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De l’alternatif au majoritaire

Réseaux sociaux

La jeune étudiante m’interpelle avec les égards qu’elle doit à l’enseignant. Monsieur, vous êtes sûr de votre information ? Dans ce cas, rare mais tout à fait acceptable et positif, je me dis qu’il y a peut-être une erreur dans ma préparation du cours.

C’est regrettable mais rien d’extraordinaire lorsqu’il ne s’agit que d’un exemple parmi des dizaines d’autres. Juste une illustration en complément des autres éléments fondamentaux que la compétence du prof ne peut ignorer.

Puis je demande la source qui a valu une contradiction opposée au professeur. J’ai été surpris par la réponse de la jeune fille qui m’avait dit, j’ai écouté la vidéo d’un influenceur politique sur un réseau social (ma mémoire ne me permet plus de citer son nom). Elle rajoute, vous savez, monsieur, il est suivi par un nombre impressionnant d’abonnés sur son compte, tout le monde sait qu’il dit la vérité.

Je savais combien la dérive de ce qu’on appelle des influenceurs a fait des dégâts auprès des jeunes mais je venais de découvrir l’émergence d’une nouvelle race d’influenceurs.  Ce n’était plus la publicité sur un produit ou sur une exaltation d’une quelconque élucubration.

Un influenceur politique, qu’est-ce que c’est que cela ? Ma vérification ultérieure m’a fait comprendre qu’ils existaient bien, c’était juste quelques années qui précèdent l’écriture de cette chronique.

Je savais que les influenceurs traditionnels et autres informations délibérément fausses étaient déjà pléthoriques pour provoquer des opinions orientées, jusqu’à fausser le résultat des élections dans un pays donné. Il n’est un secret pour personne que bien des organisations ou pays étrangers sont à l’origine de la divulgation de fausses informations aux fins d’une déstabilisation. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui  une guerre hybride, c’est à dire celle qui utilise une arme non conventionnelle.

Mais je ne m’étais jamais imaginé qu’une source informative fausse et dangereuse n’était pas seulement un acte de belligérance mais diffusée délibérément par des personnes relativement isolées ? Ce sont  mes amis préférés, les stars de mes accusations, les acteurs permanents de mes chroniques, c’est à dire les adeptes de la théorie du complot.

Il y a encore quelques années les principales sources d’information étaient les médias traditionnels, la presse écrite et audiovisuelle. Une origine ancestrale pour ce qui est de la première. L’explosion d’Internet a été une révolution pour la fabrication et la diffusion de l’information. Dans ses débuts on appelait cela des médias alternatifs. Il faut hélas constater que les termes se sont inversés et que les alternatifs sont devenus la proportion majeure des sources d’information.

Leur survie dépendant de leur réactivité à proposer l’alternative numérique, certains le feront par lecture numérique payante, d’autres le feront par disposition gratuite d’un PDF. Mais les deux façons sont de nos jours indispensables, le numérique et le papier.

Jusque-là nous avions constaté la très grande rapidité de l’inversion des proportions. L’exemple de cette jeune étudiante confirmait la progression des sources alternatives d’information. Il est maintenant définitivement acquis que les jeunes s’informent majoritairement dans les réseaux sociaux, les sites de partage de vidéos et auprès des influenceurs et influenceuses. L’augmentation de l’âge du public concerné progresse également à une vitesse inquiétante.

L’ensemble des instituts de sondage des pays à développement équivalent ont publié ces dernier mois des statistiques qui prouvent le basculement avec des scores vertigineux au-delà des 50 %.

La tranche d’âge concernée et la répartition des chiffres dans les différentes sources numériques ne nous donne pas les mêmes résultats, raison pour laquelle je ne présente aucun chiffrage. Ils sont néanmoins tous en parfaire ligne de constat, la bascule est grande.

C’est une catastrophique pour la vérité de l’information. Et même si des écarts d’opinion et de solidité des sources n’est pas toujours au rendez-vous, l’information de la presse écrite et audiovisuelle traditionnelles restent encore le rempart de l’information vérifiée et recoupée.

Mais surtout elle est une garantie, quelles soient ses imperfections, de donner du temps et un espace à l’analyse critique. Si elle est, elle-aussi, contingentée par la vitesse naturelle des événements qui chassent les uns pour d’autres, elle a le format et le temps de l’analyse.

Et puis, il y a un autre point désespérant. Tous les pays à développement équivalent sont tenus par une législation dont le principal verrou, l’indispensable garde-fou, est la responsabilité pénale du directeur de la publication ainsi que civile pour l’entité juridique. Ce n’est que chimère pour les réseaux sociaux qui ont toujours été sermonnés sans qu’ils interviennent sérieusement. Le cas  du réseau X est scandaleusement l’exemple le plus notoire.

Où sont ces régulateurs dans la jungle des fausses informations divulguées sur Internet ? Quelles sont les possibilités de les poursuivre ? Dans le pays même c’est déjà parfois difficile mais combien d’autres sont indécelables à travers le monde, sans possibilité de remonter les pistes jusqu’à la source. Cela est de plus en plus possible mais, et alors ? Allez les poursuivre juridiquement à l’international !

Que faut-il faire pour renverser la tendance de cette catastrophe mondiale car la presse indépendante et régulée est l’un des piliers de la démocratie ?

Eh bien, comme toujours, ne pas lâcher la barre de l’éducation scolaire. Essayer de maintenir le cap sans en dévier d’un pouce. Ne jamais arrêter de ramer lorsque les tempêtes font tanguer le bateau. Et lorsque nous perdons une masse de jeunes dans cette catastrophe, nous devons garder les racines d’une végétation qui garantissent une reforestation. L’humanité en a connu d’autres, des bien plus inquiétantes, elle est toujours sur son chemin de développement des consciences libres.

Bon, vous avez compris, si j’en attrape un seul qui arrête de lire mes chroniques écrites dans un média traditionnel, je l’assomme avec la rame du professeur. Il sait s’en servir, il en est l’un de ses constructeurs par son métier car il rame toute sa vie professionnelle pour mener à bon port le ou la futur(e) citoyen(e) éclairé(e).

Enfin, sauf ceux qui ont choisi la vie des ténèbres et des abysses. Je n’en n’étais pas, l’humain ne sait pas avancer sans la lumière de la vie.

Boumediene Sid Lakhdar

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