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Du complexe arc-en-ciel des LGBT à la pénurie du sachet de lait ! 

Sachet de lait

Bon, d’abord, dois-je signaler, avant de commencer cette chronique, que c’est une histoire toute banale de couleurs? Pas plus que ça ma foi!  Les couleurs, eh bien, c’est l’arc-en-ciel. Et l’arc-en-ciel, c’est la diversité.

Chez nous, en Algérie, on n’aime pas le nom « diversité » : c’est un vrai casse-tête chinois! De surcroît, c’est un mot à bannir du dictionnaire mental de la collectivité. Bien sûr, en miniature, il s’agit du dictionnaire mental de l’Algérien lambda, victime collatérale du matraquage idéologique du système. Un ancien ami du lycée m’a appelé au téléphone, il y a quelques jours, pour me dire qu’il avait reçu un SMS du Ministère du commerce l’informant de faire attention aux couleurs, contraires à la foi musulmane.
Sur le coup, il n’a rien compris, mais dans la soirée, il a regardé la télévision officielle et effectivement, c’est une campagne médiatique orchestrée, tambour battant et preuves à l’appui, par les services dudit ministère avec le soutien actif des forces de l’ordre contre toutes les enseignes coloriées des produits commerciaux pouvant, de près ou de loin, prêter à confusion avec le slogan arc-en-ciel des LGBT. Et pas que ça, pardi! Car, le secteur éducatif est concerné en premier lieu, paraît-il!  Tout cela, bien entendu, au nom de la défense des valeurs morales de la société contre le pourrissement qui vient de l’Occident.
« Désormais, rigola mon interlocuteur, il est interdit pour un élève du primaire de porter quatre ou cinq crayons en couleur dans la même main! »Mon ami, à présent proviseur dans un lycée dans une wilaya de l’intérieur du pays, m’a juré, au passage, qu’il n’avait pas pu acheter du lait en sachet depuis au moins une semaine, à cause de la pénurie! « Pénurie, dis-tu? » lui lançai-je à brûle-pourpoint.

« Quand tu fais, de bon matin, la queue devant une boutique d’alimentation générale pour un sachet de lait, et que tu n’es plus sûr d’arriver au bout de trois à quatre heures à en avoir un, et qu’à côté, tu gaspille pour rien ton temps et tu rates ton boulot, c’est le comble de l’absurde, n’est-ce pas ? »

« A ce point? » lui répondis-je, sur le ton interrogatif. Se permettant une boutade, l’ami m’a raconté que ce fameux ministre qui fait aujourd’hui campagne contre les couleurs LGBT, c’était le même qui avait promis il y a deux ou trois ans de régler le problème de la pénurie de lait en une semaine! « Foutaise! Tu imagines, là où l’on en est arrivé!

Je ne sais pas si, lui et moi, avons la même conception de la notion du temps : peut-être que pour lui, le ministre s’entend, une semaine est l’équivalent de trois ans! Et encore le problème n’est pas réglé! » « Et quel est le rapport des couleurs d’un arc-en-ciel avec un sachet de lait? » « Eh bien, le même rapport entre l’aspirine et une maladie de foie! », rit-il doucement, tout en prenant un air de sérieux.

« C’est-à-dire ? » « Aucun rapport, sauf la bêtise de ceux qui ne savent pas c’est quoi le vrai sens du mot gouverner! ». « Tu veux dire qu’on vit dans une totale anarchie ? ». « Je préfère faire usage du mot médiocratie » riposta mon ami, en m’expliquant la galère de la majorité des foyers algériens qui sont, du matin au soir, en course-poursuite contre la montre, juste pour se procurer un sachet de lait, avant de s’interroger, sur le mode ironique : « Comment une famille de six membres, va-t-elle se soucier du « mal » supposé des couleurs de l’arc-en-ciel, alors qu’elle peine à prendre son café au lait matinal ? »

Kamal Guerroua

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