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Débarrassée de son gouverneur, la Banque d’Algérie accuse

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Débarrassée de son gouverneur, la Banque d’Algérie accuse

Certains experts, qui disent avoir pignon sur rue et qui interviennent ostentatoirement aujourd’hui dans la presse, viennent d’être cloués au pilori, par les cadres de la Banque d’Algérie, une fois débarrassés de leur Gouverneur et de leur devoir de réserve.

En effet, dans une note parue au début du mois d’avril, ces derniers accusent  la « Task Force », installée auprès de la Primature par le Gouvernement d’Abdelmalek. Sellal, dès avril 2017, d’avoir été « l’instigatrice du financement non conventionnel », que ce dernier a mis en œuvre (1). En effet, dans un rapport daté, d’avril 2017 et intitulé : Le financement de l’économie : écueils et solutions possibles; ce « quarteron d’experts » avait recommandé, avec insistance, face à la détérioration de la liquidité bancaire et aux difficultés de financement de l’économie, le recours au financement dit non conventionnel (planche à billets).

Les cadres de la Banque d’Algérie déclarent, sous toutes réserves, s’être élevés contre le recours à ce type de financement et que « les instruments conventionnels de politique monétaire n’avaient pas atteint leurs limites ».

Aussi, l’argumentaire qui consistait à trouver des similitudes entre la situation de l’Algérie et des pays comme le Japon, les Etats-Unis et les pays d’Europe, pour justifier le recours au financement non conventionnel, n’avait aucun sens, dans ce cas précis. Les risques, par contre, d’une entrée dans une spirale inflationniste (2) et d’une dépréciation de la monnaie nationale, étaient très importants et les conséquences catastrophiques pour notre économie. Cette note du staff de la Banque d’Algérie, rappelle que ce recours avait été exclu par la loi 90-10, qui traite et encadre les avances de la Banque d’Algérie au Trésor public, d’une manière très précise.

La note affirme que la Banque d’Algérie, en son temps, avait proposé d’autres « des démarches alternatives et notamment l’instrumentation, dans la phase intermédiaire, de l’article 53 de l’Ordonnance relative à la monnaie et au crédit, prévoyant la possibilité de placer une partie de ses fonds propres, en titres émis ou garantis par l’Etat ». Cette possibilité pouvait être mis en œuvre grâce « au versement de dividendes substantiels et prévisibles, au profit du Trésor public (610 milliards de DA en 2016 ; 920 milliards de DA en 2017 et 1.000 milliards de DA en 2018) » !

Le ministre des Finances, de l’époque (H. Baba Ami) comme le Gouverneur (M. Laksaci), se sont farouchement opposés à cette démarche non obligatoire et avaient proposé d’autres alternatives moins dangereuses pour l’économie nationale. Mais la décision finale avait opté pour le financement non conventionnel, imposé sous l’instigation de la Task force, constituée, entre autres, de R. Boussekine et de N. Meddahi, déclare cette note.

Le reste de l’histoire est connue puisque rendue publique, H. Baba Ammi et M. Leksaci ont été « liquidés » quelque temps après. Pour rester conforme à la loi 90-10, relative à la monnaie et le Crédit, des amendements ont été opérés pour permettre le recours au financement non conventionnel en octobre 2017, par  l’introduction de l’article 45 bis, dans l’ordonnance (3). J’avais, personnellement, par plusieurs contributions (4), crié au scandale et à l’assassinat de la loi 90-10, après qu’on avait déjà eu recours à un amendement antérieur qui  transformait substantiellement le statut du Gouverneur et du Conseil de la monnaie et du crédit, qui perdaient l’inamovibilité de leur mandat, pour devenir de simples hauts fonctionnaires, nommés et démis, au gré du pouvoir du moment. Après l’inféodation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, c’était au pouvoir monétaire de disparaître.

La Banque d’Algérie, par souci de transparence, a rendu public un rapport dans lequel elle indiquait avoir émis un montant de quelques 6.556 milliards de DA (soit quelques 55 milliards d’US$), au titre du financement non conventionnel dont quelques 3.441 Milliards de DA n’ont pas été encore utilisés, à ce jour. Sur le montant global mobilisé, par le Trésor public, un montant de 2.470 milliards de DA, a financé les déficits du Trésor public, au titre des années 2017 et 2018 et partiellement, au titre de l’exercice 2019. Le reste, d’un montant de 1.813 milliards de DA, a contribué au remboursement de la dette publique à l’égard des entreprises nationales, (Sonatrach et Sonelgaz), ainsi qu’au financement du remboursement de l’emprunt obligataire pour la croissance.

