« La démocratie est le pire système de gouvernement, à l’exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l’histoire ». Winston Churchill
Ce qui est essentiel, pour tout mouvement démocratique, c’est l’éducation civique et politique, c’est l’information adressée à l’opinion publique sur les réalités que lui cache la propagande, c’est la diffusion d’une ligne politique générale qui pose clairement les problèmes et qui indique tout aussi clairement des solutions à la fois possibles et viables.
La tâche des démocrates, dans les circonstances actuelles en Algérie, et malgré les très grandes difficultés que l’on connait, c’est d’organiser les moyens de développer, dans tous les milieux et notamment dans la jeunesse, une intense activité d’éducation politique et d’information. Il importe énormément d’ouvrir aux jeunes Algériens des perspectives capables d’emporter l’adhésion de leur intelligence et de leur générosité.
Le vieillissement des organisations politiques est un fait bien connu : elles n’ont rien su proposer d’autre à la jeunesse que d’interminables discussions de doctrine abstraite ou de tactique électorale. Des femmes et des hommes se regroupent quand ils ont quelque chose à faire ensemble. Si nous n’avons rien à dire aux jeunes Algériens qui méritent leur enthousiasme, une partie d’entre eux tombera dans l’apolitisme anarchique, et l’autre partie se laissera séduire par la « mystique » des islamistes.
Si nous ne savons pas organiser la résistance des esprits et des cœurs contre la propagande officielle, contre l’information dirigée, contre l’action psychologique du militarisme, alors il faut désespérer d’un renouveau du mouvement démocratique généré par le hirak.
Pour que les jeunes Algériens deviennent des citoyens, il faut qu’ils le souhaitent. Il a fallu une gigantesque apathie après vingt ans de déceptions continuelles. Et le 22 février 2019, les jeunes ont bougé pour exiger le départ du vieux potentat et la fin d’une présidence à vie. Ils ont réclamé la démocratie parce qu’ils ont su que cette dernière comportait des principes, des buts, des exigences, une portée révolutionnaire et constructive.
C’est pourquoi il est essentiel de lutter contre vents et marées pour que soit restauré l’élément principal de la démocratie, cet élément, c’est la vérité, c’est l’information vérifiable. Aucune démocratie au monde n’est possible dans le mensonge. Depuis 1962, les hommes politiques ont pris l’habitude de parler un langage de convention, sentimental, prometteur, nationaliste et optimiste, vide de sens et sans aucun rapport avec la réalité. La presse a toujours été l’instrument des intérêts de la classe gouvernante.
La radio et la télévision passaient d’une plate indifférence, sans valeur de formation civique, à une propagande gouvernementale d’un parti-pris grossier. En ce domaine, tout l’édifice de la liberté est à construire, dans les institutions, dans les structures et dans les mœurs.
Ce qui me parait capital dans le fonctionnement d’une démocratie, c’est le respect scrupuleux de la parole donnée et des engagements pris, la liaison intime et profonde entre le peuple et ses élus (même si l’on sait qu’à l’heure actuelle, les élus actuels n’ont pas été élus), comme entre les élus du peuple et le gouvernement. Chacun devrait, dans les rouages qui lui seraient propres, appliquer avec scrupule, et même, jusqu’à l’excès de la méticulosité, les promesses qu’il a faites. Cette identité est le seul moyen d’intéresser le peuple au fonctionnement de l’État, et c’est là le signe et la condition de la démocratie. Comme le sont aussi l’éducation civique, démocratique, par l’école, le livre et la presse en général.
La démocratie, c’est à la fois le plein exercice des libertés fondamentales et la participation réelle du peuple au gouvernement, des femmes et des hommes et à l’administration des choses publiques. La démocratie, c’est le respect de la femme et de l’homme, concret, dans leurs vies de tous les jours. Il n’y a pas de démocratie là où des femmes et des hommes sont bafoués, sous quelque prétexte ou sous quelque forme que ce soit.
Kamel Bencheikh, écrivain.