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De la Mina 4 aux usines de « montage de roues » à l’hypothétique industrie automobile

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De la Mina 4 aux usines de « montage de roues » à l’hypothétique industrie automobile

La fameuse usine de Tahkout qui a fait couler beaucoup d’encre.

L’Algérie de l’après-1962 voulait probablement se lancer dans l’industrie automobile mais dans la précipitation, elle avait choisi le plus mauvais chemin : le « fake news » comme on dit maintenant. 

Entre 1960 et 1972, il y avait une usine de montage Renault à El Harrach. On y produisait les modèles R4, R8 et R16. Après sa nationalisation, vers 1966 (?), pour des besoins inconnus, la tôlerie de l’usine avait découpé la carrosserie d’une R4 pour en faire une espèce de camionnette (pick-up). Cela avait suffi pour la propagande du régime de titrer à la une d’El Moudjahid : « La Mina 4, voici la première voiture algérienne ! » 

(Merci aux archivistes d’El Moudjahid de rectifier éventuellement le titre, cité de mémoire).

Les mœurs de la propagande d’État et du mensonge permanent n’ont pas cessé. Au menu des fausses informations, des faux bilans économiques, quelques années plus tard une grande société nationale organisait la publicité pour ‘’une huile de moteur algérienne’’, ‘’Zit Miloud’’ (huile Miloud), alors qu’aucune goutte n’était produite en Algérie, mais importée d’Angleterre . Pour ceux qui se souviennent, le slogan fallacieux était : « Elle (l’huile) est née chez nous, on peut lui faire confiance ».

Par manque de confiance justement, les automobilistes algériens faisaient des vidanges de leur moteur tous les 500 km !  Un gâchis financier et une catastrophe environnementale.

La suite de la politique de l’industrie ‘’clés en main’’ et plus tard de ‘’produits en main’’ est connue. 

Par la gestion autoritaire du pouvoir, il n’y eut jamais de transfert de technologie, par la montée en compétence interne, capable de donner naissance à une industrie locale. Les échecs répétitifs (Sonacome, SNVI, …) ont englouti des milliards de dollars. 

L’épisode des 20 dernières années des ‘’usines de montage des roues’’, avec des constructeurs étrangers ‘’bienveillants’’, constitue une exemple parfait de qualification de l’État maffieux, par ses mécanismes juridiques de défiscalisation, pour pomper le trésor public et favoriser le blanchiment d’argent et le transfert clandestin vers l’étranger.

Aux USA de l’après-guerre, pour protéger la population des effets dévastateurs de l’alcool, l’État fédéral avait édicté la loi interdisant la fabrication, l’importation  et la vente d’alcool (1) . Aussitôt, la maffia, avec Al Capone notamment, s’y est engouffrée pour organiser la fabrication clandestine et le trafic. 

En Algérie, c’est l’État qui a édicté la loi et organisé le trafic en le répartissant autour de ses amis, en éjectant au passage les anciens concessionnaires qui ne jouaient pas le jeu ou tenus hors du clan. C’était du même niveau de perversion et d’immoralité que l’affaire de la banque Khalifa. La condamnation de l’ex-ministre de l’Industrie M. Bouchouareb par la justice ne règle pas le problème de la maffia au sein de l’État. Elle y est toujours, et sait s’adapter.

Faut-il une industrie automobile en Algérie ?

L’entêtement de l’équipe actuelle au pouvoir, qui s’auto-attribue le qualificatif de ‘’la nouvelle Algérie’’, de lancer l’industrie automobile ne peut être perçu que comme un nouvel artifice pour s’accaparer une part de la rente pétrolière, en plaçant leurs amis comme associés dans les prochaines entreprises mixtes.

Le cirque entretenu depuis plusieurs mois à propos d’un nouveau cahier des charges est révélateur du flou qui entoure cette initiative reportée mois après mois. Le même pouvoir, le même personnel politique à quelques exceptions près, ne peut que reproduire les mêmes perversions, ou pire, l’expérience aidant.

