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Criminalité : vers la réactivation de la peine de mort, selon Lotfi Boudjemaa 

Lotfi Boudjema

Le ministre de la justice algérienne

Devant les députés de l’Assemblée populaire nationale (APN), le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Lotfi Boudjemaa, a confirmé jeudi un tournant majeur de la politique pénale algérienne : la réactivation annoncée de la peine capitale, gelée de facto depuis 1993.

Cette grave décision de réactivation de la peine de mort est présentée comme une réponse à la montée des crimes violents qui suscitent une vive émotion au sein de l’opinion publique.

Ce  durcissement est justifié par « une demande sociale forte », selon le ministre, évoquant les récents enlèvements et assassinats d’enfants à Constantine et Chlef. Il a affirmé que « l’État ne peut demeurer spectateur » face à la multiplication des crimes qualifiés de « particulièrement odieux ». 

Dans cette perspective, la peine de mort serait réintroduite pour les infractions les plus graves, notamment les meurtres avec circonstances aggravantes, les enlèvements d’enfants ou encore les crimes perpétrés dans des établissements de santé et des écoles.

Selon Boudjemaa, cette orientation s’inscrit dans les directives du président Abdelmadjid Tebboune, qui appelle à un renforcement des sanctions et à une application plus rigoureuse des dispositions pénales existantes.

Outre les crimes violents ciblant les citoyens dans des espaces sensibles, le ministre de la justice garde de Sceaux  a insisté sur la lutte contre le narcotrafic, présenté comme « un danger majeur pour la société ». Les sanctions prévues par la loi – allant jusqu’à trente ans de prison, la réclusion à perpétuité ou la peine capitale pour les grands trafiquants – devront être appliquées sans compromis.

Ce tour de vive judiciaire intervient alors que les autorités affirment vouloir faire face à l’infiltration des réseaux criminels dans certains milieux éducatifs et urbains, où les trafiquants ciblent particulièrement les jeunes.

En parallèle de cette ligne pénale plus sévère, le gouvernement veut renforcer la protection des lanceurs d’alerte dans les affaires de corruption. Le ministère de la Justice prévoit de garantir la confidentialité et la sécurité physique des dénonciateurs afin d’encourager la participation citoyenne dans la lutte contre les pratiques frauduleuses.

Ce volet, présenté comme un complément indispensable au durcissement pénal, vise à consolider la crédibilité des institutions judiciaires et à répondre aux critiques récurrentes concernant l’efficacité du contrôle anticorruption.

Un tournant qui relance le débat national

L’éventuelle réactivation de la peine de mort, permise par les lois adoptées en juillet dernier, ravive un débat longtemps suspendu dans la société algérienne. Si une partie de l’opinion réclame plus de fermeté, notamment face aux crimes contre les enfants, des voix s’élèvent pour rappeler les engagements internationaux de l’Algérie et les risques d’erreurs judiciaires dans un système critiqué pour ses insuffisances structurelles et sa soumission aux injonctions verticales de l’exécutif ou venant de parties influantes tapies dans les rouages du pouvoir et de l’État.

Pour l’heure, le gouvernement assume un discours résolument sécuritaire, considérant que la situation exige une réponse « proportionnée à la gravité des menaces ».

Samia Naït Iqbal

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