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De la vérité et de la perversion de la vérité !

Image par Ahmed El Ballal de Pixabay

« L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit. » Aristote

 Dans les décombres d’une humanité qui perd ses repères la Vérité, ou la recherche de la vérité s’enfonce dans les méandres de la désillusion comme tout ce qui domine aujourd’hui la pensée humaine.

Nous percevons de multiples facettes de la vérité, celles qui sont imposées par des structures de pouvoir, les dogmes religieux ou idéologiques, celles qui sont perverties par des intérêts politiques et médiatiques. Elle semble n’être plus que la voie tracée par le dominant.

On entend de plus en plus des individus et des groupes se réclamer de la vérité, voire d’une vérité absolue quant à leurs actions et à leurs paroles et discours. Elle coule de leur bouche ou de leur plume comme un torrent de boue, entrainant sur son passage des dommages éthiques, des pensées aliénantes, des rancœurs, des dérives dangereuses au point qu’il est devenu difficile de porter un jugement et poser dessus un regard objectif sur la connaissance exposée tant le doute est immense, tant le vrai se noie dans les méandres du mensonge.

Ainsi, dans le cadre actuel des tragédies dans le monde :(ukrainienne, moyen orientale, Kurde, nord-africaine et celle du peuple kabyle), dans les recompositions géopolitiques ou dans les débats électoraux, la difficulté de démêler le grain de l’ivraie est telle qu’elle paralyse la réflexion.

Dans certains régimes politiques, comme celui d’Alger et de la plupart des pays africains, la confusion est telle que le mensonge est devenu une norme de gouvernance, de gestion de la vie politique et économique, d’idéologisation de la culture et des savoirs.

Ces dérives nous viennent de tous les côtés: de la religion, du dogme, de la culture, du fait politique et bureaucratique, de la manipulation de l’information, parfois même de la théorie scientifique. Elle est également le fruit de l’étroitesse d’esprit, de la méconnaissance, de l’absence de conscience,        

Certaines doctrines religieuses décrètent et imposent leur vision de la cosmogonie comme « vérité absolue ». Tout écart est condamné. En Islam, par exemple, on est lié à cette vérité par la naissance. La libre pensée est hérétique. Certains pouvoir à l’instar de celui d’Alger vident la religion de sa spiritualité et en font un outil de politique ethnocidaire et même génocidaire.

Au niveau du pouvoir politique et bureaucratique, la « vérité universelle » se diffuse par une loi, une ordonnance, un arrêté, un décret, des hauts lieux du pouvoir. Une atteinte à la liberté citoyenne.

Des dogmes et des idéologies mortifères criminalisent la recherche de la vérité, toute relecture de ce qui est dit et écrit à l’instar de l’islamisme. Dans cette bulle, l’histoire exprime le nihilisme, la souffrance des peuples, l’ethnocide et même le génocide.

Les exemples tragiques sont fort nombreux dans l’histoire du monde à travers le nazisme, le goulag, la question kurde, la question amaziɣ et principalement la question kabyle aujourd’hui pour ne citer que celles-là.

Il y a même, à un degré moindre, des scientifiques qui oublient que leurs théories sont des hypothèses que d’autres peuvent remettre en cause ou dépasser.

L’étroitesse d’esprit, par laquelle certains, parfois la multitude, ne croient qu’à leur propre vérité dans sa version narcissique, rejettent celle des autres ou cherchent à l’imposer aux autres. Des malheurs peuvent s’abattre sur ces autres : nihilisme, crime, emprisonnement, etc…

Albert Camus a écrit : « Nous vivons dans le monde de l’abstraction, celui des bureaux et des machines, des idées absolues et du messianisme sans nuances. Nous étouffons parmi les gens qui croient avoir absolument raison ».

Le point de vue philosophique indique que le vrai s’oppose à l’erreur et à l’illusion. Il y a vérité lorsqu’il y a adéquation entre la réalité et l’homme qui la pense. « La vérité perçue par les grands penseurs conduit à l’éthique nécessaire à l’entente entre les hommes. Elle est autant plus utile à la vie que le mensonge lui est funeste et dangereux ».

Dans la pensée philosophique grecque, la notion du Vrai comme celle du Bon et du Beau est pensée par rapport à l’ordre cosmique hiérarchisé, harmonieux, extérieur et supérieur à l’Humanité. Cependant, des philosophes comme Leibniz, David Hume, Emmanuel Kant, Nietzsche et d’autres qui ont suivi ont replacé l’homme au centre de la connaissance et basé la construction de la Vérité sur la raison.

Pour Nietzsche, par exemple, qui a une grande influence sur la pensée contemporaine, « l’interprétation est infinie, il n’y a pas de faits, il n’y a que des interprétations, car on peut toujours interpréter les interprétations. La vérité se pose par réfutation des modèles antérieurs… ».

Dans le monde « moderne » la vérité est instrumentalisée. Des régimes autoritaires aux discours idéologiques, en passant par les manipulations médiatiques, il est facile de se perdre dans les méandres d’une vérité biaisée, notamment dans les contextes politiques, où elle sert d’outil de contrôle, pour imposer une vision dominante et réprimer les voix dissidentes.

