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Crise algérienne : on tourne en rond dans un dialogue de sourds   

DECRYPTAGE

Crise algérienne : on tourne en rond dans un dialogue de sourds   

Il n’existe pas de positions tranchées audacieuses de pratiquement la majorité des initiatives. Et les leaders ont tendance à tenir le bâton par le milieu qui ne leur permettait pas d’avancer dans le sens de l’essentiel : le dialogue. Pourtant tout le monde pensent tout haut que c’est la seule voie mais dans sa mise en œuvre, pour l’heure on s’embrouille par les détails. 

Pourtant à chaque crise que traverse l’Algérie, on revient à cette formule sans pour autant changer quoique ce soit : le premier round en 1991 et le deuxième en 1994 qui a abouti à un changement de forme mais du système qui a réussi par des subterfuges de changer de visage seulement. L’instance voulue par le chef de l’Etat pour mener le pays vers une élection présidentielle est en voie d’essuyer un échec avant même de boucler sa première semaine. 

Des indiscrétions font état que Karim Younes qui était en contact direct  avec le président par intérim n’était pas très chaud sur le contenu de ces préalables mais un et un seul membre a influencé par son discours pour les enchaîner dans une spirale qui va les obliger à une autodissolution inévitable étant donné leurs engagements, notamment sur les dossiers judiciaires entre les mains des parquets des différentes régions du pays. 

Maintenant, doit-on parler d’une mauvaise appréciation de cet ancien politique, ministre puis président de l’Assemblée nationale qui décrit dans ses ouvrages les ramifications et le rouage à la perfection du « système » dont il est issu lui-même ? Comment avec la perspicacité et la clairvoyance politique que lui prêtent ceux qui le connaissent a-t-il pu croire que Bensalah pourrait respecter les engagements qu’il a donnés sur des questions que les vrais détenteurs du pouvoir considèrent comme une atteinte à l’unité nationale par un activisme régionaliste et séparatiste ? 

Comment Ahmed Gaïd Salah qui n’a pas pardonné une phrase de trop dans un journal  au général Benhadid le ferait pour notre ami Lakhdar Bouregâa qui est allé très loin en accusant l’armée d’avoir choisi déjà son propre candidat ? 

Pourtant l’équipe des 13 puis des 6 et enfin des 7 disposent de deux constitutionalistes de taille qui ont toujours soutenu qu’au-delà du 9 juillet, toutes les institutions nationales sont constitutionnelles y compris celle de l’armée sauf l’intérim de Bensalah qui n’est qu’une Fetwa sans fondement juridique du droit positif dont émane la constitution. Nous citons notre amie Fatiha Benabbou, membre de ce panel qui soutient que  la constitution n’est pas la «chariâa » pour qu’on se permette de la « fetwayer ».

1- Un dialogue sans le détendeur de pouvoir est forcément voué à l’échec

L’approche  de cette échéance présidentielle est dans son essence même douteuse ; elle suscite selon toute logique une certaine méfiance quelles que soient les garanties des uns et des autres. Elle se résume de la sorte : bavardez entre vous sans interlocuteur, proposez ce que vous vous voulez, nous le traduirons en procédures et lois mais en définitive, vous allez le mettre en œuvre dans les ramifications et le rouage du système lui-même. Contrairement au Hirak qui limite le système à la « Bouteflikie », et aux 3 »B », le pouvoir fait confiance à sa clientèle dans l’espace et dans le temps. Le docteur Abdelhafid Lahouel, ancien  conseiller du feu président Houari Boumediene, avait fait le 11 juillet 2008 des révélations fracassantes reprises récemment dans le site algérien (01). Il soutenait que la France a certes matériellement quitté l’Algérie en 1962, mais jusqu’en 1967 “la totalité des secrétaires généraux des communes étaient «des enfants de la SAS”. Je défie quiconque pouvant prouver le contraire. Plus tard, la majorité d’entre eux sont promus aux postes de chefs de daïra et de maires. 80 % promus aux postes de wali, députés… Ces secrétaires généraux auxiliaires étaient derrière les actes de torture que les Algériens ont subis durant la guerre de libération. La France les a désignés comme des tuteurs sur ses intérêts en Algérie». 

De ce témoignage les lecteurs peuvent imaginer en 57 ans ce qu’un ordre établi pourrait laisser derrière lui, même si on le décapite comme c’est le cas dans la plupart des pays africains en particulier l’Egypte et l’Algérie. Il était en panne de reproduction faute d’une tête mais ses clients n’ont jamais quitté leurs positions en dépit de cette vague d’emprisonnements qui pourrait se réduire à une simple opération de mains propres au demeurant périodique et nécessaire à sa régénération.                                     

2- L’armée ne facilite pas la tâche au panel par peur de la surenchère politique

C’est un leurre d’avoir cru que le pouvoir lâcherait du lest sur la « libération de tous les détenus politiques » comme condition avant « d’entamer ce dialogue » pour la simple raison que chaque concession faite en appelle une autre plus importante comme c’est le cas des gilets jaunes en France. L’armée en maintenant la rigidité de sa position vise deux objectifs celui de légitimer leurs motifs et en même temps protéger le pouvoir juridique, lequel pouvoir s’il revient sur sa décision confirmerait qu’il a été déclenché par un coup de fil. 

Cependant, l’armée est restée fidèle à sa ligne. Pour le vice-ministre de la Défense, pour ne rien lui reprocher, il gratifie le panel par « la voie du salut est celle du dialogue intègre », mais sans « diktats » certainement pour éviter une inflation des revendications par des surenchères politiques.  Pour le vieux général « il n’est plus question de perdre du temps», sous entendu par ces détails. Même l’idée d’alléger les mesures sécuritaires pour  surtout dans les contrôles routiers pour certainement viser plus de protestants lui paraît «suspecte et illogique» puisqu’elles sont selon lui, naturellement prises pour «l’intérêt du peuple et non le contraire».  Ahmed Gaïd Salah confirme ainsi la position de l’institution militaire qui n’a jamais dévié d’un iota. “Elle est constante en ce qui concerne l’attachement au cadre constitutionnel», seule alternative à «l’anarchie et l’inconnu”.

3- Conclusion

Du côté du mouvement de dissidence populaire, la société civile et l’alliance démocratique, une bipolarisation des positions se dessine mais chacun de son côté ; pour l’armée il n’est pas question de sortir de sa feuille de route d’aller dans les brefs délais à une présidentielle mais refuse le dialogue direct qu’elle confie au président par intérim et au gouvernement en leur réitérant son soutien sans faille. En même temps, elle réduit les marges de manœuvres de ces interlocuteurs qui ne peuvent prendre des décisions sans en référer à elle. C’est donc un dialogue qui a tendance à se caractériser par une surdité parfaite.                                                                                                                               
R.R. 

Renvoi 

01)http://ffs1963.unblog.fr/2008/07/11/graves-revelations-dun-ancien-conseiller-de-boumediene/

Auteur
Rabah Reghis

 




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