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David Galula, l’éloge américain de l’Algérie coloniale

REGARD

David Galula, l’éloge américain de l’Algérie coloniale

Lorsque le Département d’Etat yankee fait l’éloge a une expérience algérienne sur sa lutte antiterroriste, ce n’est nullement pas pour nous chanter les exploits des forces sécuritaires combinées dans leurs luttes contre la terreur islamiste ou encore pour saluer une coopération avec une Police ou une sécurité d’Etat algérien avec leurs confrères américains.

Les éloges trouvent leurs sources dans une certaine histoire algérienne qui ne s’est révélée au grand public qu’en 2006, avec le lieutenant-colonel John A. Nagl qui reçut l’aval de sa hiérarchie afin de rédiger “Le manuel de la contre-insurrection”. Nagl est un ancien officier des opérations de bataillon en Irak et dans son « manuel » il fait grandement référence au modèle de cette guerre secrète appliquée au Viêt-Nam et en Irak sur la base d’une « expérience algérienne d’un officier français » de l’Algérie coloniale.

Il s’agit du lieutenant-colonel David Galula, né le 10/1/1919 dans une famille juive de Sfax (Tunisie) et mort le 11/5/1967 à Arpajon (France). Ayant vécu quelques années à Casablanca au Maroc, il intègre Saint-Cyr et prend part au débarquement Alliées du 8 novembre 1942 après une mission d’espionnage à Tanger, alors ville internationale ouverte. Il participe, en tant que Gaulliste, à la libération de la France et de l’Allemagne. Poursuivant sa carrière militaire, il se retrouvera en tant que volontaire à Nankin, capitale de la Chine nationaliste de Tchang-Kai-Tchek où il rencontre sa femme Ruth Morgan, une diplomate à l’Ambassade US.

C’est là qu’il étudia la guerre populaire du Parti communiste chinois et sa victoire finale. Après 1949, on le retrouve au sein de la Commission des Nations-Unis pour les Balkans pour « observer » la révolution yougoslave et la guérilla communiste grecque de l’ELAS, avant d’être envoyé comme attaché de la Sécurité de l’Armée française à Hong-Kong. Il avait pour mission de suivre de près la lutte des peuples du Viêt-Nam, des Philippines et plus spécialement la lutte des islamistes indépendantistes de Malaisie.

Une longue expérience dans l’observation et l’étude des opérations de la « contre-insurrection » (COIN, dans le jargon US Army), va lui être d’un grand apport lors de son engagement en Algérie face aux nationalistes du FLN-ALN.

En Algérie et durant deux ans, David Galula a commandé la 3e compagnie du 45e Bataillon d’infanterie colonial dans la région des Ath-Aissa Mimoun (Tizi-Ouzou), puis à Bordj-Menaiel. Enfin, commandant-adjoint du même bataillon à Tigzirt et à Dellys.

Les Américains ne s’intéressent qu’à l’Algérie coloniale

Mais pourquoi cet intérêt américain pour David Galula ? Le pragmatisme yankee à ceux qui décrivent leurs expériences militaires puisque les USA se considèrent en guerre permanente depuis sa guerre de Sécession. Les écrits d’officiers français entre 1954 et 1962, intéressent les stratèges militaristes et géopoliticiens US à plus d’un égard. Les écrits de la partie algérienne, nationaliste ou marxiste ne sont pour les yankees qu’un discours nationaliste sur-idéologisé et d’aucun intérêt « pratique » et ne forme qu’un amas de « règlements de comptes entre partisans », selon la vision anglo-saxonne.

A l’indépendance politique algérienne, les Américains se sont intéressés à ce saint-cyrien qui avait déjà participé au Maroc à l’élaboration des Sections Administratives Spéciales (SAS) contre le combat de l’Armée de libération marocaine. Une idée qu’il transportera en Algérie avec les Bigeard et Salan. Du 16 au 20 avril 1962, David Galula est invité à la RAND Corporation du Département d’Etat yankee pour une conférence sur la COIN et à laquelle assiste Stephan Hosmer, un membre influent de la RAND CO, qui l’invite à décrire son « expérience » dans un livre. En 1963 apparaît Pacification in Algeria ; 1956-1958 et une année apparaît son récit avec étude et réflexion, intitulée Théorie et pratique de la Contre-insurrection, un ouvrage de réflexion sur la lutte anti-révolutionnaire.

