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Déclaration de patrimoine de Bouteflika : retour sur une vaste plaisanterie

COUP DE GUEULE

Déclaration de patrimoine de Bouteflika : retour sur une vaste plaisanterie

Lorsque j’ai lu la déclaration de patrimoine d’Abdelaziz Bouteflika, j’ai cru être foudroyé d’une apoplexie de rire.

Ce qui paraîtrait être énorme pour un citoyen quelconque est en fait extrêmement surprenant pour un dictateur au pouvoir depuis un demi-siècle même en ne tenant compte que du traitement légal, eu égard à ses hautes fonctions durant des décennies. Conclusion, Abdelaziz Bouteflika serait le chef d’État africain le plus honnête de tous les temps.

Je me suis dit que cet homme qui avait régné en maître dans ce pays miné par la corruption massive, à milliards jusqu’au vomi, était propriétaire d’une fortune immobilière à peine trois ou quatre fois supérieure à celle d’un professeur ayant fait sa carrière à Paris et s’étant endetté sur une durée avoisinant les 25 ans pour une superficie assez modeste compte tenu du prix exorbitant.

Pour estimer cette valeur patrimoniale, j’ai exclu celle des aménagements intérieurs et  seulement comparé, assez grossièrement il faut l’avouer, la valeur du mètre carré dans les deux régions. J’ai ensuite appliqué un taux de change hors estimation officielle de la banque centrale Algérienne, c’est à dire très important. Et bien entendu, il faut prendre en compte la colossale flambée des prix de l’immobilier parisien durant les deux décennies précédentes. Une plus-value qui ne sert à rien car ce serait presque aussi cher de se loger dans n’importe quel endroit d’une grande métropole française.

Vous comprendrez que dans un pays où la valeur patrimoniale offshore de certains pourrait nourrir les Algériens pendant trois siècles, c’est assez étonnant pour qu’on se pose au moins une question à laquelle tous les Algériens ont répondu depuis longtemps.

Je n’y répondrai pas par l’accusation de corruption, pour deux raisons. La première est que le droit dans le lieu où je me trouve protège les chefs d’état étrangers de la moindre diffamation. Ce n’est pas une lâcheté intellectuelle mais un professeur n’a pas les revenus financiers d’un milliardaire offshore qui se soigne à Genève pour supporter un procès. Je suis toujours resté dans le cadre légal c’est à dire le traiter de monstrueux dictateur d’un pays corrompu par le régime militaire, cela suffit à la vérité.

 

    La seconde raison est que ce n’est pas le propos. On peut parfaitement remettre en cause la déclaration de patrimoine instituée par la constitution algérienne sans aucunement prouver quoi que ce soit sur la valeur déclarée des uns et des autres, supposée réelle ou mensongère. C’est dans sa procédure qu’il y a un gros ennui qui la décrédibilise entièrement.

Abdelaziz déclare n’avoir aucun patrimoine mobilier et immobilier offshore. Pour que cette déclaration soit exempte de toute suspicion si ce n’est celle de notre esprit (penser n’est pas un délit), il y a un moyen extrêmement efficace de le savoir. Il vient d’être mis en place par de très nombreux pays dans le monde, signataires de la Convention internationale d’échange automatique des données bancaires.

Or, l’Algérie se garde bien de la signer. Pour cause, la justice, si elle n’est plus ce qu’elle est aujourd’hui, c’est à dire aux ordres, pourrait le plus facilement du monde détenir des informations sur les données bancaires de citoyens résidents en Algérie et redevables de la loi fiscale algérienne.

Ce jour là, lorsque cet outil sera à disposition d’une administration et d’une justice entre les mains d’une démocratie, je m’inclinerai devant la déclaration de patrimoine d’Abdelaziz Bouteflika.

Cependant, je sais très bien que ces données ne sont que le reflet partiel et indirect car les comptes bancaires ne précisent pas forcément la nature de toutes les acquisitions. Ils le pourraient tout de même, en partie, car les données bancaires peuvent faire apparaître beaucoup de choses et suspecter les grosses transactions, même indirectement.

Dans notre pays la déclaration de patrimoine du candidat n’a pas de sens en elle-même. Les algériens corrompus savent depuis très longtemps qu’il faut dissimuler à l’étranger avec un partage familial ainsi qu’avec les proches qui déroute car il morcelle les pistes. Dans un pays où la corruption naît presque à chaque poignée de mains chez certains, c’est le patrimoine de la fratrie, des enfants, des cousins et tontons, des amis et autres personnages nombreux qui forment la cour du puissant qu’il faut vérifier.

Alors, cette déclaration de patrimoine n’a pas plus de valeur que celle d’un général ou d’un milliardaire offshore. Elle est nulle et irrecevable.

Une fortune seulement trois ou quatre fois supérieure à celle d’un professeur qui a trimé quarante trois ans et s’est endetté jusque dans sa chair, Abdelaziz est vraiment l’honnête homme politique de l’Afrique.

Nous avions un Mandela sous nos yeux et nous n’avons pas pu l’apprécier à sa juste valeur. Je m’en veux !

Auteur
Boumediene Sid Lakhdar, enseignant

 




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