Plus de 200 000 personnes sont redevenues françaises depuis les années 1960 après avoir perdu cette nationalité, en particulier lors de l’indépendance des territoires colonisés, selon une étude inédite de l’Institut national d’études démographiques (Ined) qui relève que le processus touche à sa fin.
A partir des années 1970, la procédure de « réintégration » prend de l’importance allant jusqu’à représenter de 4 à 7% de l’ensemble des acquisitions de nationalité française de 1980 à 2010, relate l’Ined.
Parmi elles figurent bon nombre de personnes dont la nationalité d’origine est algérienne: « Les arrivées en France dépendent beaucoup de trajectoires familiales liées en partie au passé colonial », rappelle Emmanuel Blanchard, chercheur associé à l’Ined et co-auteur de l’étude.
A l’indépendance de l’Algérie en 1962, environ 60.000 personnes ont choisi de conserver la nationalité française, mais à partir de 1967, les anciens « Français musulmans d’Algérie » n’ayant pas fait cette démarche ont été réputés avoir perdu leur nationalité française rétroactivement (à partir de 1963).
Les Algériens nés avant l’Indépendance et émigrés dans l’Hexagone purent cependant demander « leur réintégration » par décret, provoquant une montée en puissance progressive de ce mode d’acquisition de la nationalité française, selon l’étude.
« Dans le contexte de l’époque, pour l’immense majorité des Algériens il ne faisait aucun doute que la nationalité qu’ils souhaitaient avoir était la nationalité française », relate le chercheur.
« Ces statistiques, qui s’inscrivent dans une recherche plus vaste, tendent à montrer qu’il n’y a pas de dichotomie franche entre qui serait Français et qui serait étranger et qu’il y a des allers-retours », décrypte M. Blanchard.
« Cela rappelle que la nationalité n’est pas ce qui structure le plus les identités. Il y a un peu plus d’un demi-siècle, la nationalité comptait beaucoup moins », souligne-t-il.
La hausse continue jusqu’au pic de 2005, avec plus de 10.000 réintégrés cette année-là, dont près de 9.000 Algériens, marque, paradoxalement, « les derniers feux d’un âge d’or de la réintégration, à la fois bref et limité », soulignent les chercheurs.
Depuis une dizaine d’années, la population éligible à la réintégration s’amenuise progressivement, du fait notamment de la diminution du nombre de personnes nées avant les indépendances.
Outre les personnes d’origine algérienne figurent aussi parmi les plus représentées dans le processus de réintégration celles d’origine vietnamienne, puis à partir du milieu des années 1990, les personnes originaires des anciens territoires d’Outre-mer (TOM).
Le nombre annuel de réintégrés a été divisé par dix depuis le début des années 2000. En 2020, moins de 800 personnes ont ainsi recouvré la nationalité française, qu’elles soient ou non nées dans l’ancien Empire colonial.
AFP