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Economie : quel salut pour le régime ? 

 

L’économie algérienne dépend totalement de sa production en hydrocarbures.

Ceux qui refusent de comprendre le passé sont condamnés à le revivre. D’une économie pastorale à une économie rentière, le pas est vite franchi. Dans le cas de l’Algérie contemporaine, ce sont les hydrocarbures.

L’abondance de ressources en gaz et en pétrole « à bon marché » engendrent des rentes rocardiennes pour le pays parce que leurs coûts et prix de revient sont très faibles et les prix de ventes sur le marché international très élevés du moins dépassant de loin le prix d’équilibre.

L’économie se porte bien tant que le cours est élevé, le pays s’effondre en même temps que cours si ce n’est pas le cas. Certains pays comme l’Algérie fondent toute leur économie sur ces rentes et négligent le développement de leurs industries et surtout de l’agriculture. Ce qui à long terme pose des problèmes difficiles à résoudre. C’est ainsi que Etat et société sont devenus addictifs à la rente pétrolière et gazière. Le pétrole agit sur la société et sur l’économie comme de la cocaïne. Il provoque une dépendance physique et psychique forte à la fois sur l’Etat, la société et sur l’économie.

Quand le prix baril du pétrole rit, la gestion pleure, l’Etat pavoise, la société se tait, le ciel s’éclaircit, les oiseaux gazouillent, la vie est belle, c’est l’ivresse. Elle est de courte durée. Le réveil est brutal. C’est la gueule de bois. Le prix du brut s’effondre, les langues se délient, l’Etat s’affole, la société se meurt, le ciel s’assombrit, les oiseaux émigrent, la vie est terne, les funérailles s’organisent. La fin est proche.

La solution médicale serait la désintoxication mais cela prendra nécessairement du temps qui fait cruellement défaut d’autant plus que le sujet n’est pas éveillé mais endormi. Deux techniques soit l’hypnose soit l’électrochoc. L’hypnose a fait la preuve de son inefficacité. Seul un électrochoc peut le faire sortir de son long sommeil. Un réveil qui peut lui être fatal ou salutaire.

Beaucoup de gens pauvres se résignent pour une raison ou une autre et par désespoir de cause s’en remettent à Dieu. Alors que les riches « parvenus » produits par le régime se sentent souvent coupables de leurs richesses sachant qu’ils ne l’ont pas méritées, c’est  pourquoi ils sont pressés de s’en débarrasser soit en le dépensant de manière intempestive, soit en le plaçant à l’étranger de façon anonyme car une fortune acquise honnêtement ne fuit pas le pays et ne craint pas le regard de la société. Ce n’est pas la richesse ou la pauvreté qui posent problème mais l’origine de l’une comme de l’autre. Le problème n’est pas de perdre la partie mais de truquer le jeu. C’est la tricherie qui fait trébucher. On recoure à l’émission de billets (la facilité) au lieu de changer de billet (la difficulté) pour résorber le déficit budgétaire de l’Etat.

Pourront-ils survivre en dehors de l’Etat et des hydrocarbures ? Evidemment, on ne guérit pas une plaie en y retournant le couteau comme on ne peut pas la laisser en l’état,  elle risque de gangréner tout le corps d’autant plus qu’il est imprégné de miel. On peut se relever d’un traumatisme certes mais jamais  du royaume des morts. Il est vrai qu’après un traumatisme collectif, causé par deux guerres (guerre de libération et guerre civile) en l’espace de quelques années, plonge chaque algérien dans un état de choc violent. Après le choc, on redevient comme un enfant à la recherche d’un père protecteur. C’est la stratégie de choc elle peut être salutaire comme elle peut être mortelle.

Tout dépend de la conviction des leaders et de leurs capacités à mettre en œuvre des réformes structurelles profondes. On peut chercher les responsables sans jamais trouver des solutions. Il n’y a pas de solution individuelle à un problème collectif. Une cohésion sociale suppose la mise à nu des difficultés et la volonté d’y faire face sans échappatoire et sans faux fuyant, de façon solidaire en faisant appel à la raison. La survie du patriarcat a très certainement intérêt à encourager le  triomphe de la défaite. Cette mentalité qui consiste à se dire « après moi le déluge » ou « fais-moi vivre aujourd’hui et jette moi dans l’enfer demain ne peut durer ». Elle condamne nos enfants de façon certaine. C’est dire que la situation est complexe et les causes multifactorielles.

Nos problèmes ne tombent pas du ciel mais ont poussé sous nos pieds. Il suffit de jeter un regard furtif sur les détritus qui jonchent le sol et le mouvement incessant des gens qui circulent sans but pour se rendre compte de l’état de délabrement du pays du nord au sud, de l’est à l’ouest. Mostéfa Lacheraf avait prédit cela dans les années 70 « il arrivera un jour dira-t-il où l’algérien ne saura même pas tenir un balai ». Ce jour-là est malheureusement arrivé. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les détritus qui jonchent le sol pour se rendre de la réalité de cette prophétie. Nous n’avons pas besoin d’être grand clerc pour savoir que l’occident nous devance de plusieurs siècles de labeur, de savoir, et de développement. Dans les sociétés occidentales, dès la fin du XVIIIème siècle, s’est imposée une idée neuve du bonheur immédiat. Ce bonheur se mesure à l’aune des biens consommés sur terre. En contrepartie de ce bonheur matériel s’est développé simultanément une idéologie productiviste où le travail est une valeur sur laquelle se fonde les économies.

