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Des foulards pour pendre les mollahs !

Dans le pays des mollahs, les affaires de « mœurs » se terminent souvent dans une morgue. On lave le déshonneur d’une tête nue, au fond des caves moisies d’un schisme érigé en État. Et l’on pousse l’ignominie à la limite du risible en accusant la victime de s’auto-déclencher un arrêt cérébral !

 

Pathétique, tant le mensonge n’est même plus nécessaire dans ce système archaïque, forgé dans le mythe de la violente sainteté qui ne dupe plus personne. On conçoit à la hâte une historiette pour la jeter, sans considération, aux chiens qui pleurent et aux familles qui « aboient ». C’est l’indifférence des seigneurs qui ne rendent compte qu’au divin invisible. C’est-à-dire à personne !

Tuer pour un voile mal ajusté, une mèche rebelle, un regard soutenu ou une parole jugée offensante n’est pas rare en terre d’islam. Ce ne sont pas les prétextes qui manquent pour liquider un apostat. C’est un droit qui s’acquiert par filiation idéologique, là où les années passées à lécher, cirer et lustrer les babouches des mollahs, procurent aux barbouzes du système, un étrange pouvoir de vie et de mort. Alors, en toute impunité, on embastille, torture, viole, dépossède, humilie, et tue. Pour assoir une théocratie qui traverse le temps, il faut beaucoup plus de judas que de croyants. Pour occulter les temps qui changent et éborgner les consciences qui s’éveillent, il faut que le désir d’émancipation rencontre les visages de l’horreur.

Dans un pays en difficulté, confronté aux problèmes économiques et sociaux, où les gens se détournent de plus en plus de la religion, il ne reste au régime, pour sauver ce qui subsiste de l’héritage « Khomeinien » et sa légitimité céleste, qu’à faire planer la menace de recourir à son arsenal dissuasif de lois religieuses : loi martiale sur l’apostasie et châtiments corporels à la carte. Entre potence, lapidation, fouet et amputations, la tradition islamique regorge d’insoupçonnables possibilités. Problème de riche !

Les mollahs savent aussi lâcher du lest en périodes de tensions extrêmes, ce qui a pour effet de conclure une sorte de « pacte social » tacite avec le peuple : ils ferment un œil sur les « petits dépassements » pour que les gens ferment la bouche sur la grande corruption. En réalité, et depuis un moment, le changement a déjà lieu, et de nombreuses jeunes Iraniennes, ne se couvrent plus complètement les cheveux, sortent, fument, boivent, flirtent et couchent sous le nez et la barbe des dignitaires enturbannés. C’est un secret de polichinelle qu’aime occulter « l’hypocrisie institutionnelle  » du clergé. Mais la discrétion doit être de mise dans ce bouillon fourbe dans lequel baigne la société iranienne.

Ce n’est évidemment pas la mèche de Mahsa Amini qui a provoqué la furie meurtrière des apprentis mollah, ni le souhait d’Allah de ne point voir déambuler des femmes dans les rues de ce monde. Non ! c’est plutôt l’indifférence d’une jeune fille à l’égard de ses bourreaux, son supposé manque de déférence, son culot, sa défiance !

Il n’y a pas pire offense pour un insignifiant que d’être ignoré. Les gardiens du « capital honneur » des Iraniennes aiment être vénérés. Leur réputation de hyènes sanguinaires n’est nullement usurpée et fait le job sans même qu’ils ne pointent leurs gueules de charogne. Et même si le régime relâche l’étreinte pendant les périodes de crise, ses nervis, quant à eux, exigent le respect et l’obéissance habituels. Il faut que les petites Kaïra sentent en eux pousser la puissance d’un calife ou la gloire d’un Dieu.

Personne n’osait rompre ce contrat informel qui permettait une paix sociale précaire, puisque tous semblaient y trouver leurs comptes. Jusqu’à ce moment tragique de l’ignoble assassinat de Mahsa Amini. Avec ce meurtre, le « pacte » fut brutalement rompu et la chappe de plomb menace présentement de s’effondrer sur ceux qui l’ont échafaudée. Et ni la répression sanglante ni l’épouvantail « américanoisraélien » agité par le sénile guide suprême ne semblent calmer les esprits !

C’est une émeute aux parfums révolutionnaires qui parcourt l’Iran tel un frisson ! Foulards brûlés et chants de liberté donnent à ce mouvement des faux airs de kermesse, puisqu’on continue à tuer en silence dans une répression aveugle dont seules les dictatures ont le secret.

Le courage de celles qui, comme Mahsa Amini, résistent au péril de leur vie à ce terrorisme d’État, réside dans le fait qu’elles se battent, non pas contre de simples hommes, mais contre une armée d’ombres qui se sent totalement investie d’une mission divine, légitime et sacrée. Et le voile, ce symbole premier du pouvoir théocratique, honteusement défendu par certaines élites de nos démocraties, devient, in fine, l’emblème de la résistance. Mahsa Amini ne le verra pas, mais son foulard sera peut-être le premier bout d’une corde que noueront les femmes iraniennes autour des cous des mollahs et peut-être de l’islamisme ! Rêvons grand !

Habib Khelil

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