Ainsi, poser la question de savoir ce qu’est la Vérité, c’est interroger sa construction. A partir de quoi est-elle pensée ? Existe-il une vérité ultime? Dans les débats d’aujourd’hui, le jugement spéculatif reposant sur la perception, le choc de l’image et le poids des mots trouble l’approche de la vérité en tant que connaissance exacte du réel alors que doit s’imposer une plus grande lucidité et une éthique du savoir, pour que la vérité puisse enfin remplir son authentique fonction : celle d’éclairer et de libérer l’Humanité.

Noami Chomsky, dans un livre qu’il a quo-écrit : « La fabrique du consentement », a élaboré une liste des « dix stratégies de manipulation » à travers les médias :

– La stratégie de la distraction – Créer des problèmes, puis offrir des solutions – La stratégie de la dégradation – La stratégie du différé –   S’adresser au public comme à des enfants en bas-âge – Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion – Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise –  Encourager le public à se complaire dans la médiocrité –  Remplacer la révolte par la culpabilité – Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes.

 Si on se projetait dans le contexte algérien, on trouverait principalement :

–  La stratégie de la distraction par la folklorisation des symboles de l’ancestralité.

–  Le maintien des populations dans l’ignorance par l’opacité de sa gouvernance, par l’idéologisation accrue de la culture et de la connaissance. L’école algérienne restera un exemple dans la mise à mort de l’esprit critique et dans l’atteinte à la psyché des enfants du pays.

– L’infantilisation du citoyen qui devient un simple sujet. Les gouvernants voient le monde à leur image et ne communiquent que sur la base émotionnelle et du mensonge.

Ainsi en est-il de la détermination du pouvoir étatique d’ancrer, à tout prix, un nationalisme rétrograde fondé sur une histoire falsifiée et une identité importée. L’identité algérienne telle qu’elle est officiellement revendiquée est le résultat d’une construction idéologique, reposant sur une identité, une langue et une culture usurpée, importées qui la fixent dans une fragilité historique et identitaire.

La manipulation émotionnelle et la manipulation psychologique par l’intrusion dans l’espace psychique du citoyen est omniprésente pour façonner les esprits avec des formes de conditionnement et de soumission qui nuisent à la perception de soi, à son Être réel.

On assiste à la dévalorisation et à la négation de l’ancêtre, de l’histoire et de la mémoire ancestrales, à la dévalorisation de l’univers culturel de l’autre par l’imposition de valeurs idéologiques étrangères en passant par l’ethnocide et la tentative de génocide. En somme, en passant de l’assassinat de l’ancêtre au meurtre de l’enfant.

Ce pouvoir présente une facette du pervers narcissique qui perçoit toute forme de contradiction comme une remise en question de son autorité et de son image.  Il utilise souvent la culpabilisation, la victimisation, au besoin, s’invente des ennemis : intérieur à l’instar du peuple kabyle et extérieurs, des pays qui s’opposent à son influence, de plus en plus nombreux (Maroc, Israël, France, Mali, les monarchies arabes du moyen orient), faisant fi ou ignorant la notion de géopolitique, celle des relations internationales et des intérêts étatiques.

La diplomatie algérienne fait montre d’une méconnaissance manifeste des nouveaux enjeux mondiaux et d’une incapacité à se faire entendre à l’étranger. Les hauts lieux du pouvoir semblent frappés d’un autisme et donnent l’impression, tout en cherchant à imposer une vision du monde, de toujours attendre une validation constante de leurs actions, de leur apparence et de leurs opinions.      

Aussi, je voudrais terminer par cette approche majestueuse de la Vérité par Henri Robert Rivers : « La vérité n’a pas de nom. La vérité n’appartient pas à une religion, une culture, une société, une théorie, une idée, une loi, un écrit, un dogme, un individu…Elle est universelle.

La vérité ne porte pas de croix, de soutane, de voile, de croissant de lune, d’étoile, de kippa, de costume, de symbole…Elle est simplicité.

La vérité n’a pas besoin de prières, de livres, d’anges, de maîtres, de démons, de lieux de culte, de pratiques, de fidèles, de conversions, de prêches, de baptêmes, de fêtes, de sacrifices, de miracles…Elle se suffit à elle-même.

La vérité n’opprime pas, elle délivre.

La vérité, ne convertit pas, elle tolère.

La vérité n’oblige pas, elle affranchit.

La vérité ne tue pas, elle est la vie.

La vérité n’exclue pas, elle accueille.

La vérité n’enferme pas, elle libère.

La vérité ne nie pas, elle accepte.

La vérité ne combat pas, elle est la paix.

La vérité ne divise pas, elle unifie.

La vérité ne juge pas, elle comprend.

La vérité ne terrorise pas, elle rassure.

La vérité n’a pas d’agitation, elle est sérénité.

La vérité n’a pas d’appartenance, elle est universelle.

La vérité n’a pas de haine, elle est amour.

La vérité n’est pas ailleurs, elle est en vous ».

Raveh  Kettouche

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