Il a fallu un énième drame avec des victimes pour entendre du bout des lèvres des aveux d’échec. Le ministre des Transports, Saïd Sayegh, a annoncé un plan gouvernemental pour renouveler 84 000 bus vétustes, qui constituent l’épine dorsale du transport public en Algérie.
Cette annonce fait suite à la chute tragique d’un bus à Oued El Harrach, dans la commune de Mohammedia à Alger.
Le chiffre élevé des bus hors d’âge soulève de nombreuses questions : pourquoi ces véhicules restent-ils en service et quelle sera l’efficacité réelle du plan de renouvellement, notamment face à ce que l’on appelle désormais les « roues de la mort » sur les routes algériennes ? Le ministre a imputé une partie de la responsabilité aux chauffeurs, affirmant que « 90 % des accidents de la route sont dus à l’imprudence des conducteurs ». Cependant, ce seul argument ne suffit pas à expliquer la gravité des incidents.
Cette tragédie met en lumière la crise profonde du transport public en Algérie, où la faiblesse du contrôle, le manque de pièces de rechange et l’état dégradé des routes et ponts aggravent le risque pour les usagers. La Protection civile a précisé que les blessés ont été transportés vers les hôpitaux locaux et que les victimes ont été transférées à la morgue, mobilisant 25 ambulances, 16 plongeurs et 4 embarcations semi-rigides. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent des citoyens se jetant du pont pour tenter de sauver les passagers avant l’arrivée des secours.
Abdelmadjid Tebboune a décrété un deuil national d’une journée avec mise en berne du drapeau, et a accordé 100 millions de centimes aux familles des victimes, selon le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Ibrahim Mourad. Mais est-ce que ce sont ces annonces qui jouent sur l’émotion que les Algériens attendent ? Ne faut-il pas plutôt être concret et lancer le chantier titanesque d’une refonte global du transport avec ses moyens et l’ensemble de son écosystème ? Il est vrai que cela est plus compliqué pour des dirigeants qui décident à la petite semaine.
Reste la question cruciale : une véritable responsabilité sera-t-elle assumée par les autorités face à ce manque de vigilance ? Et les plans progressifs annoncés suffiront-ils à protéger les vies avant que de nouvelles tragédies ne surviennent ?
Mourad Benyahia