Site icon Le Matin d'Algérie

Djamila Bouhired – Saïd Sadi, deux figures avec lesquelles l’Algérie peut compter

POINT DE VUE

Djamila Bouhired – Saïd Sadi, deux figures avec lesquelles l’Algérie peut compter

Certainement, ils ne sont pas les seuls. Loin de leur faire des éloges, mais au demeurant, ils sont sujets au respect et à la reconnaissance sur leurs engagements pour la cause algérienne, à deux époques différentes pour chacun : avant et après l’indépendance.

L’esprit de novembre et celui de la contestation intégrale du régime se retrouvent dans les parcours de Djamila Bouhired pour le premier et Saïd Sadi pour le second. Dans la conjoncture actuelle, avoir un regard attentif et positif sur eux est plus que nécessaire pour sauver le pays. Leur présence dans les différentes marches de vendredi et à différents lieux est un bon signe de soutien, ils font partie de ces repères nécessaires pour l’avenir.

Depuis le 16 février et la marche de Kherrata, l’Algérie est en train d’inscrire une étape importante de son histoire. Une nouvelle ère est amorcée après 57 ans de son indépendance. Des femmes et des hommes ont donné de leur sang pour se libérer de la France coloniale. Malheureusement, depuis l’été 1962, les Algériens et les Algériennes n’ont pas savouré leur victoire. Ils furent vite pris en otage par un groupe d’officiers ambitieux qui ont livré ce beau pays à des régimes aux abois.

Il est bon de rappeler que Djamila Bouhired est une héroïne de la révolution qui a suscité l’admiration du monde entier sur son engagement dans la lutte pour l’indépendance. Elle fait partie de ces victimes qui ont subi l’ostracisme du parti-Etat FLN. L’ancienne condamnée à mort nous interpelle depuis le début de la mobilisation sur la nécessité de s’impliquer aujourd’hui plus que jamais dans la lutte pour la construction d’une Algérie nouvelle. Elle insiste sur son caractère pacifique qui est l’œuvre de la maturité d’une jeunesse qui a réinventé le rêve. Elle persiste sur son succès qui risque à tout moment d’être spolié. De ces mots : « Ne les laissez pas voler votre victoire ».

Saïd Sadi, lui aussi n’a pas pu s’exciper de l’oppression du pouvoir pendant des années, un démocrate qui a su ressusciter de l’espoir dans les moments les plus difficiles qu’a connu l’Algérie, nous a orienté pour déjouer toutes les tentatives machiavéliques que le pouvoir a entreprises pour contenir, détourner toute cette belle mobilisation. Lui qui disait que nous avons inventé le combat pacifique, de sa longue expérience de militant des droits de l’homme et identitaire, son implication et sa présence d’aujourd’hui sur le terrain est un acte à saluer.

L’incident de Bejaia à son encontre n’est-il pas une énième provocation pour le faire taire ? L’élite politique algérienne est unanime à son sujet, il est l’un des rares à avoir gardé le cap depuis des décennies. De juste Yasmina Khadra disait de lui :

« Aucun mouvement n’est à l’abri d’un précipice s’il navigue à l’aveugle, s’il n’a pas de capitaine à la barre et une boussole fiable. Vous êtes, docteur Saïd Sadi, un homme fiable. C’est tout ce dont on n’a besoin. Un homme fiable est plus crédible qu’un homme parfait. »

Feu Mohamed Boudiaf, n’a-t-il pas vu en lui son futur homme de confiance pour le nommer comme Chef du gouvernement dans un moment où l’Algérie traversait une période très difficile ?

En 2011, tout le monde se souvient du traitement que lui ont réservé les autorités et leurs sbires médiatiques pour l’empêcher de bousculer les consciences récalcitrantes. Saïd Sadi avait pointé du doigt le clan d’Oujda et ses supplétifs, les accusant d’être responsables de la crise multidimensionnelle que l’Algérie connaît depuis l’indépendance.

Une accusation partagée avec Djamila Bouhired, de sa longue lettre publiée dans la presse le 14 mars. D’un ton ferme et accablant, elle écrivait :

« Au nom d’une légitimité historique usurpée, une coalition hétéroclite formée autour du clan d’Oujda, avec l’armée des frontières encadrée par des officiers de l’armée française, et le soutien des “combattants” du 19 mars, a pris le pays en otage. »

Aujourd’hui, plus que jamais, ils font partie de la solution à cette crise institutionnelle et politique que traverse le pays.

L’Algérie est à la croisée des chemins. Son avenir dépend de son peuple qui réclame un changement en profondeur. Ce peuple qui sort par millions dans la rue a besoin des femmes comme Djamila Bouhired et des hommes comme Saïd Sadi pour diriger une étape cruciale.

Cependant, pour couper court à toutes les mauvaises interprétations sur le cas de Said Sadi, celui-ci admet que les responsabilités organiques ne sont plus dans son agenda. Autrement dit, désormais il milite sans ambitions politiques pour les droits de la femme, la séparation de la religion de l’État, la décentralisation des régions et des pouvoirs, l’identité algérienne, le respect des minorités, la liberté du culte. Tout un programme à même de réunir les Algériens épris de leur pays. 

Très vite Saïd Sadi s’est démarqué du populisme ambiant, Ses dernières contributions dans la presse sont d’un apport considérable, car elles recèlent des clés de sortie de crise.

Pour une transition citoyenne apaisée, il est manifeste qu’un comité de sages s’impose pour mener le pays vers une constituante et la mise en place d’instruments politiques nouveaux. Pour des raisons de représentativité et de consolidation, il est sans nul doute pertinent qu’un groupe restreint de personnes peut former ce noyau engagé comme en novembre 1954 pour déclencher la guerre de libération, qui a abouti dans une organisation exemplaire le 20 août 56 et la plateforme de la Soummam.

Sans tabou, en distinguant le bon grain de l’ivraie, sans vouloir bien entendu les mettre dans l’embarras ces deux personnalités pourraient faire partie de ce comité, car elles sont dotées de charisme, de la sagesse, du courage politique et cette détermination nécessaire en cette période. 

Auteur
Mahfoudh Messaoudene

 




Quitter la version mobile