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Du rêve de l’Empire de Nicolas 1er à la débâcle humiliante

Vladimir Poutine

Il avait l’ambition de recréer la grandeur impériale de la Grande Russie du tsar Nicolas 1er, il n’en connaîtra que la fin, son désastre. Ces jours-ci, la Russie de Poutine nous donne le spectacle d’une fuite humiliante de sa jeunesse la plus vive qui refuse une mobilisation dans un conflit qu’elle ne comprend pas et dans lequel elle y risque la vie.

Vladimir Poutine a lancé une guerre que personne ne comprend, sinon peut-être lui-même. Par une annexion foudroyante de l’Ukraine, les bombardements ont été massifs, criminels et sans pitié pour les civils. Le pays est dévasté, les familles endeuillées et les atrocités sont dévoilées en direct dans le monde entier qui est stupéfait et horrifié par l’ampleur de la barbarie.

Vladimir Poutine s’est comporté exactement comme il l’avait fait en Tchétchénie et en Syrie. Sa doctrine militaire est le lourd bombardement d’artillerie, la destruction sans discernement des cibles afin d’anéantir toute velléité de résistance.

Le voilà qui revient à son grand rêve initial, son fantasme de la Grande Russie, celle de l’empire de Nicolas 1er. Comment analyser ce personnage ? Sa raison n’est pas la nôtre car un tel comportement est suicidaire, pour son pouvoir, sa vie et celle de la Russie qui va en payer un terrible tribut financier et humain.

Un parcours freudien de revanche ?

Lorsqu’on rappelle le passé de Vladimir Poutine, il ne faut pas beaucoup d’intelligence pour cerner la profonde structure de sa pensée. Il fut officier du KGB, de très triste mémoire dans l’histoire récente de l’humanité.

Mais Vladimir Poutine coche toutes autres les cases de l’autocrate. En plus de ce passé qui impose toujours de se poser des questions sur les troubles de la personnalité (car le choisir est une grande présomption de ce trouble), il y a son origine très modeste et son parcours au KGB des plus médiocres, de l’aveu de ses anciens camarades.

De ces trois points de l’histoire de ce personnage, il ne faut pas être le docteur Freud pour en déduire ce qui le tourmente. Pour le premier point, l’immense frustration de la perte de l’URSS, prestigieuse autant que liberticide. Les officiers du KGB vivaient une toute puissance sur les âmes des citoyens, terrorisés et à genoux. On peut s’imaginer le sentiment « jouissif » de domination que ressentaient certains de ceux qui ont choisi ce métier, hors de la démocratie et de l’humanité.

Pour le second, un appétit féroce de sortir de sa condition d’origine et de l’image du « garçon des rues de St Pétersbourg, avec de mauvaises fréquentations ». Si nous ne pouvons entrer dans les chiffrages de sa fortune, faute de preuves, il est indéniable que ce qui a été prouvé est déjà immense. Un sentiment de revanche que ne se lasse pas de montrer Vladimir Poutine. Je recommande au lecteur de regarder la vidéo de son intronisation pour en comprendre la dimension.

Enfin, pour le troisième, Vladimir Poutine, bien que placé aux côtés de la haute direction du pouvoir, était tout de même dans l’ombre des grands, assez discret, presque transparent. Lorsqu’on connait aujourd’hui sa volonté démesurée de paraître, on peut imaginer la frustration accumulée. Lorsqu’il prit le pouvoir, l’ombre fut interdite de s’en approcher, il lui fallait l’aura des grands, la lumière de l’apparat et des palais dorés.

Les briques de la chute du mur, effondrées sur la tête de Poutine

Malgré tout, Vladimir Poutine avait prononcé une phrase qui restera à jamais gravée dans les mémoires « Celui qui ne regrette pas l’Union Soviétique n’a pas de cœur. Celui qui voudrait la reconstruire n’a pas de raison ».

