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Désertec : pourquoi Chitour dit « ne pas être dans le secret des dieux » (II)       

DEBAT

Désertec : pourquoi Chitour dit « ne pas être dans le secret des dieux » (II)       

Ce n’est pas la première fois que la question du gaz de schiste surgit au moment où il ne faut pas pour instaurer un dialogue de sourds.

3- Le gaz de schiste, une question de trop pour un débat inopportun

Au début de cette décennie, pour répondre à l’alerte lancée par les experts de la fin du pétrole d’ici 2020, Youcef Yousfi, qui était en voyage en Grande Bretagne dans une conférence de presse où ont assisté de nombreuses compagnies parapétrolières a lancé «L’Algérie dispose d’un immense potentiel de gaz de schiste qu’elle  compte exploiter», mettant ainsi de l’eau à la bouche à ces compagnies en quête d’un plan de charge.

Lorsque le débat a pris une tournure sérieuse voire très chaude, il s’est rétracté dans un séminaire dédié à cette ressource organisé  par l’Association algérienne de l’Industrie gazière (AIG) en nuançant ses propos pour les ramener à une « simple évaluation du potentiel Algérien de gaz de schiste. »

Plus prés de la fin de cette décennie, après le limogeage surprise d’Abdelmadjid Tebboune, Ahmed Ouyahia, alors désigné pour le remplacer, avait tracé un tableau sombre de la situation économique du pays jusqu’à menacer sous peu de ne pouvoir pays les fonctionnaires y compris les députés face auxquels il s’exprimait.

Il profite de sa première visite en compagnie du PDG de Sonatrach fraichement nommé pour l’épauler face aux cameras sur cette question du gaz de schiste en dépit des instructions fermes à cette époque du président Abdelaziz Bouteflika de surseoir à cette question pour continuer dans le développement des ressources conventionnelles.

Enfin, un mois à peine après son installation le nouveau chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune avant même que son exécutif dévoile son programme conformément à la constitution, poursuivant ses consultations avec l’ensemble des acteurs de la vie publique et politique, avait organisé «une derdacha » avec 8 organes de la presse nationale choisie selon ses conseillers parmi les lourds d’entre eux.

Le chef de l’Etat durant cette entrevue, a exposé les grands axes de ses programmes en axant sur les 54 promesses qu’il a faites durant sa campagne électorale en adoptant une posture stratégiquement loin de tout alarmisme que l’ancien pouvoir avait l’habitude de développer pour créer une atmosphère anxiogène.

Il était rassurant sur les perspectives économiques et sociales. Sur le plan pratique, il n’avait entre les mains aucun programme qui concrétiserait avec son exécutif la vision qu’il expose et qui sera débattu en plénière dans les deux chambres législatives. Aucun membre de son exécutif n’était présent à cette entrevue pour rentrer dans les détails des 15 questions qu’ils lui ont été posés.

En effet, il a exprimé son opinion, et s’est interrogé sur l’opportunité du gaz de schiste qu’il n’a pas bien comprise  comme de nombreux citoyens. Ceci relève de son droit absolu  puisqu’il n’a pas fermé les portes du débat sur le sujet qu’il a jugé complexe pou le  laisser aux bons soins des spécialistes avant toute décision politique. 

Pour lui, il considère cette ressource dont « Allah tous puisant nous a gratifié et je ne vois pas pourquoi s’en priver.» mais il a reconnu que ce n’est pas cette opinion unilatérale  mais celle collégiale qui ressort d’un débat national qui sera retenue. 

En tant énarque, il a dû oublier qu’Allah a gratifié le centre de la terre d’une énergie débordante mais l’homme n’est pas encore outillé pour tirer profit. Il a cité l’exemple d’un puits de schiste entre deux villas aux Etats-Unis, mais oubli aussi par la même occasion que dans ce pays du tout privatisable, le sous sol appartient au propriétaire du sol ce qui, explique cette ruée vers le gaz de schiste dont un modèle économique entrainé par des bulles économiques : le pétrole conventionnel au 18éme siècle, l’internet, surprimes et maintenant le gaz et le pétrole de schiste pour ne survoler que ceux là.

