatique, ont rendu plusieurs pays du tiers-monde très frileux a suivre aveuglément les décisions prises par les Occidentaux.

En 2009 et à nouveau en 2015, les pays occidentaux avaient promis de mobiliser 100 milliards de dollars d’ici 2020 et jusqu’en 2025 pour aider ceux en développement à s’adapter au changement climatique et les aider à réduire leurs émissions. Mais comme l’a récemment fait remarquer l’Alliance des petits États insulaires, ils sont déçus par le manque de progrès et le rythme de ces investissements est trop lent. Ce serait trop peu, trop tard ont signalé les représentants des 46 Pays les moins avancés.

Ce scepticisme face à l’occident a été particulièrement évident lors du vote pour dénoncer l’intervention russe en Ukraine alors que des dizaines de pays, en majorité africaine, n’ont pas appuyé la motion des États-Unis. En conséquence et face à la montée des investissements chinois et russes en Afrique, les États-Unis y ont récemment fait une tournée, affirmant chercher un véritable partenariat avec plusieurs pays de ce continent.

Si des décisions importantes et réelles ne sont pas prises en Égypte cet automne, les Africains pourraient plutôt suivre les conseils de leurs prêteurs chinois et du ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui avait fait une tournée sur ce continent juste avant son homologue américain.

La réputation des compagnies pétrolières est entachée

La rencontre à Charm El-Cheikh aura aussi lieu alors que les relations publiques de l’industrie pétrolière sont en lambeau. Les révélations en début août que les majors pétroliers avaient engrangé des dizaines de milliards de dollars pendant l’intervention russe en l’Ukraine ont porté un dur coup à leur réputation. Le cours du brut est passé de 77,94 dollars le baril début janvier à 123,70 dollars le 7 mars. Cette augmentation des prix qui ne redescendent que lentement a fait que 15 des plus grandes entreprises du secteur pétrolier ont réalisé pendant cette crise des profits cumulés de 77 milliards de dollars, presque le triple par rapport à la même période l’an dernier. Au premier semestre 2022, leurs gains étaient de 94 milliards.

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a donc fait une sortie publique dans laquelle il dénonçait la « cupidité des grandes entreprises pétrolières et gazières qui réalisent des profits scandaleux grâce à la guerre en Ukraine. »

Cette gloutonnerie des pétrolières pendant le conflit en Ukraine alors que l’OPEP a décidé de ne pas augmenter significativement sa production a aussi mis en lumière la dépendance de l’Europe aux énergies fossiles. Le chercheur et membre du Giec, François Gemenne, affirmait à ce sujet que cette guerre en Ukraine faisait partie de ces moments où l’Histoire s’accélère et où les lignes bougent. Il croit que les impacts sur les actions climatiques seront nombreux.

Selon lui, il est vraisemblable que la guerre accélèrera la transition énergétique, « parce qu’on réalise, désormais, que notre dépendance aux énergies fossiles est aussi un risque géopolitique majeur, qui nous place en position de faiblesse vis-à-vis de régimes autoritaires. »

Le manque de retenue des grandes pétrolières et des pays producteurs de pétrole pourrait donc avoir rajouté l’argument sécuritaire à l’argument écologique face à des coûts de l’énergie sur lesquels les consommateurs ont peu de contrôle. L’industrie pétrolière risque donc d’arrivée affaiblie à la COP27 et pourraient être plus encline, ou forcée, a faire des efforts réels pour aider les pays en développement à s’adapter aux changements climatiques, d’autant plus que tout le monde sait maintenant qu’elle en a les moyens.

L’innocente Afrique est sur la ligne de front de la COP27

Le gouvernement égyptien a annoncé en acceptant le mandat de tenir la COP27 qu’il voudrait que les besoins de l’Afrique y soient centraux. Ce continent n’est responsable que de 4 % des émissions de gaz à effet de serre, mais est le plus vulnérable au dérèglement climatique. D’ici 2030, il y aurait 120 millions d’Africains qui y subiraient ses impacts négatifs. L’Afrique est très vulnérable à la sécheresse qui cause de la dégradation des sols et de la désertification.

La hausse des températures y engendre la disparition de la biodiversité, un appauvrissement économique et un exode des populations. Les ressources énergétiques y manquent. En 2020, ce continent, qui représente actuellement 17 % de la population mondiale, n’a consommé que 3 % de l’énergie qui était utilisée dans le monde, selon l’Analyse statistique de BP sur l’énergie mondiale. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) affirme pour sa part que la consommation électrique moyenne par habitant du continent n’est que de 600 kilowattheures (kWh) en moyenne par an.

Environ 600 millions d’Africains ne seraient pas raccordés au réseau électrique. En comparaison, la consommation annuelle moyenne mondiale est d’environ 3 200 kWh par personne.

