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Djamel Laceb : Pour que Yennayer soit revisité !

CONFERENCE A L’UNIVERSITE DE TIZI-OUZOU

Djamel Laceb : Pour que Yennayer soit revisité !

Sur invitation de l’espace littéraire Tahar Djaout du département de Français, mardi passé,  l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou a reçu Djamel Laceb, enseignant, chercheur, écrivain et consultant auprès du HCA, pour donner une conférence à l’occasion de Yennayer 2970. Une rencontre lors de laquelle beaucoup d’idées sont émises durant près de trois heures de discussion et de débat telle une aubaine pour susciter la curiosité et initier des pistes de réflexions et de recherches. 

D’emblée, avec sa subtilité qu’on lui connaît, l’auteur de « Nna Ghni », lauréat du prix Assia Djebar du meilleur roman amazigh, édition 2019, a fait une parallèle entre la symbolique de la célébration de Yennayer et celle des autres traditions, occidentales particulièrement, qui font de Noël le rendez-vous annuel incontournable pour se ressourcer, s’évaluer et faire ses vœux : « Je me permets de vous dire que, pour ses valeurs sociales et humaines de solidarité, d’entre-aide et de l’amour pour son prochain, j’y crois en père Noël, pour la simple raison que cela nous est pas finalement étranger et que Yennayer contient amplement toute cette portée symbolique, et même plus ! », lance-t-il.

Sans vouloir revenir sur la manière avec laquelle ce jour du nouvel an berbère est célébré, l’auteur « Yennayer patrimoine de l’humanité » ne voulait pas s’étaler sur tout ce qui est communément connu ; en revanche, il voudrait encore plus de profondeur ! Pour lui, au-delà du repas traditionnel que tout le monde connait et de son étendu historique socialement et culturellement admis de nos jours ; en effet, des questionnements persistent encore…

Avec son style interrogatif nécessaire pour y donner des pistes de réflexion et de recherche, la salle a droit à des questions aussi bien anodines que pertinentes : « Pourquoi le choix du poulet précisément ? Que signifie le fait de sacrifier cet animal si peureux, qui se réveille à l’aube tôt le matin… Historiquement, sachant que tous les Pharaons sont berbères, alors pourquoi se limiter à l’accès au trône de Chachnaq en 950 av-JC comme référence et date du début du calendrier amazigh ? Aussi, ce calendrier justement, qui est un calendrier savant avant tout, pourquoi vouloir le réduire à sa dimension agraire seulement ? », s’interroge-t-il. Et d’enchainer : « Sur ce point précis, nos ancêtres sont de vrais astrophysiciens, des fins connaisseurs du monde céleste et du mouvement des étoiles ; où on en est aujourd’hui de tout cela ? »,.. Un art de montrer la lune avec un doigt qui s’éclipse devant le regard pour ne voir finalement que le ciel.

« Nous sommes le futur ! »

Des interrogations qui interpellent les consciences et tant d’autres étonnements et émerveillements qui ne peuvent qu’alimenter la curiosité de l’assistance que le conférencier invite, et toute la communauté universitaire d’ailleurs, à explorer l’inconnu, à se débarrasser de tout ce qui est faussement accepté, admis et préétabli… D’ailleurs, les questions ce ne sont pas ce qui manque chez Djamel Laceb, tout en étant comblé de certitudes « instinctivement prouvées » ! 

Il considère la résistance de sa culture et sa langue venues des fin fonds des âges à des siècles de domination et à l’aliénation comme une preuve de leur authenticité ; un héritage civilisationnel qui a survécu au temps, aux armes et aux hommes auquel il s’identifie fièrement ! « Notre patrimoine et l’apport de la civilisation amazighe est sciemment occulté quand il n’est pas sujet à la prédation… C’est à nous de le dépoussiérer et de le montrer à nos enfants pour qu’ils en soient fiers. Comment voulez-vous ne pas céder devant la tentation de devenir l’autre ; à force de porter ses vêtements, un jour on risque de sortir tout nu ! »

Rêveur, comme il aime bien se définir, loin des clichés académiques, l’orateur plaide pour une réhabilitation effective et une valorisation de notre amazighité : « On a trop subit et trop laissé les autres parler de nous à leur guise. Nulle civilisation qu’a connue l’humanité ne peut nous intimider ; il est temps de se débarrasser de ce statut qui nous condamne à rester en marge de l’histoire. Il faut se mettre au travail chacun comme il peut ; il faut croire en ce qu’on fait et l’aimé, il faut persévérer pour y arriver. Il n’y a pas de secret, tout est dans ce qu’on veut réellement avoir et la manière avec laquelle le voir… »

En réponse à une question de l’assistance qui insiste sur l’importance de généraliser ce genre de rencontres dans le milieu scolaire, en sa qualité d’ancien enseignant et citant au passage une anecdote que l’un de ses collégiens lui a raconté au sujet des séances dédiées à la culture qu’ils avaient eu avec lui, la salle a vibré un moment sous le ton de sa voix :

« Il faut savoir écouter nos vieilles, c’est très important de s’intéresser aux hommes et femmes, à ce qu’ils disent et pensent de la vie. Ceux et celles qui ont défriché le terrain pour se réapproprier l’histoire et préserver notre mémoire doivent être revus, réexpliqués et présentés à nos élèves comme font les autres de leurs penseurs. Par exemple, Ait Menguellet, que j’aime beaucoup, par sa poésie et ses mots lourds de sens, peut résumer toute une théorie dans une simple phrase ! »

Enfin, dans son allocution, l’orateur n’a pas manqué d’attirer l’attention des parents et enseignants sur l’importance d’investir les nouvelles technologies et les utiliser dans l’éducation de la future génération : « Notre époque est particulière ; une ère nouvelle est devant nous, avec le numérique, le quantique ; il est temps de s’y mettre… Il y va de l’avenir de nos enfants et de notre culture, il faut qu’on le fasse tous maintenant ; nous sommes le futur ! », conclue-t-il.

Auteur
Hamza Sahoui

 




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