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De quoi le capitalisme est-il le nom ?

TRIBUNE

De quoi le capitalisme est-il le nom ?

Certes internet, notamment le moteur de recherche Google et la plateforme Wikipédia, est devenu un outil indispensable et incontournable pour obtenir séance tenante des informations (ressources, contenus, documents) sur un thème précis à partir d’une requête composée de termes idoines.

Mais commuer, par commodité, cet espace numérique miraculeux en unique source d’acquisition des connaissances, l’assurance de se croire « érudit » risque immanquablement de se révéler n’être qu’un mirage, par la confrontation au vrai savoir scientifique acquis, lui, au prix d’un laborieux travail intellectuel matérialisé par des recherches documentaires approfondies, opérées longuement sur des ouvrages méthodiquement compulsés.

Nul doute, si autrefois pour la rédaction d’une étude ou d’une thèse il fallait écumer plusieurs bibliothèques pour absorber des dizaines d’ouvrages, aujourd’hui en quelques clics sur le clavier on accède à des milliers de liens susceptibles de procurer une quantité extraordinaire d’informations sommaires, de documentations lacunaires relatives à l’objet de recherche.

À cet égard, selon certaines études, les étudiants usent et abusent de ce procédé dans la rédaction de leurs dissertations, mémoire. En effet, nombreux sont les travaux d’études universitaires truffés de paragraphes, voire de pages entières, puisés directement sur internet et greffés ensuite sur leur mémoire au moyen du copier/coller (avec quelques modifications personnelles dans le style pour ne pas éveiller la suspicion des professeurs). De même, les journalistes, par paresse intellectuelle (qui rime avec presse virtuelle, prouesse idéelle, tant la profession est aujourd’hui dénuée d’esprit d’investigation, de « force d’âme » journalistique enquêteuse), n’hésitent pas à recourir à ce stratagème pour la rédaction de leurs « laborieux et denses » articles préfabriqués, standardisés selon les normes dominantes de leurs commanditaires.

Alors que dirions-nous des textes de nombreux contributeurs ?

À lire certains contributeurs, l’usage récurrent de cet artifice apparaît nettement « sous leur clavier », cet instrument de pianotage cursif qui a détrôné la légendaire royale Plume d’écriture, le populaire stylo bille. D’où cette accumulation d’incohérences et de confusions dans l’enchaînement de leurs textes, imputable à l’absence d’élaboration intellectuelle et rédactionnelle personnelle. La rigueur et surtout l’honnêteté intellectuelle exigent une posture éthique et authentique du rédacteur. Le décalquage et le pillage doivent être proscrits. L’objectivité et la sincérité, prescrites. Cela éviterait ainsi d’écrire des inepties sur des thématiques immaîtrisées. Il ne suffit pas de parsemer son texte de phrases florissantes et fluorescentes, encore faudrait-il que le texte soit empli d’une sève exhalant le savoir puisé des profondeurs du jardin des Connaissances.

« Le capitalisme n’est pas un rapport social, un rapport de production opposant ceux qui organisent le travail à ceux dont le travail est organisé. Le terme désigne la propriété privée des moyens de production… », a écrit un auteur algérien, dans ses contributions académiques sirupeuses, néanmoins rédigées avec une telle maîtrise de la langue de Molière qu’elles enchantent l’esprit par leurs prouesses stylistiques, mais concomitamment frustrent l’avidité intellectuelle par leur aridité scientifique.

Parmi les nombreuses allégations énoncées par cet auteur, j’ai préféré me cantonner à citer uniquement cet extrait régulièrement asséné comme argument-massue. Voilà un exemple d’assertion qui ne repose sur aucun fondement scientifique, encore moins marxiste. C’est même une déformation de la définition du capitalisme.

Par restriction rédactionnelle induite par le cadre du journal, je ne vous livre pas une étude exhaustive de plusieurs pages, mais un résumé puisé dans mes fichiers. Bien évidemment, le texte est tiré d’un livre traitant de l’économie. Il permet de comprendre ce qu’est le capitalisme selon Marx.