Les États et les villes africaines sont de plus très en retard en matière de protection de l’environnement alors que le continent est en voie d’urbanisation. Il devrait y avoir 7 Africains sur 10 d’ici 2050, qui vivraient dans les zones urbaines du continent qui ne cessent de grossir.

L’urbanisation est un phénomène planétaire qui dynamise les pays, mais en Afrique elle se fait sans les ressources financières nécessaires pour créer les infrastructures et les services sociaux pour accueillir cette nouvelle population citadine. Ce problème est d’autant plus grand que 50 % de la croissance urbaine mondiale aura lieu sur ce continent d’ici 2050.

Il est tard, mais rien n’est perdu

Ce qui s’est passé pendant les derniers mois permet donc de croire que la COP27 pourrait être finalement celle où les actions des acteurs mondiaux pourraient répondre aux attentes des pays en développement et plus particulièrement de l’Afrique. Ce serait selon plusieurs chercheurs à la faveur de grandes crises telles que celles que nous vivons que les sociétés peuvent comprendre et accepter qu’il faille accélérer leurs actions dans le développement des énergies renouvelables.

L’accumulation des dommages qu’ils subissent peut donner aux citoyens l’occasion de faire des liens avec le changement climatique et de comprendre que ses conséquences ne sont pas seulement pour les générations futures, mais se produisent déjà aujourd’hui. Cette sensibilisation de leurs électeurs pourrait insuffler aux politiciens et décideurs le courage nécessaire pour entreprendre des actions concrètes et immédiates.

Des actions conséquentes semblent d’ailleurs se mettre en place. La directrice de la Fondation européenne pour le climat, Laurence Tubiana, affirmait récemment que le plan climat de Biden était très encourageant. Il y aurait une dynamique qui s’installerait du côté des grands pays émergents telle l’Inde qui aurait fait des déclarations plus ambitieuses qu’escomptées.

L’Afrique du Sud vient aussi d’annoncer le maintien de son plan de restructuration de son secteur électrique destiné à sortir du charbon. Dans le cadre du plan européen visant à réduire la consommation de gaz d’au moins 15 %, l’Espagne vise à faire des économies d’énergie et a pris plusieurs mesures telle la limitation de la climatisation à 27 °C et des mesures d’économie d’énergie pour limiter la climatisation dans la plupart des commerces, les établissements culturels et les infrastructures de transports, comme les aéroports ou les gares. Cet hiver, ces lieux devront limiter le chauffage à un maximum de 19 °C.

Les lumières seront fermées à partir de 22 h dans les bâtiments publics et les vitrines des magasins. Afin d’éviter le gaspillage énergétique, les locaux climatisés ou chauffés auront également l’obligation d’installer d’ici au 30 septembre un mécanisme assurant la fermeture automatique de leurs portes.

Selon un récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie renouvelable (IRENA), les énergies renouvelables deviennent de plus en plus compétitives face aux énergies fossiles avec la flambée des prix du gaz et du pétrole.

Le directeur général de l’IRENA, Francesco La Camera, considère que les énergies renouvelables seraient sans conteste la forme d’énergie la moins chère. Le coût de production des énergies renouvelables aurait encore baissé en 2021 par rapport à 2020. Celui de l’électricité produite par éoliennes aurait diminué de 15 % en un an, pour les éoliennes en mer et le photovoltaïque ce serait une diminution de 13 %. Ces énergies vertes permettraient aussi aux pays de s’affranchir de la volatilité des prix et des importations de combustibles fossiles, réduiraient les coûts énergétiques et renforceraient la résilience des marchés.

Si on considère que les cours du pétrole auraient augmenté d’environ 32 % depuis le début de l’année et celui du gaz naturel européen aurait été multiplié par 2,5, l’énergie renouvelable installée en 2021 permettrait d’économiser environ 55 milliards de dollars sur les coûts mondiaux de production d’énergie en 2022 selon l’IRENA.

À quelques mois de la COP27, Francesco La Camera rappelle que les énergies renouvelables sont pour les États un moyen abordable de se rapprocher de l’objectif zéro émission nette et de convertir leurs promesses climatiques en actions concrètes. Rappelons que l’AIE estimait dans un rapport publié en mai 2021 qu’il fallait abandonner dès maintenant les projets d’exploration pétrolière ou gazière pour espérer limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.

L’Occident a donc l’occasion de redorer son blason à la COP27 en aidant l’Afrique. Un investissement annuel de 25 milliards de dollars permettrait à tous les Africains d’accéder à l’électricité à l’horizon 2030.

Le directeur de l’AIE, Fatih Birol, affirme qu’il est moralement inacceptable que l’injustice persistante de la pauvreté énergétique en Afrique ne soit pas résolue alors qu’il est si clairement dans nos moyens de le faire.

Selon lui, les banques multilatérales de développement doivent prendre des mesures urgentes pour accroître les flux financiers vers l’Afrique à la fois pour développer son secteur énergétique et s’adapter au changement climatique.

Michel Gourd

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