Aujourd’hui, les idées de Galula font l’objet d’un grand intérêt et d’enseignement dans les différentes écoles de guerre US et en « Israël ». Cette dernière l’enseigne au côté de Yaakov Amidor, le spécialiste de la lutte anti-Hamas. Le 22/10/2008, le commandant des Forces de l’OTAN à l’est de l’Afghanistan, le général Jeffrey Schloesser, dira que « le théoricien militaire français David Galula nous est bien utile », en évoquant la politique des regroupement des populations Pachtoun, afin de les couper de toutes influences des Talibans pakistanais.

Le général américain David Petraeus confirmait quant à lui « qu’ayant été érigé en lecture obligatoire au Command General Staff College, Contre-insurrection sera un jour considéré comme le plus grand des écrits militaires français du siècle dernier ». Le chef de guerre US en Irak, avait préfacé l’édition française de 2008 et il écrivait :

« On peut dire de l’ouvrage de Galula qu’il est à la fois le plus grand et le seul grand livre jamais écrit sur la guerre non conventionnelle… car il s’agit vraiment d’une pépite : tout comme De la guerre, de Clausewitz cet ouvrage est à la fois une réflexion philosophique sur la nature de la guerre et un précis de doctrine ».

Un général qui considère surtout que l’expérience de la guerre « non complétée par la réflexion intellectuelle n’est qu’une longue succession d’honneurs obscures ». Gagner les cœurs et les esprits, disait Galula qui collabora avec le tortionnaire Roger Trinquier et c’est l’essence de la guerre moderne selon lui. Une méthode de la contre-insurrection qui vise à traiter les populations avec gentillesse afin de les détachés des mouvements révolutionnaires. Il a obtenu des résultats dans sa guerre avec le FLN-ALN et sa vision a été amplement utilisée en Irak, par le général Petraeus.

Frapper préventivement une insurrection naissante est un stratagème évident dans une guerre révolutionnaire, « la force doit être évaluée à l’aune du soutien de la population, mesuré en termes d’organisation politique à la base » écrit-il. Le contre-insurgé acquiert une position de force lorsque son pouvoir est incarné par une organisation politique « émanant de la population et fermement soutenus par celle-ci », écrit encore cette matière grise du sinistre Service d’Action Psychologique et d’Information (SAPI).

Au sein de cet organisme du SDECE, David Galula initiera la création d’une radio française internationale ( ce qui deviendra par la suite RFI) émettant de France en arabe et en kabyle dans le but de contrecarrer Radio Voix des Arabes (Caire) et les puissants émetteurs de Radio-Moscou.

David Galula intègre la RAND CO., et devient même un conseiller de Kissinger, il sera vite rejoint par le général Paul Aussaresses qui s’occupera d’enseigner aux futurs commandos Delta à Fort-Bragg, Californie, l’art de la torture. Avant de décéder, Galula rejoindra l’OTAN en Grande-Bretagne pour y parfaire ses « enseignements » dans la lutte anti-IRA sur le sol britannique.

Mais au fait que cherchait le Pentagone en projetant, il y a quelque temps, le film algéro-italien La Bataille d’Alger ? Les tenants de la « guerre des couffins » de la Zone Autonome d’Alger ou encore de saisir la stratégie de la lutte antiguérilla urbaine du colonel Trinquier, qui sera invité en 1972 sur les plateaux de la télévision française en compagnie de Yacef Saadi ? Les yankees s’intéressent à tout ce qui entoure l’histoire de l’Algérie ancienne ou moderne, mais selon le télescope français et rien d’autres.

Auteur
M. K. Assouane

 




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