Dans une tribune publiée dans L’Humanité du 19 mars dernier, l’écrivain algérien Yasmina Khadra livre une analyse acerbe de la politique française vis-à-vis de l’Algérie, dénonçant ce qu’il considère comme une diversion orchestrée par le gouvernement français pour masquer ses propres échecs.
Selon Yasmina Khadra, Paris instrumentalise la relation avec Alger en désignant l’Algérie comme bouc émissaire, plutôt que de s’attaquer aux véritables problèmes qui préoccupent les Français.
Il fustige particulièrement les déclarations de certains responsables politiques, ceux notamment de l’extrême droite et l’emballement médiatique, qu’il perçoit comme des manœuvres politiciennes dénuées de bon sens.
Toutefois, si Yasmina Khadra critique avec virulence la posture du gouvernement français, son regard sur la situation en Algérie est bien plus mesuré. Il exprime seulement une vague critique, teintée de nuances et de retenue, comme en témoigne ce passage extrait de sa tribune :
« De son côté, l’Algérie se doit de garder son calme et de ne pas aller sur le terrain miné sur lequel veulent l’attirer des carriéristes insolés, galvanisés par des chaînes info en quête d’audimat aux dépens de la forme et du fond, et surtout de la déontologie.
Les Français en Algérie sont bien accueillis dans toutes nos villes et villages. Ils n’ont qu’à toquer à n’importe quelle porte pour se sentir chez eux. Nous sommes, nous Algériens, un peuple généreux, hospitalier et xénophile. Nous essayons de trouver une voie, dans la tourmente de tous les jours, qui nous sortirait la tête de l’eau. Nous n’avons nul besoin de surenchérir ou de nous compliquer une existence déjà copieusement malmenée. »
Loin de la virulence qu’il réserve aux autorités françaises, l’écrivain adopte ici un ton plus apaisé lorsqu’il évoque la situation socio-politique en Algérie, mettant en avant la résilience du peuple plutôt qu’une critique explicite du régime.
Pourtant, le contexte algérien est marqué par une gestion politico-judiciaire de la vie publique et des restrictions croissantes des libertés individuelles.
Mais sur ce point, Yasmina Khadra se garde bien de commenter. Aucun mot sur l’emprisonnement de Boualem Sansal, aucune condamnation non plus. Pas plus d’ailleurs sur les dizaines de détenus d’opinion et le climat répressif qui étrangle le pays. Circulez il n’y a rien à voir !
On aurait tant aimé que cette plume talentueuse s’élève contre l’arbitraire.
Hélas on voit bien que son analyse de la crise franco-algérienne semble asymétrique : dénonciation frontale des dérives françaises, mais silence sur l’instrumentalisation politique de cette crise par le pouvoir algérien, qui n’hésite pas à exacerber le sentiment patriotique pour consolider son assise par une gestion autoritaire de la société.
Ce positionnement interroge sur la portée réelle du discours et les limites de l’engagement critique de l’auteur de l’ancien officier de l’armée algérienne devenu romancier à succès.
Sofiane Ayache