Enfin, un montant de 500 milliards de DA, sera destiné à la Caisse Nationale de Retraite (CNR) pour le refinancement de sa dette vis-à-vis de la CNAS et 1.773,2 milliards de DA, au profit du Fonds National d’Investissement (FNI) en direction des opérations de financement des programmes AADL et de projets en suspends. La Banque d’Algérie indique, toutefois, que sur le total de l’enveloppe globale mobilisée, de quelques 6.556 milliards de dinars, un solde de 945 milliards de DA est abrité au compte de Trésor public (non encore injecté) et qu’un montant de 656 milliards de DA est logé au compte du FNI (non encore utilisé), ainsi qu’un montant de 1.830 Milliards de DA, thésaurisé par la Banque d’Algérie, à travers ses différents instruments.

Au total, la Banque d’Algérie déclare que seul un montant de 3.115 milliards DA, sur les 6.556 milliards DA imprimés, a été utilisé, le solde, soit 3.441 Milliards de DA, pourrait faire l’objet d’une injection, autant que de besoin (5).

Que penser de cette démarche, pour le moins alambiquée, qui, en plus d’être antiéconomique, a été fortement soutenue par des experts censés être les « gardiens de Temple » économique et financier ? Il faut rappeler, à sa décharge, que le Premier ministre, A. Ouyahia, qui a toujours attribué la paternité du financement non-conventionnel au seul Président Abdelaziz Bouteflika, a dissout la Task Force (6), dès son installation et a pris des décisions économiques et financières contraires à celles proposées par cette dernière, après avoir, cependant, utilisé les ressources financières non conventionnelles, pour colmater les déficits qui sont attribués à sa propre gestion.

Mais force est de constater, que les lois de finances qu’il a élaboré, « sur décision du Président de la république », tenait-il à toujours le souligner, ne se sont pas attaquées aux graves déficits qui grevaient les budgets de l’état. Bien au contraire, il les a masqués et même aggravés, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour les atténuer voire les éliminer et les mesurettes prises, pour générer des ressources, ont été annulées par le Président car jugées impopulaires, d’autant que les présidentielles approchées. Ceux sont donc les générations futures qui vont avoir à gérer cet héritage empoisonné, des années durant, alors que ceux qui en ont profité, vont couler des jours heureux, avec l’argent de la rapine et de la prédation organisée, durant ces vingt dernières années, sauf si la justice passe par là !

La « délinquance politique », en général, se conçoit à travers des fraudes électorales à tous les niveaux (7) mais jamais sur la base d’un programme économique, fût-il préjudiciable, sauf à prouver une collusion, avec des intérêts privés nationaux ou internationaux, ce qui devient pour le dernier cas de la haute trahison.

Dans le cas d’espèce, d’un programme économique désastreux, la sanction politique, dans un état de droit, se matérialise dans les urnes et un changement de gouvernement avec un programme économique nouveau. Cependant, un certain nombre de mesures, prises dans l’exercice de ses fonctions, tendant à octroyer des privilèges indus et qui vont jusqu’aux malversations, relève du droit pénal et les sanctions ne sont plus politiques mais pénales.

Bien sûr, le Premier ministre pourra toujours se cacher derrière l’injonction présidentielle constitutionnelle ou « non constitutionnelle », pour justifier ses décisions, comme d’ailleurs, il n’a pas cessé de l’affirmer (8) mais sa responsabilité et celle de son gouvernement, restent pleine et entière, dans la mesure où, il lui était toujours possible de démissionner, pour ne pas avoir à prendre des décisions illégales.

M.G.

Notes

(1) Ce groupe d’experts a élaboré ce que l’on a appelé « nouveau modèle économique », adopté officiellement par le gouvernement en juillet 2016. En fait, il s’agit d’un programme d’ajustement (tentative de réduction des dépenses, suspension et annulation de projets…), qui ne dit son nom, après la chute des prix du pétrole, depuis juin 2014.

(2) Voir ma contribution intitulée « Le programme du gouvernement jette les bases d’un processus de stagflation », parue sur le Matin DZ, en date du lundi 25 février 2019, dans laquelle je décrivais le processus de stagflation où cette politique monétaire allait plonger notre économie.

(3) L’article 45 bis d’octobre 2017, n’a fixé aucune limite quantitative au financement monétaire du Trésor, par la Banque d’Algérie.

(4) Voir mon intervention sur Radio M du 9  Mars 2018.

(5) Ces différentes indications suggèrent fortement que les responsables de la Banque d’Algérie font aujourd’hui pression en faveur d’un ralentissement du rythme de fonctionnement de la planche à billet.

(6) Nul ne sait si les membres de la Task Force ont été rémunérés et à quel niveau, pour avoir confectionné ce rapport.

(7) A. Ouyahia c’est plaint, lui-même, des résultats obtenus par son parti, le RND et du recours à la fraude qui a privilégié le FLN, lors des dernières élections municipales et législatives, dans les deux chambres.

(8) Dans toutes ses interventions publiques, A. Ouyahia a systématiquement indiqué que, les décisions qu’il prenait, étaient dictées par le Président de la république et sous son autorité, comme pour tenter de se protéger.

 

Auteur
Dr Mourad Goumiri, professeur associé

 




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