Les Etats-Unis ont en fait de cette ressource une stratégie pour reprendre l’emprise totale sur cette industrie : production consommation, expertise, etc. 

Ils y sont parvenus en 2018 par  reprendre la tête du premier producteur mondial en détrônant l’Arabie Saoudite. Il a cité comme par hasard  le champ de Chanachen, probablement parce qu’il se situe entre Adrar et Tindouf, la première  qu’il connait très bien pour y avoir géré et vécu. Mais ce champ et en phase de prospection depuis plusieurs années par les équipes de Sonatrach qui y a obtenu un permis.

Un forage a été effectué, il a donné des résultats positifs mais cela  s’arrête là car  aucune réserve n’a été évaluée comme  les 241 512 km2  que le mastodonte et ses partenaires  sont actuellement entrain de prospecter qui n’est dans le domaine de l’amont que la première phase qui ne peut donner aucune idée sur le potentiel en place. S’il l’a donné comme exemple, c’est pour montrer l’isolement par rapport aux agglomérations  comme ailleurs dans le monde mais il a aussi oublié qu’en sous sol il n’y a pas de frontière car une simple réaction tectonique peut créer des fissures qui conduiront le mal sur des milliers de kilomètres.

L’exemple de la bombe atomique de Reagan est édifiant. La puissance coloniale de l’époque a pensé  que cette agglomération était isolée donc jugée appropriée pour un essai nucléaire et pourtant son rayonnement a été détecté à Hassi Messaoud par les compteurs Geiger Muller de la société de prospection électrique de Schlumberger, compteur qu’elle utilise dans le logging nucléaire. Tout cela montre que dans cette « Derdacha », le président a exprimé son opinion sur le sujet qui a été effectivement discuté avec son exécutif dont les poids lourds se sont déjà exprimés et qui ont du  le briefer sur la question.

En effet, le premier est le professeur Chems Eddine Chitour pour qui le peu de pertinence du sujet a été déjà tranché. Pour l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur, aller vers le gaz de schiste c’est perpétuer l’économie de rente mettre de côté la transition énergétique qui lui est chère pour  avoir milité dans cette voie durant plusieurs décennies. (06) Ait Ali Ferhat, qui, tient le portefeuille de l’industrie et des mines, est catégorique sur sa non rentabilité  et s’étonne que ses initiateurs se comparent aux américains qui subventionnent ses producteurs (07).

Quant au ministre de l’énergie de l’époque Mohamed Arkab, dans un point de presse qu’il a tenu avec sa collègue de l’industrie (08),  est revenu plus rassurant sur l’issue et l’objectif du projet de loi sur les hydrocarbures qui selon lui grâce au réaménagement de la fiscalité permettra à Sonatrach d’explorer les « 150 champs de ressources conventionnelles ». Il a fait entendre qu’avec le poids de la fiscalité contenue dans la loi actuelle 05-07 bien qu’amendée à trois reprises 2013, 2014 et 1015, la Sonatrach n’a pu attirer de partenaires pour partager le risque dans une aventure capitalistique encore une fois dans les gisements conventionnels. Pour lui le non conventionnel que le public connait sous le terme « gaz de schiste n’est pas une priorité immédiate ». 

4- Chems-Eddine Chitour a raison : pourquoi l’eau de la fracturation hydraulique doit être douce

Même si les responsables qui se sont exprimés sur le sujet n’ont pas été très explicite sur le sujet, la théorie classique d’utilisation des ressources en eau non potable provenant d’aquifères salins est irrecevable. L’eau est le seul fluide vecteur de la pression permettant de briser la roche et de transporter le sable. On doit impérativement privilégié de l’eau douce afin de dissoudre les sels contenus dans la roche-réservoir et pouvoir atteindre ainsi la roche mère qui contient les hydrocarbures.

