Vendredi 22 novembre 2019
Déterminés, les enfants d’Amirouche fêtent leur 40e vendredi
C’est dans une atmosphère de fête, un ciel gris illuminé par une lueur émanant de la foi de milliers de manifestants, que s’est déroulée l’interminable procession ce vendredi après-midi.
Les forces de l’ordre se sont faites discrètes et subissent les sarcasmes habituels, traités de vigiles des gens qui gouvernent. Devant la mine défaite des policiers, ils fredonnent : »wach bihoum echourta ma3naouiat 7abta ? » I.e. qu’ont-ils les policiers, leur moral est au plus bas ?
Ayant choisi Amirouche, grand héros de la guerre de libération, pour sa droiture, son engagement et sa détermination comme père spirituel ils entonnent leur hymne sans interruption en cœur, avec force et conviction :
Djaibin, djaibin, djaibin elhouria, (2 fois)
edour ena3oura, inchallah ! ounahouhoum ezkara, inchallah! (2fois)
7na ouled amirouche marche-arrière manwalouch (2fois)
Djaibin, djaibin…….
I.e. nous aurons notre liberté, la roue tournera si dieu le veut ! On les enlèvera malgré eux si dieu le veut ! Nous sommes les enfants d’Amirouche et nous ne ferons pas en marche arrière.
Galvanisés par la foule ils réaffirment leur identité, allument des fusées et prennent le risque de brandir l’emblème amazigh. Tout en réclamant un Etat civil ils refusent les élections jusqu’au départ du clan actuel et du vieux général. Ils répètent, : « ouallah manvoti bhad ettarika djibou el bri zidou essa3ika » i.e je jure devant dieu que je ne voterai pas de cette manière même contraint par les forces spéciales de la gendarmerie ou de la police.
Ils affirment qu’œuvrer pour l’arrêt du processus électoral est un devoir national, qu’il faut une mobilisation générale pour chasser le chef d’état-major et les généraux avec, en chantant : « is9at el vote wadjib watani, lazam ga3 nakhardjou, na7ou elgaid ouanzidou elkhain ou m3ah les généraux. »
Sûrs d’eux ils composent une nouvelle chansonnette : « 57 sna farancia, oua7na 7abinaha djazairia, sayé 9ala3na, chkoun iy7abesna ; elhirak dialna ou makach el vote » i.e 57 ans française (Algérie), nous la voulons algérienne, ça y est nous avons démarré, qui osera nous arrêter, le hirak est nôtre et il n’y aura pas d’élections.
Ils se plaignent à la dame âgée juchée sur le balcon du deuxième étage d’un immeuble de la rue Didouche.
Les marcheurs se sentent forts. Ils ont tenu la distance sur 40 vendredis. Ils le fêtent. Ils se savent proches du but. Refusant ces élections qui prennent au fil des jours l’allure d’une grande mascarade, se délectant des fissures au sommet du pouvoir, comme celles provoquée par le déclenchement de « l’affaire Tebboune » sur une chaîne de télévision proche des cercles de décision, ou par les déclarations fracassantes du général Toufik au tribunal militaire de Blida, constatant une série de défections au niveau des quartiers généraux de candidats, ils passent à une vitesse supérieure.
Dans la capitale les sorties nocturnes se multiplient, comme durant la soirée du mercredi ou du jeudi. Certains jeunes manifestants ont été passés à tabac, interpellés et placés en détention. Bien que les arrestations se soient généralisées à travers tout le pays, c’est dans la capitale qu’elles se font de plus en plus fréquentes et nombreuses. A l’approche de la date des élections, la capitale se mobilise de plus belle et prend les commandes. Les marches hebdomadaires sont aussi grandioses les unes que les autres et les habitants de plus en plus impliqués.
Elections ou pas, les marcheurs le disent, le savent et le répètent : ils ne veulent pas retourner dans le passé. Ils veulent le changement dans le vrai sens du terme. Même si, élections il y aura, et un président désigné, quelle sera sa marge de manœuvre ? Sa crédibilité à l’intérieur ou vis à vis du monde ? Sa position par rapport à cette contestation qui ne fera que croître, ces marcheurs dont le nombre ne fera que grandir ?
Les marcheurs, ont pour eux la force de leur jeunesse, du temps, leurs convictions et leur foi : ils comprennent l’équation.