Définition du capitalisme :

« La richesse des sociétés dans lesquelles règne le mode de production capitaliste s’annonce comme une immense accumulation de marchandises. », Karl Marx, Le Capital, Livre I »

« Le capital n’est pas une chose, c’est un système social de production bien déterminé, appartenant à un type historique particulier de la société, système qui se manifeste dans un objet auquel il imprime un caractère social spécifique. », Karl Marx, Le Capital, Livre III

Définition, fonctionnement et contradictions du Capital

Le Capital est un rapport social, plus précisément un rapport d’exploitation de la bourgeoisie sur le prolétariat, les deux principales classes qui composent la société moderne. Ces personnifications du Capital et du Travail salarié sont les produits des rapports sociaux de production.

Au centre des rapports sociaux de production se trouve la marchandise, laquelle possède une valeur d’usage et une valeur d’échange. La valeur d’usage correspond à l’utilité et à la satisfaction d’un besoin. La valeur d’échange est mesurée par le travail humain nécessaire à la production. Le coût de la force de travail est le dénominateur commun des échanges marchands.

La « survaleur » créée par le travailleur, non rémunérée par le capitaliste, est désignée sous le nom de plus-value. Elle correspond à la différence entre la valeur d’échange des marchandises produites par la force de travail et la valeur d’échange de la force du travail. La force du travail correspond à la rémunération du travailleur, autrement dit au salaire. La plus-value créée est accaparée par le capitaliste. C’est pourquoi on parle d’exploitation.

Dans le livre III du Capital, Karl Marx distingue en premier lieu deux traits caractéristiques fondamentaux pour décrire le capital :

1) il produit des marchandises. Ce qui le distingue des autres modes de production antérieurs. Le caractère dominant et décisif de cette production est d’être une production de marchandises (les anciennes formations sociales et économiques reposaient sur une production de subsistance). Cela implique en premier lieu que l’ouvrier lui-même apparaît uniquement comme vendeur de marchandises, et partant comme ouvrier salarié libre, donc que le travail apparaît essentiellement en tant que travail salarié.

2) la production de la plus-value est son but direct et son mobile déterminant. Le capital produit essentiellement du capital, mais il ne le fait que dans la mesure où il produit de la plus-value. La production en vue de la valeur et de la plus-value implique la tendance toujours manifeste à réduire en toutes circonstances au-dessous de la moyenne sociale le temps de travail nécessaire à la production d’une marchandise, autrement dit sa valeur.

La tendance à réduire le coût de production à son minimum devient le principal levier de l’accroissement de la productivité sociale du travail. Mais cet accroissement se manifeste ici uniquement comme hausse constante de la productivité du capital.

Lexique de concepts marxiens définissant le mode de production capitaliste :

Le capital constant est la part du capital investie dans les moyens de production et les matières premières nécessaires à la production.

Le capital variable (ou salaire) est la part du capital investie dans la force de travail. La seule marchandise qui créé de la plus-value est la force de travail.

Les outils et moyens de travail forment le capital fixe, ils ne transmettent qu’une part de leurs valeurs aux marchandises finales en fonction de la durée moyenne de leurs usures. Ces objets ne quittent jamais la sphère de production. Les matières premières, la consommation d’énergie nécessaire à la production forment le capital circulant, leurs valeurs est intégralement transférés aux marchandises mises en vente.

La composition organique du capital est le rapport entre le capital constant et le capital variable investi dans le circuit du capital (C/V).

La valeur est le rapport renversé de la force de travail à elle-même. Est source de valeur ce qui contribue à la reproduction de la force de travail. En tant que processus de valorisation, la valeur dans son ensemble est déterminée quantitativement par le temps de reproduction nécessaire à l’échelle de l’ensemble des forces productives, et qualitativement par sa contribution à la reproduction élargie des forces productives.

La reproduction est le renouvellement constant du processus de production. La reproduction simple est le renouvellement de la production sous un volume constant. La reproduction élargie signifie que la production se renouvelle dans un volume accru. C’est par l’exploitation du prolétariat que le capital grandit et, en même temps, les rapports de production capitalistes se reproduisent sur une base élargie.

