Dans une déclaration publiée sur sa page Facebook, l’ancien président du Rassemblement pour la culture et la démocratie, Saïd Sadi a réagi au démantèlement, par les autorités de la statue à l’effigie du roi et résistant amazigh à l’invasion arabe, Aksil, par les autorités municipales de la ville de Bouhmam, dans la wilaya de Khenchela.
Ce qui s’est passé à Khenchela est « une agression mémorielle », s’indigne le fondateur du RCD qui lie cet acte » au contexte politique et diplomatique que traverse le pays.
C’est « au moment où Alger conditionne ses relations diplomatiques et économiques par la surenchère victimaire que l’innommable est commis » constate Saïd Sadi qui ne veut pas croire que le retrait de la statut immédiatement après son installation soit un acte isolé et circonscrit à la volonte de l’autorité municipale de Bouhmam qui « était pourtant informée de l’initiative de longue date ».
« On aurait tort de sous-évaluer la portée de cet affront qui a aussitôt déclenché des protestations indignées de la part des populations locales et, plus généralement, sur la toile, dira-t-il.
L’homme politique que l’on peut, pour de juste, créditer d’une bonne connaissance des arcanes et des moeurs du pouvoir s’autorise à penser que l’événement qui a le mérite de sortir la petite localité de Bouhmam de l’anonymat est « une « manœuvre » aux relents idéologiques et politiques qui illustre la connivence entre des factions du pouvoir sécuritaire avec le courant islamiste.
« On est en droit de voir là une manifestation de plus de l’État profond, mû par un fondamentalisme religieux totalitaire, qui a infiltré l’ensemble des démembrements de l’État », cingle l’auteur de Amirouche, une vie, deux morts, un testament.
« La soumission des institutions aux diktats islamistes n’a jamais atteint pareil niveau », s’inquiète-t-il, soulignant que cette domination et cette mainmise des islamistes sur la société et les institutions de l’État ne se limitait pas au domaine politique, mais s’étendait plutôt au domaine culturel, citant la censure stricte qui a eu lieu à la Foire internationale du livre d’Alger.
« On assiste, à travers cette agression (le déboulonnage de la statut du résistant amazigh à l’invasion arabe) à une mutilation symbolique de la nation lourde de sens », alerte l’ex président du RCD, mettant le doigt sur la division du travail et le partage des rôles entre les tenants du pouvoir et les islamistes.
« Le régime se satisfait du fait que la pieuvre islamiste qui impose ses conceptions et décisions ne pratique pas la violence (…) Dès lors que les attributions des institutions sont confisquées par le pouvoir parallèle, la violence n’a plus lieu d’être », explique l’homme politique laïc qui met en garde sur les dangers de la situation actuelle.
Une conjoncture qui « marque un recul moral, intellectuel, idéologique et politique sans précédent », selon lui.
« Les récents abus administratifs, parmi lesquels on peut citer les interdictions de cafés littéraires, l’imprimatur imposé aux éditeurs, la loi rendant quasiment impossible la réalisation d’un film ou l’arrestation de Sansal, s’accumulent dans une rancœur et un ressentiment dont nul ne peut prédire les coûts et les conséquences », estime-t-il, non sans mettre l’accent sur le defi qu’il faut relever pour dépasser cette impasse et ces contradictions qui ne sont pas sans risque pour l’avenir.
Il soulignera dans ce sens que « la réintégration de l’Algérie dans son histoire et le monde moderne exige un sursaut des énergies patriotiques demeurées libres et intègres et combattre l’imposture historique est la mère de toutes les batailles. »
Dans ce contexte, Sadi a rappelé que « si l’érection, il y a longtemps, de la statue de Oqba Ibnou Nafa à Biskra peut être perçue comme une reconnaissance d’une partie de l’histoire de l’Algérie, elle ne peut-être acceptée comme telle, si elle se fait au détriment et à « l’exclusion de celui qui lui a résisté pour défendre la souveraineté de son peuple. » Et d’ajouter :
« Ce que combattaient les nationalistes algériens contre l’ordre colonial, c’était moins le fait que les Européens aient honoré les rites chrétiens que de s’employer à effacer les repères qui les avaient précédés sur la terre algérienne. Il y a là comme une nouvelle colonisation de notre mémoire », analyse l’ex chef du RCD.
« L’attaque de Khenchela vient rappeler deux problématiques récurrentes dans notre histoire contemporaine : l’amputation ou la falsification de l’Histoire qui sont à la base de l’impasse algérienne », constate Saïd Sadi qui conclut son texte par une mise en garde sur les dangers qui guettent l’Algérie en-cas de non résolution des blocages sur les plans identitaires et historique de l’Algérie.
« Tant que débat sur la question nationale, toujours nié, occulté, biaisé ou réprimé, ne sera pas librement et rigoureusement tranché, les diverses contraintes bloquant la cohésion et le développement de la nation demeureront sans solutions », dira-t-il.
Sofiane Ayache