C’est pourtant l’inverse absolu que le chemin d’action de cet ancien officier du KGB. Vladimir Poutine ne rêve pas seulement de la reconstruction de l’URSS, il veut le retour de l’empire du tsar Nicolas 1er, dont les frontières étaient bien plus vastes, notamment en Pologne.

Il ne s’agit pas là d’une opinion de ma part mais d’une réalité que Vladimir Poutine a rédigée, exprimée et rendue publique. Il a théorisé le retour à la Russie impériale, ce qui est pour lui une revendication territoriale légitime pour effacer ce qu’il dit être l’humiliation imposée par l’Occident.

L’Inde et la Chine, pas fous !

Si nous excluons les quelques grandes démocraties dans le monde, comme la Corée du Nord ou l’Ethiopie, deux grandes puissances sont au point de rupture avec la fuite en avant de Vladimir Poutine, soit l’Inde et la Chine.

Les deux pays n’avaient pas condamné l’annexion de l’armée russe mais avaient condamné le boycott subi par la Russie. Les liens de ces deux pays avec la Russie est ancien, renforcé par les derniers accords sur le pétrole et le gaz.

Ils auraient tort de s’en priver, le prix facturé du pétrole et du gaz russe bénéficie d’une ristourne de 30 % à l’avantage de ces deux pays-continent qui ont des besoins énergétiques colossaux.

Mais ces deux partenaires soutiennent la Russie comme la corde soutient le pendu. Vladimir Poutine a oublié que si leur avantage politique et économique à le soutenir s’en trouvait favorisé, il est beaucoup moins grand que celui qu’ils allaient perdre en cas de prolongation du conflit.

La Chine, depuis trente ans, ne doit son développement constant que grâce à l’ouverture des échanges mondiaux, particulièrement avec l’Europe et les Etats-Unis, pourtant leur grand rival. Son grand projet de la route de la soie ne permet aucune entrave aux libres échanges avec le monde.

L’erreur fondamentale de Vladimir Poutine est d’avoir cru que cette rivalité allait en faire des alliés. Le Premier ministre Indien, devant la présence de Poutine au sommet de Samarcande, a dit « Ce n’est pas le moment de la guerre ». Quant à la Chine, avec ses réserves exprimées à ce sommet, vient d’être encore plus claire en affirmant « l’intégrité des territoires nationaux ne peut être remise en cause » (transcription de mémoire).

Du fantasme de l’Empire à la fuite humiliante

Le résultat de ce rêve est dramatique. Lorsque Vladimir Poutine annonça la mobilisation partielle suite à la débâcle de son armée, ce fut le spectacle d’une horde dans les routes et les aéroports pour quitter le pays, au prix financier parfois exorbitant et du risque d’une lourde condamnation pour désertion.

Vladimir Poutine insiste et ne se réveille pas encore. Il ne voit toujours pas que la fleur de la jeunesse est en fuite et refuse sa guerre qu’elle ne veut pas et encore moins pour s’y faire tuer.

Il n’a pas encore compris qu’il ne pouvait encore berner une population instruite. Il l’avait fait avec de pauvres bougres de soldats recrutés dans les provinces éloignées et pauvres, avec des populations au chômage et dans les prisons, en contrepartie d’un bon salaire et de remises de peines.

Il n’a pas encore compris l’immense fossé générationnel entre les parents et grands-parents, nostalgiques de la puissance de l’URSS et cette génération qui vit dans un autre monde. Elle n’a ni envie de se faire tuer ni de tuer des Ukrainiens dont beaucoup sont reliés par parenté, par amitié et par la langue.

Vladimir Poutine avait verrouillé les médias, terrorisé les opposants et avait réussi au début à faire croire que cette guerre était une simple opération spéciale pour chasser des « nazis ». Un discours et des mots qui réveillent la mémoire patriotique des anciennes générations.

Mais aujourd’hui, avec la mobilisation, c’est la vie de leurs enfants qui est en cause. Les jeunes générations sont sur une autre planète, digitalisée, instruite et informée, loin du rêve fou de leur Président.

Le roi est nu disait le conte d’Andersen, la jeunesse russe vient de le proclamer.

Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant

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