L’affaire qui a secoué les réseaux sociaux en Algérie connaît un tournant décisif. Le juge d’instruction près le tribunal de Koléa, dans la wilaya de Tipaza, a émis des mandats de dépôt à l’encontre de dix prévenus impliqués dans l’agression et la torture d’une personne, dont la vidéo d’une violence inouïe a été largement diffusée.
Ce développement fait suite au démantèlement d’un groupe criminel organisé, dirigé par le dénommé Attia Hichem, dit « Hichem El Wahrani ».
L’affaire a éclaté le 16 octobre 2025 suite à la diffusion virale d’une séquence vidéo montrant un groupe d’individus, armés d’armes blanches et menés par « Hichem El Wahrani », se livrant à des actes de violence et de torture sur un individu. La brutalité des images a soulevé une vague d’indignation nationale.
Le procureur de la République a précisé, lors d’une conférence de presse, que l’enquête a d’abord permis d’identifier le diffuseur de la vidéo, Chernane Adel, puis la victime, Zengli Mohamed.
Fait troublant, la victime se trouvait déjà incarcérée à l’établissement de rééducation et de réhabilitation de Koléa depuis juin 2025 — la même période où l’agression aurait été filmée. Entendue le 17 octobre 2025, la victime a confirmé la véracité des faits, précisant n’avoir pas déposé plainte à l’époque de l’agression.
Grâce à ces éléments, la police judiciaire a pu identifier les principaux suspects, incluant les nommés Goumra Abderrahim, Tesouit Mohamed Amine, Chernane Adel, Mada Boualem, Goumra Adel, Dehrib Djaafar, Adjif Adam, El Hachemi Kamal, Batahhar Ahmed, et le chef de bande, Attia Hichem, alors en fuite.
Les investigations ont révélé que Chernane Adel, lui-même membre du gang, avait filmé l’agression en juin 2025. Il aurait ensuite délibérément diffusé la vidéo le 16 octobre, en raison d’un conflit et d’un malentendu survenus entre lui, Hichem El Wahrani, et le reste des membres.
La cavale de « Hichem El Wahrani » a pris fin dans la nuit du 20 octobre 2025, lorsqu’il fut appréhendé par des citoyens dans la région d’El Attaf, dans la wilaya d’Aïn Defla, lesquels ont immédiatement alerté la Gendarmerie Nationale. Le procureur a vivement salué le « sens civique et l’esprit de haute citoyenneté » dont ont fait preuve ces individus.
Poursuites pour criminalité organisée et torture
Les dix mis en cause ont été présentés devant le parquet du tribunal de Koléa et sont poursuivis pour des charges extrêmement graves, soulignant la nature organisée et violente de leurs actions :
Crime d’organisation d’un groupe criminel organisé en vue de commettre le crime d’enlèvement d’une personne par la violence, la menace et la séduction.
Crime d’exercice de la torture sur une personne.
Délits de direction et de création de gangs de quartiers.
D’autres individus font face à des accusations pour avoir hébergé ou aidé à la fuite un membre du gang, ainsi que pour soutien aux activités et diffusion des idées de la bande via les technologies de l’information.
Le parquet a requis des ordres de dépôt contre tous les accusés, soulignant que l’enquête judiciaire reste ouverte et que le ministère public veillera à prendre « toutes les mesures légales avec fermeté et rigueur » contre ces formes de criminalité dangereuse.
L’affaire du gang de « Hichem El Wahrani » et la multiplication des actes de violence urbaine dans diverses villes d’Algérie ont puissamment relancé le débat public sur le rétablissement de la peine de mort.
Le contexte judiciaire et social
L’intensité des crimes récents, marqués par des actes de barbarie et de criminalité organisée, a poussé la question jusqu’au niveau judiciaire. Le procureur de la République près la Cour de Béjaïa a même publiquement soulevé cette question lors d’une conférence de presse, illustrant l’inquiétude croissante des autorités face à l’escalade de la violence.
Bien que la peine capitale soit toujours une disposition reconnue et inscrite dans le droit algérien (notamment pour les crimes les plus graves), son application est suspendue.
Le Moratoire et la position internationale de l’Algérie
L’Algérie observe en effet un moratoire de facto sur l’exécution de la peine de mort depuis 1993, la dernière exécution ayant eu lieu en 1993. Cependant, l’engagement formel est souvent référé à l’année 1996, date à laquelle l’Algérie a commencé à s’abstenir de procéder aux exécutions, se conformant ainsi à une tendance internationale visant à l’abolition ou, du moins, à la suspension de cette sanction.
Ce moratoire place l’Algérie parmi les pays dits « abolitionnistes en pratique ». La réactivation du débat sur son rétablissement confronte donc la nécessité de dissuader les crimes graves avec les engagements et les considérations éthiques et politiques découlant des normes internationales des droits de l’homme.
La rédaction