Site icon Le Matin d'Algérie

Covid-19 : les banques centrales ont eu raison de soutenir les économies

REGARD

Covid-19 : les banques centrales ont eu raison de soutenir les économies

Nous vivons une époque extraordinaire à tous points de vue, et les questions monétaires ne font pas exception. C’est une ligne bien mince qui sépare le soutien des banques centrales auprès de l’économie par le biais d’assouplissement quantitatif (achat illimité d’obligations) et le financement direct des gouvernements (monétisation de la dette).

Les banques centrales ne sont-elles pas en train de financer les gouvernements en imprimant de l’argent ? De nombreux experts sont en désaccord quant au côté où nous nous trouvons actuellement. Toutefois, plusieurs arguments appuient l’hypothèse du « soutien à l’économie » plutôt que de la « monétisation de la dette”.

La liberté des banques centrales

La décision d’acheter des obligations d’État appartient aux banques centrales seules. Ces dernières ne peuvent pas être forcées par les gouvernements. Les gouvernements ne peuvent pas choisir d’imprimer de l’argent à volonté, pour financer par exemple les hôpitaux ou la police.

Pour ce faire, les gouvernements doivent emprunter et augmenter leur dette, au risque que les prêteurs décident un jour de cesser de prêter, et il ne s’agit pas d’un risque théorique, comme nous l’avons vu en Grèce en 2011.

Les banques centrales achètent des obligations directement aux investisseurs, et non aux gouvernements, n’acquérant ainsi techniquement que des dettes déjà existantes. Certes, lorsque les banques centrales annoncent qu’elles achèteront des obligations illimitées sur le marché secondaire, elles éliminent le risque pour les investisseurs, ce qui affaiblit considérablement cet argument.

Tout prêt a son échéance

Cet assouplissement quantitatif est temporaire. À un moment donné, les banques centrales cesseront d’acheter des obligations et les gouvernements devront rembourser leur dette.

Cependant, le temps joue en leur faveur, car les obligations ont une durée de 30 ans et peuvent toujours être renouvelées, et dans tous les cas, l’assouplissement quantitatif crée normalement de l’inflation, effaçant ainsi une partie de la dette. Cela ne s’est malheureusement pas produit depuis 2008 et cette incertitude concernant le remboursement est un sujet de préoccupation. 

Il est important de se rappeler que les banques centrales ne donnent pas d’argent aux gouvernements, elles ne font qu’avancer des fonds pendant une longue période. Argument supplémentaire : 30 ans ou plus permettent amplement à la croissance de faire un retour et de générer les recettes fiscales nécessaires pour rembourser la dette. Certes, on peut débattre sur ce point et s’interroger sur l’efficacité de cette logique pour un pays comme la France qui n’a pas équilibré son budget depuis 47 ans…

La valeur fluctuante de l’argent

Imprimer de l’argent pose un vrai risque et peut éroder la valeur réelle de la monnaie d’un pays, entraînant une dangereuse hyperinflation. Les monnaies faibles sont alors délaissées pour des monnaies de refuge stables, généralement le Dollar américain, un processus appelé dollarisation.

Il est peu probable que cela se produise aujourd’hui, car les investisseurs comprennent pourquoi les gouvernements ont besoin d’emprunter autant de fonds et que seules les banques centrales sont en mesure de prêter de telles sommes. Il ne faut donc pas s’attendre à une perte de confiance dans un gouvernement incompétent et à une vente agressive de sa monnaie.

Nous pourrions plutôt entrer dans une phase de « nouvelle normalité », où les investisseurs du monde entier acceptent un niveau de dette souveraine beaucoup plus élevé qu’auparavant. Et si tous les pays pratiquent un assouplissement quantitatif massif , la dollarisation n’est pas possible. Perdre confiance dans l’Euro et passer au Dollar n’aurait pas de sens, puisque la banque centrale américaine fait exactement la même chose que la banque centrale européenne.

Alors, qui seront les gagnants ? Compte tenu de la violence du choc économique, il serait juste de dire que tout le monde serait perdant si les banques centrales et les gouvernements n’agissaient pas comme ils le font actuellement.
En fin de compte, les gagnants seront les pays qui utiliseront cette marge budgétaire pour investir et créer les conditions d’une croissance future, de préférence durable. Et les perdants seront ceux qui ne peuvent pas restructurer suffisamment leurs économies pour générer la capacité de remboursement.

Thierry Mezeret (Professeur de finance – Audencia Business School)

Auteur
Thierry Mezeret, Professeur de finance

 




Quitter la version mobile