Si l’on se réfère aux étapes normales de part le monde, la recherche du gaz de schiste en Algérie a du commencé au moins il y a plus de 6 ans dans le secret total. En effet, Pour arriver à la phase du forage, il faudrait au moins 2 à 3 ans de sismique 2D puis 3D auquel on ajoute 2 à 3 ans d’interprétation et de détermination des zones à forer. Il est à préciser cependant que les 9000 puits forés en Algérie depuis 1950 traversent les nappes du turonien et de l’albien qui ne servent pas la consommation des citoyens.

Ces puits ne contiennent pas des tonnes de produits chimiques, jugés par la communauté internationales comme très dangereux. Que la fracturation hydraulique telle qu’elle est utilisé actuellement pour produire les ressources non conventionnelles n’a rien à voir avec celle utilisée dans les puits conventionnels pour améliorer la productivité des gisements et que les équipes de Sonatrach utilisent depuis longtemps.

La première se fait à des pressions ne dépassant pas quelques bars de celles de fond des réservoirs (405 bars pour le gisement de Hassi Messaoud) alors que pour la seconde, rien que la tête d’un shale well appelé frac tree est conçue pour une pression de 15 000 à 20 000 psi soit plus de 1000 bars à raison d’environ 14,51 psi par bar. Il faut si l’on se réfère à l’expérience de la compagnie Total, 30 fractures en moyenne pour un drain de 1000 m et environ 300 m3 d’eau, 300 tonnes de sable et 1,5 tonne de produits chimiques par fracture. Une dimension classique d’une fracture pourrait atteindre latéralement 150 m de part et d’autre du puits et verticalement de quelques dizaines de mètres en fonction de l’épaisseur de la formation.

Pour les 17 puits prévus tel que annoncé par le ministre, il faudrait prévoir environ 300 000 litres d’eau soit l’équivalent de 70 piscines olympiques ou la consommation journalière d’une ville 300 000 habitants. Si on prend un exemple de l’Etat de New York un seul well pad de 6 puits a nécessité 6600 rotations de camions dont 90% pour la seule fracturation hydraulique.

Aucune de ces questions n’a été traitée par les responsables en place qui se sont arrêtés uniquement à l’aspect augmentation des réserves du gaz algérien sans rassurer sur les moyens d’en arriver et c’est normal que la population d’In Salah se préoccupe de ces questions périphériques non traitées par les ministres concernés.

5- Projet pilote Ahnet Shale : une expérience ambiguë et inachevée  

Les deux puits Ahnet1 et Ahnet2 qui rentre dans le cadre des puits pilotes qui servent à évaluer le potentiel en ressources schisteuses des régions identifiées   ont coûté en tout presque 100 millions dollars chacun. Il a fallu de très de gros moyens notamment le problème de l’eau, toute la logistique la sécurité, cela a duré presque deux ans. Les deux puits ont produit au départ 120 000 m³/ jour ensuite au bout d’une année entre 90 000 et 100 000 m³/ jour et le déclin a commencé donc après une année naturellement ils ont été fermés par la suite.

Il se trouve que les deux puits ont été fermés sans aucune évaluation précise de la durée du déclin qui permettrait éventuellement de calculer le nombre de puits nécessaires pour un plateau de production rentable. Un  puits a été pris en charge par Haliburton et l’autre par Schlumberger.

Le paquet a été mis sur la frac : 12 par puits. Ce qui est exagéré car ce qui a été recherché par les responsables de l’époque était de montrer que cela marche et le pilote qui devait en principe montrer la faisabilité technico économique a été ignoré Donc économiquement ce pilote était un échec total. Pour rendre rentable le développement le cout ne devrait pas dépasser 10 millions dollars par puits. 

Rabah Reghis

Renvois

(06)- https://www.facebook.com/watch/?v=1024578144591934 

(07)- https://www.facebook.com/watch/?v=193063605215759

(08)-http://www.aps.dz/economie/97315-projet-de-loi-sur-les-hydrocarbures-sonatrach-continuera-a-developper-le-conventionnel                                                                                                              

Auteur
Rabah Reghis

 




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