Au temps des grands groupes automobiles mondiaux, il est illusoire d’entrer dans la bataille sans base industrielle nationale. Pour tout produit manufacturé, dont l’automobile, ce qui définit l’opportunité de produire localement, c’est le volume du marché intérieur couplé avec les possibilités d’export dans le voisinage, et les règles commerciales régissant ces marchés. Les modalités d’association avec un constructeur de classe mondiale doit se faire selon les règles de l’OMC et non lui coller des partenaires véreux et incompétents qui organisent d’abord la surfacturation et les transferts illégaux de devises. 

L’étude technico-économique de tout projet se fait sur des bases sérieuses et des projections non-fantaisistes (reste à produire, marchés potentiels, législations, niveaux d’intégration locale, transferts partiels des bénéfices, …). 

Et pour l’Algérie, l’inexistence de fournisseurs capables d’alimenter toute usine proche, suppose l’installation d’un parc fournisseurs étrangers à côté de l’usine. Or les fournisseurs ne travaillent presque jamais avec un seul client, insuffisant pour pouvoir assurer tout retour sur investissement. Et c’est dans ces conditions restreintes que l’on revient aux formules spécifiques aux faibles volumes (CKD, SKD, …), par l’envoi de pièces et de véhicules démontés depuis les centres de production étrangers.  

Une solution qui ne présente aucun intérêt pour le pays. Elle ne permet en aucun cas un transfert de technologie et de compétence capable d’impulser une production nationale (design/étude technique/fabrication) et l’entrée à terme dans la concurrence mondiale, comme l’ont fait si bien les Coréens du Sud.

Pourtant les conditions nécessaires pour l’installation de vraies usines de production, avec des constructeurs mondiaux (des usines à pas moins de 300 000 véh./an), sont possibles avec l’intégration d’abord du marché nord-africain (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye), avec un parc actuel de 16 millions de véhicules et une importante marge de progression, et une organisation logistique et commerciale pour exporter vers l’Afrique sub-saharienne, l’Est-africain, le Moyen-Orient… en attendant la future ligne de chemin de fer Alger – Le Cap, en Afrique du Sud.

Le bon sens voudrait que l’on commence par le commencement :

  • Laisser travailler les concessionnaires professionnels et les constructeurs déjà installés dans le pays commercialiser des véhicules de qualités aux normes, et activant dans la transparence suivant les standards comptables internationaux,

  • Sortir de la politique des guérites avec nos voisins marocains, voulue par le nationalisme arabe de Boumediène et entretenue aujourd’hui par les généraux, et permettre l’entrée dans le pays des véhicules Renault-Maroc qui sont fabriqués par nos voisins Rifains à Tanger.

  • Prohiber l’importation de véhicules usagés de moins de 3 ans mais réellement vieux de 15 ans, après leur reconditionnement par les réseaux de ferrailleurs maffieux et les importateurs véreux, chevillés avec le pouvoir politico-militaire.  

L’impulsion d’une industrie automobile rentable et créatrice d’emplois se fera certainement, mais dans la nouvelle Algérie, la vraie !

 A. U.L.

Notes.

1) Prohibition aux USA : édictée par le 18e amendement de la Constitution américaine, la prohibition aux États-Unis signe l’interdiction de fabriquer, transporter, importer, exporter et vendre de l’alcool. Mise en place le 29 janvier 1919.

2) Parc automobile d’Afrique du Nord en 2018 :   Algérie 7M, Maroc 4,5M, Tunisie 2,5M, Libye 2M. Total approximatif : 16 millions.

(*) Aumer U Lamara (Aomer Oulamara), écrivain et physicien, ingénieur, ancien responsable du programme de recherche process du Groupe PSA Peugeot-Citroën, Paris – Vélizy.

 

Auteur
Aumer U Lamara (*)

 




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