L’accumulation du capital est la source de la reproduction élargie. L’accumulation est l’addition au capital d’une partie de la plus-value sous forme d’investissements visant à l’accroissement de la production : achat de moyens de production et embauche de main-d’œuvre supplémentaires (augmentation des forces productives). L’accumulation capitaliste aboutit à une élévation de la composition organique du capital. Corrélativement, cette élévation entraîne une baisse tendancielle du taux de profit, facteur de crises économiques répétitives et de luttes sociales organisées par les travailleurs pour empêcher leur licenciement et la baisse de leurs salaires.

Pour compenser cette baisse du profit, les capitalistes tendent à remplacer encore davantage les travailleurs par des machines et par la contraction des salaires. Or, les capitalistes ne peuvent ni procéder au remplacement total des travailleurs par les machines car seul le travail est source de plus-value, ni procéder à la réduction des salaires sous le niveau nécessaire à la reproduction de la force de travail des salariés. Ces deux apories sont vectrices de crises économiques récurrentes et de luttes sociales organisées par les travailleurs pour s’opposer à leur licenciement et à la baisse de leurs salaires. Cette contradiction insoluble condamne le capitalisme à une mort certaine. En effet, à partir du moment où la valorisation du capital ne procède plus par la création de plus-value productive nouvelle, où les travailleurs en activité sont expulsés du processus de production, où l’activité économique réelle s’effondre, supplantée par la spéculation financière, cela signifie que le capitalisme devient un obstacle au développement des forces productives. Il ne peut plus se nourrir de la production de ses esclaves salariés. Comme l’a écrit Marx, « Le capitalisme ne sera jamais aussi vulnérable que quand il atteindra son apogée. ».

Avec la crise économique systémique actuelle, le capitalisme est entré dans sa phase dégénérative. Il ne peut plus s’alimenter de la plus-value de ses exploités expulsés du processus de production en pleine effondrement, ni nourrir ses esclaves salariés, prolétaires paupérisés, du fait des restrictions budgétaires. Corrélativement, de là s’explique la crise de gouvernance de la bourgeoisie, contrainte de perpétuer son règne par la terreur.

« Pour opprimer une classe, il faut pouvoir lui garantir des conditions d’existence qui, au moins, lui permettent de vivre dans la servitude. (…) Il est donc manifeste que la bourgeoisie est incapable de remplir plus longtemps son rôle de classe dirigeante et d’imposer, à la société, comme loi régulatrice, les conditions d’existence de sa classe.

Elle ne peut plus régner, parce qu’elle est incapable d’assurer l’existence de son esclave dans le cadre de son esclavage, parce qu’elle est obligée de le laisser déchoir au point de devoir le nourrir au lieu de se faire nourrir par lui. La société ne peut plus vivre sous sa domination, ce qui revient à dire que l’existence de la bourgeoisie n’est plus compatible avec celle de la société. », Manifeste du parti communiste, Marx et Engels.

Dans cette période marquée par l’épidémie de la crise économique, décimant toute la production, réduisant à la misère des centaines de millions de personnes, cet autre extrait, d’une brûlante actualité, mérite d’être médité : « Une épidémie qui, à toute autre époque, eût semblé une absurdité, s’abat sur la société, – l’épidémie de la surproduction. La société se trouve subitement ramenée à un état de barbarie momentanée ; on dirait qu’une famine, une guerre d’extermination lui ont coupé tous ses moyens de subsistance ; l’industrie et le commerce semblent anéantis. Et pourquoi ? Parce que la société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d’industrie, trop de commerce. Les forces productives dont elle dispose ne favorisent plus le régime de la propriété bourgeoise ; au contraire, elles sont devenues trop puissantes pour ce régime qui alors leur fait obstacle ; et toutes les fois que les forces productives sociales triomphent de cet obstacle, elles précipitent dans le désordre la société bourgeoise tout entière et menacent l’existence de la propriété bourgeoise. Le système bourgeois est devenu trop étroit pour contenir les richesses créées dans son sein – Comment la bourgeoisie surmonte-t-elle ces crises ? D’un côté, en détruisant par la violence une masse de forces productives ; de l’autre, en conquérant de nouveaux marchés et en exploitant plus à fond les anciens. A quoi cela aboutit-il ? A préparer des crises plus générales et plus formidables et à diminuer les moyens de les prévenir.« 

Auteur
Khider Mesloub

 




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