C’est à partir du moment où la société européenne est parvenue à dégager un surplus agricole lui permettant de libérer une partie de la population active pour asseoir une industrie qu’un pouvoir démocratique a pu émerger. Cette démocratie permet à celui qui fournit du travail de mieux saisir les contreparties de ses efforts tout en se libérant du pouvoir en place. Les régimes autoritaires ont été tenu en échec en Angleterre et en France parce qu’une classe sociale a pu entreprendre le développement industriel qui a fourni un surplus économique indépendamment de l’Etat.

Dans les sociétés traditionnelles, l’autosuffisance est l’idéal de vie qui donne accès à la vie éternelle. Il s’agit d’une économie de subsistance qui ne développe aucun surplus à écouler sur le marché. Elle est fondée sur une agriculture aux rendements dérisoires, le surplus vivrier reste faible. La division du travail est élémentaire répondant à des besoins strictement contenus à l’essentiel. Le surplus est de peu d’intérêt pour une société dont l’idéal de vie est la sobriété.

Les forces de changement n’existent que dans les discours et jamais dans les faits. Le défi majeur à relever est d’empêcher qu’une population qui a goûté à la sécurité, au confort et à la facilité de sombrer dans la peur, la famine et le chaos. Car un faible niveau de développement et ou de modernisation n’apporterait qu’amertume et désespoir.

Faut-il faire appel aux morts pour régler les problèmes des vivants ? Aucune force sociale n’est à même de formuler et encore moins de mettre en œuvre une proposition d’ensemble en vue de sortir le pays de la crise actuelle c’est-à-dire être en mesure de s’opposer au règne sans partage et sans limite du pétrole sur l’économie, la société, et la marche du monde. D’autant plus que ni l’économie mondiale ne peut s’en passer de son énergie, ni les pays producteurs de ses revenus, Les deux ne peuvent s’en passer de ce « cargo diabolique » qui les tient enchaîné à vie. Blé pour les uns et énergie pour les autres. La rente pétrolière rend dérisoire le surplus agricole potentiel et la facilité de payer les importations croissantes joue un rôle dissuasif vis-à-vis de l’urgence du développement agricole.

Les importations sont un instrument imparable d’aliénation très efficace qui permet aux élites dirigeantes d’accumuler plus de pouvoir et plus de richesses. Mais cela peut également les mener à leurs pertes. La flambée des prix de produits alimentaires sur le marché international a été un des facteurs déclenchant de la chute des dictatures arabes et africaines.

L’Algérie se trouve dépendante du marché international pour son approvisionnement en produits céréaliers dans la mesure où elle est satisfaite par un groupe limité de pays dont la France d’où l’extrême vulnérabilité économique et la fragilité de son équilibre alimentaire. Face à cette situation contraignante où le taux de dépendance croit rapidement et d’une manière alarmante, est-il possible de renverser la vapeur ? C’est à dire d’augmenter l’offre locale. Pour augmenter l’offre alimentaire, on peut, soit étendre la superficie cultivée soit améliorer les rendements.

L’agriculture saharienne offre des perspectives rassurantes pour peu que la volonté politique soit manifeste. Les pays développés soutiennent la production, les pays rentiers soutiennent les importations c’est-à-dire financent la dépendance du pays aux variations des prix vers la hausse sur les marchés internationaux rendant vulnérables leurs populations.

L’Algérie est le seul pays au monde à négliger ses paysans, ses artisans, ses travailleurs qualifiés, ses fonctionnaires honnêtes, ses penseurs, ses créateurs alors qu’aujourd’hui en Europe, aux Etats Unis, le revenu des paysans est protégé et subventionné et la terre prend de la valeur.

La revalorisation de la terre serait un moyen de redonner à l’algérien le goût du travail et non l’envie de fuir le pays ou de mettre sa vie en péril dans des embarcations de fortune. La fin du pétrole va creuser la faim dans le monde.

Algérie CCP : corruption, cooptation, pétrole ?

La famine sera le critère biologique déterminant de sélection des peuples au droit à la survie. Le premier droit de l’homme est de manger à sa faim. Les gens ont le cœur plein et la tête vide. La poche pleine mais les étalages vides<, la main tendue et le bras cassé, une main gauche sans a main droite. Une oreille attentive aux murmures de l’atlantique, une autre aux bruits de bottes à l’est, les deux yeux rivés sur la méditerranée.

Une situation politique et économique des plus délicates, un équilibre des jeux et enjeux géostratégiques planétaires, une population majoritairement jeune aux ressorts brisés, une élite politique vieillissante fatiguée, condamnée à pédaler sans arrêt pour ne pas chuter, un monde en effervescence qui n’offre aucune alternative que s’adapter ou disparaître.

C’est dire toute la responsabilité du choix des hommes devant conduire le destin de la nation

Dr A. Boumezrag

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