Mardi 17 août 2021
De nouveau, l’Afghanistan sous l’emprise de l’Islam radical
Et si le président Biden avait eu raison d’ordonner le départ définitif de ses troupes de ce pays d’Asie centrale ?
C’est par cette supposition que je me permets d’écrire ces quelques lignes sur un pays qui était dans ma jeunesse une contrée exotique lointaine. Je me rappelle assez bien des récits d’aventure des quelques globe-trotters qui visitaient une des régions les plus traditionnelles du monde connue pour la culture de l’opium.
Au temps du roi Mohamed Zaher Shah (1933-1973) qui a pourtant reçu dès sa prime jeunesse une éducation occidentale à la française ne pouvait hélas ! que se rendre à l’évidence que la majorité de la population afghane était très attachée à des valeurs traditionnelles d’un tribalisme viscéralement entaché d’un nationalisme notoirement connu que les Anglais n’ont pu défaire.
De vrai, cette société toute paysanne qu’elle était a toujours occasionné une hostilité envers le pouvoir central de l’Etat. Quoiqu’il en soit la dominante ethnique ne laissait apparaître que la pluralité linguistique des groupes qui constituaient le puzzle d’une nation à dominante pachtoune. Et de toujours, les chefs de guerre dictaient leur loi et ce qui explique en partie la déroute d’un Etat artificiellement entretenu par les pays occidentaux et qui de surcroît servait les intérêts d’une élite corrompue et au plus offrant des serviteurs : seigneurs de guerre, chefs de tribu, etc. Et ce n’est qu’au moment de l’invasion soviétique que les médias occidentaux titraient la une de leur quotidien sur l’occupation du pays par une armée étrangère.
La guerre froide réanima la lutte d’influence entre les Occidentaux et les Soviétiques jusqu’au jour où ces derniers ont été défaits par les combattants afghans. Une des conséquences de cette victoire a été l’assassinat de Mohamed Najibullah alors chef de l’Etat entre1987 et 1992 par les Talibans qui ont pénétré en toute impunité l’enceinte de la représentation des Nations unies qui lui servait de refuge.
Indépendamment de cet acte ignoble, plus d’un épris de justice et de la liberté des peuples n’aurait pas soutenu la lutte du peuple afghan contre la domination étrangère. Hélas ! il s’en est suivi une métamorphose idéologique d’une partie des combattants afghans qui ont totalement versé dans l’idéologie du ressentiment envers les Occidentaux et laisser place à un Islam radical dominé en ce moment-là par le réseau d’Al Qaida émanation à coups de millions de dollars du wahabisme saoudien.
Le soutien indéfectible des Occidentaux durant la subversion antisoviétique à ce mouvement conservateur allait produire l’effet boumerang d’un retournement de situation après l’attaque des deux tours jumelles. C’est ainsi que s’ouvrait une nouvelle ère de la lutte contre le terrorisme islamiste. Cette dernière s’est accompagnée d’une désastreuse politique d’exportation du modèle politique occidental comme si les divers peuples de la terre sont tous perméables au phénomène de l’acculturation. Pour preuve, nous avons que des cas limités avec bien entendu des spécificités locales (le Japon) où l’occidentalisation de la société et de l’Etat a réussi à amalgamer la tradition séculaire et la modernité.
Toutes les autres expériences (Egypte, Tunisie, etc.) ont échoué. Les cas de la modernisation de la Russie et de la Chine et de tous les Etats nationaux issus de la décolonisation s’inscrivent dans d’autres perspectives historiques qui n’ont pas forcément abouti au même résultat tant la différence est grande entre l’élite qui tient le pouvoir et la masse. En retour de la collaboration de l’élite locale avec la puissance d’occupation, forcément l’aile la plus radicale de l’opposition aux occupants étrangers, s’ingénie en sauveur.
De cet état de fait, les Talibans ont su profiter durant les vingt années de présence américaine, de la faiblesse des plus régaliennes des institutions de l’Etat (Armée, police, douane, etc.) d’ailleurs financées et contrôlées par les Américains, soit en les infiltrant ou soit en constituant des cellules de harcèlement dans les centres urbains. Cette pratique « révolutionnaire » que les analystes comparent à celle de Mao a quelque chose de singulier par rapport à la première prise du pouvoir par le même groupe politico-religieux qui tente tant bien que mal de rassurer ses interlocuteurs étrangers par rapport à l’application de Chari’a et des interdits qui en découlent
Dès lors que les principaux partis politiques afghans sont d’obédience religieuse ou ethnique, il semble que dans cette partie de l’Asie centrale la population afghane s’en accommoderait d’un système politique islamique à la pakistanaise sans le poids d’une puissante armée qui détient dans ce pays un instrument de coercition redoutable qui est la bombe nucléaire.
Du coup, la faillite de l’exportation de la démocratie et de l’idéologie occidentale laisse place à l’amertume d’une partie de la population afghane qui a cru à la libéralisation des pratiques sociales et politiques. Par défaut, les médias internationaux rendent compte de la crainte d’une catégorie non négligeable de la population dont les femmes de la mise en place par les Talibans comme par le passé d’une politique d’intolérance envers tous ceux qui ne pensent pas comme eux.
A juste raison, nous savons que l’application rigoureuse de la Chari’a occasionnerait des exactions voire des châtiments envers tous ceux qui n’obéissent pas aux injonctions des mollahs. Entre autres, nous pensons à toutes ces personnes qui pour diverses raisons ont besoin d’un espace de liberté que n’offre malheureusement pas la loi religieuse. Ce point noir de l’islam politique est incontestablement le cadre des conflits des « faculté de la raison » entre la religion et la libre pensée. Comme tous les projets de l’islam politique ont échoué lamentablement, il ne reste malheureusement pour le moment au peuple afghan que le choix d’opter pour le moindre mal d’une composition pluri-partisane d’un Etat émiral dont les contours sont pour le moment flous.
Nous verrons en ce moment-là si le « Madjlès el Choura « tant vanté par les Islamistes serait le lieu par excellence du débat politique où l’opposition pourrait censurer la politique gouvernementale.