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COP28 : boîte à surprises ou de pandore ?

Cop 28

Le fait qu’un dirigeant d’une grande pétrolière soit le président de la COP 28 rend difficile de prévoir quel sera le résultat de cette rencontre qui pourrait tout aussi bien trouver de nouvelles voies pour sauver la planète que de faire reculer des acquis.

Plusieurs ont été surpris quand le sultan Ahmed Al-Jaber, président de la principale compagnie pétrolière nationale des Émirats arabes unis, l’Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC), a été nommé dirigeant des négociations sur la lutte contre les changements climatiques de la conférence sur le climat du 30 novembre au 12 décembre. Environ 80 000 personnes de 195 États devraient participer à cette COP28 à Dubaï. Indépendamment de comment iront les discussions, cette situation pourrait amener d’agréables surprises ou faire dérailler les efforts faits jusqu’à maintenant pour permettre de ne pas dépasser la cible de 1,5 Celsius.

La prédiction optimiste

Les sociétés pétrolières et gazières ont fait des bénéfices de 4 000 milliards de dollars en 2022. La tenue de la COP28 dans l’un des plus grands pays producteurs mondiaux de combustibles fossiles pourrait donc être une opportunité rapprochant les besoins de l’argent nécessaire pour les combler.

Le sultan Ahmed Al-Jaber connait à fond l’industrie pétrolière et a appelé à tripler la capacité mondiale des énergies renouvelables d’ici à 2030. Il considère aussi comme une priorité majeure de la COP28 de combler le manque en matière de financements climatiques, demandant aux pays donateurs de « sortir leur portefeuille ».

Plusieurs pays devraient aussi amener des suggestions intéressantes. Le Chili et L’Allemagne ont récemment fait savoir qu’ils voulaient créer un fond de 500 millions de dollars pour produire de l’acier plus vert. Le président brésilien Lula devrait de plus y proposer la création d’un fonds destiné à préserver les forêts tropicales dans environ 80 pays.

Celle pessimiste

Certains propos du président de la COP28, qui juge impossible de sortir rapidement des énergies fossiles, sont en contradiction de ceux du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, qui affirme qu’elles sont incompatibles avec la survie de l’humanité.

Le sultan Ahmed Al-Jaber est aussi membre d’une industrie fortement subventionnée et résistante aux pressions demandant sa décroissance. En 2022, les pays du G20 ont accordé 1,300 milliards de dollars de subventions aux énergies fossiles. C’est non seulement un record, mais deux fois plus qu’en 2021. Pendant ce temps, la part des énergies renouvelables dans la production d’énergie est estimée à environ 12 %.

Selon un rapport de l’ONG allemande Urgewald, publié mi-novembre, sur 700 compagnies productrices, environs 96 % poursuivent l’exploration pour trouver de nouvelles réserves d’hydrocarbures. Pire, ces dépenses d’investissement auraient augmenté de plus de 30 % depuis 2021, atteignant 170,4 milliards de dollars ces trois dernières années. Cela contraste avec le scénario de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) qui cible une diminution de cette production, qui est d’environ 100 millions de barils par jour aujourd’hui, à 24 millions de barils en 2050. Si la COP28 ne parvient pas à résoudre ce problème, les efforts pour diminuer les effets des changements climatiques pourraient être compromis.

Le temps presse

La température moyenne de la planète a déjà augmenté d’environ 1,2 degré par rapport au niveau qui a précédé la révolution industrielle du 19e siècle. L’année 2023 est jusqu’ici 1,43 °C plus chaud qu’à l’ère préindustrielle, et devrait être un nouveau record. Les mois de juin à octobre ont d’ailleurs été les plus chauds jamais enregistrés et la température planétaire a atteint un nouveau record dépassant de 2 °C la moyenne saisonnière préindustrielle les 16 et 17 novembre derniers selon l’observatoire européen Copernicus.

Le directeur de l’Observatoire Climate Change, Antoine Gillod, affirme qu’entre 2015 et 2022, les émissions mondiales de C02 sont passées de 35,6 à 38,2 gigatonnes. La concentration de CO2 dans l’atmosphère, responsable d’environ 64 % de l’effet de réchauffement du climat, s’élevait donc en 2022 à 417,9 parties par million, soit 150 % du niveau en 1750. La production et la combustion du pétrole, du charbon et du gaz naturel sont responsables de 80 % des émissions totales de CO2. Selon les prédictions, la Terre pourrait donc se réchauffer de 2,9 °C d’ici la fin du siècle, si la situation ne s’améliore pas.

Comment aider

Selon un rapport récemment publié par l’AIE, il faudrait rapidement éliminer l’utilisation du charbon, dont il s’est brulé neuf milliards de tonnes en 2022, et réduire d’au moins 75 % l’utilisation du gaz et de pétrole d’ici 25 ans pour rejoindre la cible de 1,5 °C. Le solaire, l’éolien et les véhicules électriques pourraient contribuer à l’essentiel des réductions d’émissions.

Il faudrait cependant faire attention à ne pas tomber dans l’écoblanchiment, affirme encore l’AIE, qui considère la capture et le stockage du carbone (CSC) comme une illusion pour assainir le bilan de l’industrie. Le professeur adjoint au Département de science politique de l’Université Laval, Alexandre Gajevic Sayegh, qualifie aussi d’« écoblanchiment » le message diffusé par l’Alliance nouvelles voies, qui regroupent les producteurs des sables bitumineux, affirmant que l’industrie sera « carboneutre » d’ici 2050 grâce à cette méthode.

« Nous ne devons avoir aucune tolérance pour l’écoblanchiment sur la neutralité carbone » affirme Antonio Guterres, qui a demandé aux participants à la COP28 de redoubler d’efforts et de faire des réductions records des émissions de CO2.

Michel Gourd

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