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Donald Trump et l’école buissonnière

Trump

Image par kalhh de Pixabay

Trump se dit être un grand businessman qui a réussi et connaît donc mieux que quiconque les affaires et l’histoire économique.

Mais vu l’enragement d’élever les barrières douanières pour le monde entier, comme il voulait construire le mur de la frontière avec le Mexique, il a dû faire l’école buissonnière dans beaucoup de disciplines. On peut même sérieusement se poser la question sur  son instruction autant que sur ses graves symptômes psychiatriques.

Un étudiant de première année pourrait lui expliquer qu’en élevant les droits de douane, surtout d’une manière démesurée, pourrait avoir des répercussions immédiates sur le pouvoir d’achat des américains.

Une barrière douanière, lui  dirait-ton, est une taxe aux importations. Une taxe se rajoute au cout de revient et donc provoque mécaniquement une hausse des prix. Un cours d’économie dans ses bases a des fondements très simples.

Or, sur quoi a surtout été élu Donald Trump ? Sur le retour de l’Amérique blanche mais surtout pour le niveau de vie de ses électeurs. Donald Trump ne se pose jamais les questions de la raison, il est perpétuellement dans le sentiment et le rapport de force. On a l’impression que Donald Trump fonce comme un bulldozer sans freins ni GPS.

Il ne connait qu’une face du protectionnisme, celle qu’il pense être bénéfique pour son pays. Nous connaissons tous les deux points les plus importants de cette face avantageuse pour un pays. Favoriser la production et l’emploi local, permettre aux entreprises naissantes de croitre sans environnement concurrentiel.

Ce second avantage avait été théorisé sous le nom de « protectionnisme éducateur » par l’économiste allemand Friedrich List au début du XIXème siècle. Les jeunes entreprises sont protégés par le protectionnisme jusqu’à ce qu’elles atteignent un niveau de développement suffisant pour contrer la concurrence étrangère.

Mais il a totalement fait l’impasse sur les très lourds risques causés par le protectionnisme. C’est bien entendu celui de la rétorsion des autres pays à l’égard d’Etats-Unis. La Chine annonce déjà son intention de brandir l’arme de riposte et l’Europe commence à réagir, même si c’est en retard et encore frileusement.

L’économie américaine ne peut se passer des produits importés pour sa consommation domestique, qu’elle soit celle des ménages ou celle des entreprises. Nous avons déjà mentionné le très gros impact du risque certain d’inflation auquel il faut rajouter celui des pénuries éventuelles, lourdement impactantes dans certains secteurs vitaux.

Puis, par une conséquence mécanique, il y aura un effet boomerang de la hausse du dollar. La diminution des importations de produits entraîne un achat moindre des devises des pays étrangers. Ainsi le dollar s’appréciera et s’en suivra un effet de hausse des prix des exportations et donc une baisse de performance concurrentielle.

Plus que jamais la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo, faisant suite à celle des mécanismes du libéralisme d’Adam Smith, n’auront été si validés dans cette affaire. Donald Trump ne sait pas que le protectionnisme est d’autant plus néfaste que le monde économique s’est ouvert par une internationalisation des échanges qui ne peuvent faire marche arrière aussi facilement, par le simple coup de fouet du président américain. Le protectionnisme se conçoit dans une économie fermée, une réalité que semble ignorer Donald Trump, totalement enfermé dans sa bulle schizophrénique.  

Mais en plus du cours d’économie qu’il a dû zapper, il faut rajouter celui de l’histoire américaine. L’Europe comme les Etats-Unis avaient mis en place des mesures protectionnistes au début du vingtième siècle. Nous savons ce qu’il en est advenu avec la terrible crise de 1929 qui a été une catastrophe économique et sociale gigantesque. Une crise qui s’est répandue en Europe dès 1930 qui, même si elle n’en n’avait pas été la seule cause de guerre, elle en fut un accélérateur très fort. Les nationalismes s’étant exacerbés par la montée du fascisme et du nazisme dans des pays atteints d’une crise de pauvreté sans précédent.

Á l’inverse jamais le monde n’avait connu une si grande prospérité économique avec l’abaissement progressif des droits de douane depuis la création, après-guerre du GATT ((Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), suivi par les accords de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce).

Á l’heure de la rédaction de cette chronique, on apprend que Donald Trump suspend son chantage envers le Mexique et le Canada pendant un mois. Ira-t-il jusqu’au bout de son chantage après cette durée ?

Ce qui est sûr est que le rapport de puissance fait diriger les griffes du prédateur vers une Europe ressentie aujourd’hui comme le maillon faible des grandes zones économiques mondiales.

Un tigre ne peut avaler toutes les proies de la forêt et encore moins l’éléphant qu’est devenue  la Chine. Celle-ci annonce déjà des mesures de rétorsion. Qu’en adviendra-t-il après ce gros coup de folie d’un homme bousculant le monde sans  sens de la mesure ?

Le protectionnisme avait fait mal à l’économie mondiale, jusqu’aux guerres, le tigre en papier Donald Trump sera-t-il aussi fort pour rugir et faire écrouler le monde ?

Pour ma part, si personne ne peut lire dans l’avenir, je n’en suis cependant pas si sûr. Si la seule arme qu’il dégaine est ce vieux fusil pétaradant du protectionnisme séculaire, il n’ira pas loin.

Cependant il est vrai que les dégâts à court terme risquent d’être très lourds par la folie d’un homme.

Sid Lakhdar Boumediene

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